31 décembre 2012

Hopper for ever

Il vous reste un mois pour "courir" voir l'expo Hopper au Grand Palais. Vous serez certes vite arrêtés par la file d'attente, et ensuite, prenez votre temps.
Les salles se déploient, dans un ordre chronologique classique mais bienvenu, ponctué d' incises sur les artistes de son temps, ceux qui l'ont influencé, ceux qu'il a influencés. Petit à petit ce savant patchwork fait place aux pièces maîtresses, celles que l'on a vues et revues en reproduction et qui, "en vrai", comme disent les enfants, vous clouent sur place malgré la foule. La progression de son travail éclate alors de façon évidente, dans l'apparente simplicité, lisibilité des scènes, ce qui l'a longtemps desservi, alors que c'est son génie même que de parler à tous, y compris ceux qui n'ont pas de références. Que de sentiments universels : mélancolie, attente, solitude... jusqu'à l'épure finale, dernier tableau exposé : Sun in an empty room. Hopper a 81 ans lorsqu'il peint ce qui sera sa dernière toile maîtresse, il est arrivé au bout, et nous aussi. L'émotion qui m'a étreint alors est une sensation rare, moi qui suis davantage sensible à la musique et à la photographie (mais combien d'accointances entre Hopper et la photo...). La déferlante médiatique n'a pas affadi ou défloré la visite, et c'est rare...
IsaH

30 décembre 2012

"Curb your enthusiasm", série

Vous aimez les vieux grognons et le comique de situation ? Vous adorerez Larry David dans la série "Curb your enthusiasm" (littéralement Cache ta joie). Co-créateur de Seinfeld, Larry David joue son propre rôle, celui d'un humoriste plus tout jeune vivant à Los Angeles avec sa femme, la très patiente Cheryl. 
S'il a l'ironie dévastatrice d'un Woody Allen (il joue d'ailleurs dans "Whatever works" un rôle très proche de celui de la série), en matière de misanthropie l'élève dépasse le maître. C'est simple, tout l'énerve. Les gens qui téléphonent au restaurant ou ceux qui resquillent dans les queues, comme ici. S'il a le plus souvent raison de s'insurger, sa franchise brutale déclenche des incidents qui lui retombent toujours dessus, chaque épisode est donc un enchaînement implacable d'actions / réactions aboutissant à une catastrophe plus ou moins énorme pour notre héros ou son entourage. Effarés, on se demande comment il a pu en arriver là : par exemple se retrouver à inventer un oncle abusant de lui dans une réunion de victimes de l'inceste, tout ça parce qu'une ex (vraie victime, elle) lui a demandé de l'accompagner à la première séance.
Il est constamment confronté à ses plus grands ennemis : les convenances sociales et le politiquement correct.  Lui, c'est sûr, ce n'est pas l'hypocrisie qui l'étouffe. Est-il asocial, inadapté, antipathique ? Oui... et pourtant cet incorrigible gaffeur a rarement tort au fond et du coup on peut quand même avoir de l'empathie. Ce qui explique sans doute les 8 saisons de cette série à découvrir absolument (en vidéo).
IsaH


08 décembre 2012

Oh... de Philippe DJIAN

Oh ? Avec un O comme Oser... Djian ose tout :
- se mettre dans la peau d'une femme (et signer un des plus intéressants personnages féminins de la littérature française de ces dernières années).
- parler d'un viol, celui de Michèle, donc, la cinquantaine, une femme forte et sèche, pour qui cet épisode se révèle plus dérangeant moralement, parce qu'elle a été mise en position de faiblesse, que traumatisant physiquement (ce qui a fait couler beaucoup d'encre, mais le viol n'est pas le sujet du récit, et Oh n'est pas un roman à thèse).
- exacerber la tension des liens familiaux entre Michèle et son ex-mari, son fils, sa mère, sans parler de son père, un criminel qu'elle a rayé de sa vie
- flirter avec l'invraisemblable et ne pas lésiner sur les rebondissements (on sait le goût de Djian pour les séries et les feuilletons, qui ne sont pas avares en la matière)
 
L'épisode traumatique initial va en effet déclencher une cascade d'évènements tragi-comiques, qui vont profondément bouleverser la vie de Michèle et de son entourage… Djian est un raconteur et un dialoguiste hors pair, on ne quitte pas ce roman, drôle par fulgurances, sans la moindre miette de bons sentiments, qui a la couleur de la vie, et où chaque personnage a sa part de mystère, de secret, d'inavouable.
Je n'avais pas lu Philippe Djian depuis longtemps et j'ai eu tort de le "négliger", il reste décidément un des auteurs français les plus intéressants, parce que démarqué, décalé du microcosme littéraire.
IsaH

Les Kaïra de Franck GASTAMBIDE

Equivalent masculin et plus trash de Tout ce qui brille, Les Kaïra explose les codes du film de banlieue et du coup parle de cette dernière mieux que bien des films plus sérieux. 
Les dix premières minutes du film, qui décrivent les trois héros en no-life inoffensifs et naïfs dans leur cité de Melun, est à hurler de rire (mention spéciale à la mamie indigne, et bravo pour la description sociologique de la cité, particulièrement bien vue). De loin, le meilleur passage, même si la suite se laisse regarder sans une seconde d'ennui. 
Les garçons se sont mis en tête de devenir acteurs pornos pour s'en sortir. Les amis du bon goût tordront le nez devant deux scènes particulièrement proches de l'univers de Jude Appatow (que le réalisateur adore), qui réussissent l'exploit de rester bon enfant (si vous aimez Groland, ça passera)... Il y a plein de petites scènes en arrière plan qui contribuent à la vivacité du film, comme ces femmes en burka dans le gag le plus éculé du monde (ben oui porter une burka c'est d'abord absurde parce qu'on n'y voit rien ...).
Le réalisateur (qui joue l'un des trois copains) a compris l'un des ressorts importants d'un bon récit : la progression des personnages. Ils évoluent entre le début à la fin, et, message sympathique du film, ce sont les filles qui sont la solution : soeur, copine, elles sont plus affirmées et plus malignes et tirent nos gaillards vers le haut. Autre message plus utopiste, mais objet d'une scène finale jouissive (avec un ours, oui oui) : la solidarité d'un groupe peut triompher du méchant (en l'occurrence le caïd redouté du quartier, ici incarné par Ramzy). 
Chacun des trois garçons trouvera sa place dans le monde, à sa manière...
IsaH

02 novembre 2012

"Le Grand soir" de Gustave KERVERN et Benoît DELEPINE

Unique décor (ou presque) : une zone commerciale, filmée comme les grands espaces d'un western, avec grand angle et prises de vue sophistiquées. Benoît Poelvoorde, alias Not, est "le plus vieux punk à chien d'Europe, et c'est pas facile". Il arpente la zone car ses parents y tiennent la "Pataterie" locale. Son frère  travaille quant à lui dans un magasin de matelas. Il n'a que mépris pour son frère marginal, mais sa vie si bien réglée va basculer dès lors qu'il perd son boulot. D'un coup, le punk paraît bien inoffensif à côté  du cadre moyen qui pète les plombs... 
Dupontel en fait des tonnes et ça marche. Mais on n'a d'yeux que pour Poelvoorde, qu'on a l'impression d'avoir croisé plein de fois et qui fait un travail en profondeur et sans esbrouffe facile sur un archétype et une figure de notre société, le marginal (avec chien, mention spéciale à l'adorable jack russel qui vaut bien Uggie). Les scènes s'enchaînent, drôles et cruelles, soignées et poétiques, décalées et hyperréalistes. 
De ces deux réalisateurs, j'ai préféré "Mammuth", "Le Grand soir" est parfois un peu longuet, mais assène avec force et cohérence les désillusions qu'engendre sur les hommes une société marchandisée et formatée .
IsaH

29 octobre 2012

Home de Toni MORRISON

On entre lentement dans ce livre très court, un peu désarçonné par une langue simple en apparence mais pas si facile à lire. Après un préambule fantasmagorique en forme de conte, on suit d'abord à distance dans les premières pages le road movie de Frank Money, le mal nommé, ce noir revenu abîmé et alcoolique de la Guerre de Corée, et qui rejoint péniblement sa Georgie natale après s'être enfui d'un asile pour rejoindre sa soeur qui est malade et qu'il a toujours protégée. Malade, la naïve Cee l'est à cause de la cruauté d'un homme, on l'apprendra plus tard après un flash back sur le destin de la famille de Frank et Cee qui nous fait définitivement entrer dans le récit.
Etre noir dans les années 50 dans le sud des Etats-Unis... on a lu beaucoup là-dessus, mais l'immense Toni Morrison, prix Nobel de littérature, arrive encore à et toujours à écrire sur ce sujet avec profondeur et nouveauté. Un immense respect enveloppe ses personnages, et en particulier les femmes, Ida, Thelma, Sarah, qui vont sauver Cee et faire d'elle une femme plus forte.
IsaH

08 octobre 2012

Qu'avons nous fait de nos rêves de Jennifer EGAN

Magistral récit choral (malgré un titre mièvre), qui nous fait passer d'un personnage à l'autre (Sasha, Bennie et leur entourage), d'une décennie à l'autre (des années 1970 aux années 2020 !), pour mieux faire ressentir le passage à l'âge adulte, la fuite du temps. Oui, on peut avoir été une punk camée à 15 ans et être une maman inquiète à 40. Tout en gardant la même étincelle au fond de soi. Chaque chapitre est une histoire en soi et le tout forme un puzzle de destins qui s'assemble lentement, puissamment et brillamment, de San Francisco à New York, sur fond de rock. Nick Hornby n'est pas loin, en plus trash et plus ample.
IsaH

23 septembre 2012

Ma vie précaire d'Elise FONTENAILLE

 Un beau jour, Elise vide son appartement sur le trottoir, rend les clés, et s’en remet au hasard ( dit-elle) pour son avenir. Elle a de nombreux amis.
Quelle déception que  cette lecture !! Là où l’on s’attend à trouver une expérience forte, des questionnements, on ne trouve, dans une première partie, qu’une succession d’hébergements chez des bobos (artistes, psychanalystes, « médecins intellos »...) dans des maisons au Cap Corse ou dans des villas en bord de mer en Bretagne. La déchéance, quoi… La narratrice, en rupture, a quand-même 650 € par mois pour se loger, sans travailler.
On ne sent jamais ni désarroi ni griserie d’avoir ainsi largué les amarres. On a surtout l’impression qu’elle joue les femmes bobo-intello-libérées en s’offrant de jeunes conquêtes qui toutes la trouvent irrésistibles. C’est léger, superficiel, bâclé, même si Elise ne perd aucune occasion de nous rappeler qu’elle est « écrivain ». Elle fait bien d’ailleurs, car rien ne nous permet de nous en apercevoir. Elle fait même des fautes de conjugaison ( « pendant que tu te vêtis »..).
Les derniers chapitres dans lesquels elle essaie de nous dire qu’elle était brisée et qu’elle se reconstruit lors de la cérémonie qui fait de sonpère un Juste tombe comme un cheveu sur la soupe.
Bref, pour moi, c’est incohérent, prétentieux, et mauvais.
Catherine

17 septembre 2012

2 Broke girls (série)

Max, la brune, est serveuse dans un deli de Brooklyn la nuit et baby-sitter dans l'upper east side le jour, elle tire le diable par la queue depuis l'enfance, mais s'en sort grâce à un caractère bien trempé...
Caroline, la blonde, est une riche héritère de Manhattan, enfin était, car son papa se retrouve en prison à la suite d'une escroquerie de type Maddox... Perchée sur ses hauts talons, traînant une valise improbable (et un cheval, oui oui), Caroline échoue dans le deli où travaille Max et s'y fait embaucher. Entre les deux, le coup de foudre amical arrive vite.
Improbable ? Pas tant que ça. Car si Caroline a le physique et le passé de Paris Hilton, elle déborde d'une énergie positive et d'une envie de s'en sortir qui bluffent Max. Et celle-ci, qui l'accueille sans chichis dans son appartement , montre à Caroline une solidarité que ses anciennes copines ont bien vite oublié suite à sa disgrâce. Ensemble elles vont monter une entreprise de vente de cupcakes. A Max le savoir-faire culinaire, à Caroline le sens des affaires !
Tout fonctionne dans cette série, l'abattage des filles est communicatif, les personnages secondaires, ingrédients indispensables de toute bonne sitcom new yorkaise, sont savoureux : le patron du deli est un tout petit asiatique qui essaie désespérement d'appliquer des recettes marketing hors de propos, le cuisinier russe est salace à souhait, et le caissier est un black de 75 ans philosophe à ses heures. Tout ce petit monde cosmopolite est la quintessence de NY (oui on voit de vieux messieurs faire le ménage dans les fast foods...), jusque dans les accents qui s'entrechoquent. Ca va vite, les dialogues sont pétillants, une vraie réussite.
IsaH

Camille redouble de Noémie LVOVSKY

Un "feel good movie", "Camille redouble" ? Pas si sûr... Quand on a la nostalgie de son adolescence, ça peut même foutre un sacré coup au moral... Mais bon, reconnaissons la force des émotions qui nous assaillent à la vue de cette quadra alcoolo et dévastée  replongeant, par un voyage dans le temps, dans le quotidien de ses 16 ans. Faut-il refaire tout pareil, sachant ce que la vie se chargera de vous infliger ? Le film est un peu redondant à force, creusant toutes les pistes de cette idée (le rapport aux parents, la dramaturgie peut-être inutile de la mort annoncée de sa mère, l'amour de jeunesse dont on sait qu'il vous quittera dans 25 ans, la grossesse à 16 ans etc... ). Mais c'est vrai que la vitalité de l'actrice, son choix audacieux et réussi de garder la  tête et la silhouette de ses 40 ans pour incarner l'ado qu'elle fut, font qu'on ne boude vraiment pas son plaisir.
IsaH

10 septembre 2012

Un concours de circonstances d'Amy WALDMAN

Que se passerait-il si... ? La fiction interroge souvent le réel en changeant le cours de l'histoire et en inventant d'autres conséquences aux faits. En l'occurrence, que se serait-il passé si l'architecte, désigné pour réaliser le mémorial du 11 septembre au terme d'un concours national préservant l'anonymat des candidats, était un musulman ? Lorsque son nom, Mohamad Khan, est dévoilé au jury, composé d'artistes, de personnalités politiques et de représentants des victimes, c'est la stupeur, vite maîtrisée par le politiquement correct ou une réelle ouverture d'esprit pour certains, mais provoquant des réactions indignées teintées de racisme pour d'autres. Comment gérer cette affaire ? Faut-il faire fi de la procédure totalement transparente du concours en classant le second, dans le plus grand secret des délibérations ? Ou faut-il laisser faire, en affrontant le séisme national que provoquera immanquablement cette désignation... De ce point de départ, Amy Waldman va tricoter avec habileté l'enchaînement implacable des faits, chaque personnage incarnant un point de vue. Elle a l'audace de ne pas faire de Mohamad Khan un homme et un personnage inattaquables. Jeune homme ambitieux et totalement laïc, il tient au prix et à son projet et ne prend pas la décision qui pourrait tout "arranger" : se désister. On comprend son point de vue, mais au fil du roman et des répercussions toujours plus folles et plus violentes, il se transforme en un personnage de plus en plus opaque. Le final est très troublant, finir un tel roman était une gageure, réussie par Amy Waldman, journaliste s'essayant à la fiction avec un réel talent.
IsaH

Du vent dans mes mollets de Carine TARDIEU

Un joli film sur l'enfance, avec des défauts, de la fraîcheur et une fin (un peu trop) tire-larmes. Les adultes sont un poil caricaturaux, mais tout passe quand même bien, grâce aux deux gamines, plutôt naturelles chacune dans leur registre. Quelques  trouvailles visuelles et une bande-son joliment illustrative (Babooshka de Kate Bush) sans oublier une des plus belles chansons sur l'enfance pendant le générique de fin,  j'étais clouée sur le siège de la réentendre...
IsaH

08 mai 2012

Vote de crise ? Films de crise...

 Parler des difficultés sociales, professionnelles des gens, le cinéma le fait depuis toujours ou presque. A l'anglaise (Ken Loach, Mike Leigh...), à l'italienne (Ettore Scola, Nanni Moretti...) et à la française : comme Cédric Kahn (Une vie meilleure) et Robert Guédiguian (Les Neiges du Kilimandjaro). Le premier est quasiment un documentaire, surtout dans sa première partie, très elliptique, mais qui montre bien l'engrenage qui va plonger Guillaume Canet et Leila Bekhti dans le surendettement. Ces deux jeunes gens en veulent, achètent un restaurant à retaper mais s'y prennent très mal, et personne ne les aide. La jeune femme finira par partir au Canada chercher des jours meilleurs, laissant son fils Slimane à Guillaume Canet. Dès lors, le film, tout en continuant à montrer la spirale de l'échec social du héros, va zoomer sur le jeune garçon de 9 ans et demi, et sur sa relation chaotique avec son beau-père. L'ensemble du récit est très vraisemblable, chaque scène est un moment clé de cette année et demie de descente aux enfers, le montage est saisissant et signifiant, avec des fondus au noir qui suggère le temps qui passe. Bien mieux que je ne le pensais, ce film m'a beaucoup plu, les acteurs sont parfaits et les dialogues sonnent juste, c'est fluide, ça avance, la tension monte au fur et à mesure du film, surtout lorsque nos deux héros partent à la recherche de celle qui est partie et ne donne plus de nouvelles. Les obstacles s'accumulent et on se surprend à murmurer "allez allez ça va passer !". Le jeune Slimane est très touchant, pas du tout cabotin, et sa résignation devant la difficulté du monde est une misère à voir....
C'est aussi dans la tension du récit que Guédiguian excelle, après que Darroussin et Ascaride se soient fait agresser à leur domicile et voler une importante somme d'argent, cadeau collectif de la famille et des amis pour un voyage en Afrique du Sud. L'un et l'autre tentent de surmonter comme ils peuvent cette épreuve et finalement par des chemins parallèles, aboutissent à une même solution, complètement irréaliste d'ailleurs mais là n'est pas le propos de Guédiguian. La fin ne m'a pas gênée, elle est généreuse, à l'image des personnages et donc a sa logique interne dans le fil du récit. Et le dilemme de ces ouvriers devant porter plainte contre plus pauvre qu'eux est assez bien mené. En revanche j'ai eu les pires craintes dans les longues scènes d'exposition avant l'agression. La première scène ...

La Maison du Lys tigré de Ruth RENDELL

Plus anglais, tu meurs !! La grande dame du thriller britannique nous régale une fois de plus avec cette chronique d'un immeuble londonien qui vire au cauchemar. A la façon d'Agatha Christie, mâtinée de Patricia Highsmith, elle nous révèle un à un tous les habitants de Lichfield House. De Stuart le dandy et sa liaison avec la torride (mais mariée) Claudia, à Olwen, une séxagénaire bien décidée à se suicider par l'alcool, en passant par le concierge aux moeurs pas très recommandables et Duncan, le paisible retraité qui, de la maison d'en face, observe tout ce petit monde, la tension s'installe lentement, et le quotidien se charge de menaces, diffuses et diverses : qui sont les mystérieux asiatiques installés dans la maison mitoyenne de Duncan et  pourquoi parmi eux la très belle "Lys tigré" est-elle si effrayée ?
Un très bon cru de miss Rendell, qui nous trimballe et prend son temps pour mieux décrire ses personnages. Un roman choral où chacun a droit son heure de gloire et son lot de violence...
IsaH

29 avril 2012

Crépuscule de Michael CUNNINGHAM

L’auteur de The hours, adapté au cinéma avec Nicole Kidman, nous plonge dans le New York actuel, New York qui tient un rôle, à part entière, New York dans toute sa complexité, dans toute la vie qu’elle déploie. On ressent l’atmosphère si particulière de cette ville…
On pousse la porte de l’appartement de Peter, galeriste et Rebecca, critique et collaboratrice d’une revue culturelle influente. Un couple que l’on pourrait qualifier de « bobo » (je déteste cette expression), brillant, évoluant dans le milieu artistique, résidant dans un bel appartement new yorkais, jouissant d’un niveau de vie élevé, parents d’une jeune fille qui se détourne d’eux et mène une existence plutôt insignifiante ; un couple en apparence heureux, en apparence seulement.
L’auteur nous entraine au cœur de ce couple, au cœur de l’usure des sentiments, du désenchantement de la vie, de la difficile confrontation entre ce que l’on est devenu et ce que l’on voulait être.
L’équilibre précaire, mis en place par le couple au fil des ans, va être mis à mal par l’arrivée de Mizzy, le frère de Rebecca, un jeune homme mystérieux, ambivalent et fragile.
Le style est brillant, l’auteur prend son temps, le temps de vivre, de décrire si bien ces émotions. On vit au rythme de l’histoire et c’est assez rare de ressentir physiquement cette lenteur un peu nostalgique et peu lasse du quotidien.
Roman peu commun.
Charlotte

Room d'Emma DONOGHUE

On pourrait se croire face à un fait divers romancé : l’enlèvement et la séquestration d’une femme, que son bourreau viole tous les soirs et qui donne naissance à petit Jack qui nous raconte son histoire, sa vie dans La Chambre où chaque objet a un nom et est vivant.
On pourrait tomber dans le glauque mais le talent de l’auteur est de raconter l’histoire du point de vue du petit garçon, un langage d’un garçon de 5 ans hors normes.
Le style est enlevé, terrible parfois quand on se rend compte de ce qui se cache derrière l’innocence du petit garçon ; tout est suggéré, susurré avec la candeur de l’enfant et cela prend toute sa force. Ce roman est une prouesse, intéressante, qui selon moi pose de vraies questions de société.
Roman profond, inattendu et vraiment étonnant !!!
Charlotte



31 mars 2012

Kaameloot, série d'Alexandre ASTIER

Qui a dit que les français étaient nuls en série télé ? Moi... exception faite d'Alexandre Astier et son génial Kaamelott. Dans mon entourage, peu de personnes l'ont vu, ce qui m'étonne. Mais peut-être est-ce la diffusion sur M6 (chaîne culturellement peu correcte !) qui a dévalorisé cette série pourtant tellement aboutie, et tellement drôle.
Sur 6 saisons (la dernière est un préquelle magistral), on suit la vie quotidienne du roi Arthur et de ses chevaliers, à la recherche du Saint Graal... Ca vous rappelle quelque chose ? Eh oui les Monty Python ne sont pas loin, même si le ressort humoristique n'est pas le même. 
Là où les anglais misaient sur l'absurde, le français joue à fond la carte de l'anachronisme.
Dans le registre de langage : la moitié des personnages s'expriment dans une langue châtiée qu'on attribuerait naturellement aux chevaliers de la table ronde, l'autre moitié parle en Audiard dans le texte, et certains, comme Perceval, Karadoc ou Yvain se battent avec le vocabulaire (et ne gagnent jamais...).
Anachronisme des situations : les réunions de la table ronde font furieusement penser au monde du travail d'aujourd'hui, Arthur est un roi/ manager entouré de chevaliers/collaborateurs bien typés : un adjoint efficace mais arrogant et peut-être fourbe (Lancelot), des braves gars pas doués mais pleins de bonne volonté (Perceval en tête, sans doute le meilleur personnage de la série, et l'ineffable Merlin, qui ne réussit jamais aucun de ses sorts...), des opposants frontaux qui veulent lui piquer sa place (Léodagan, le beau-père) etc...
Dans cet épisode Arthur doit résoudre un conflit (récurrent) entre son beau-père Léodagan et le chevalier Bohort, qui veulent organiser deux bals le même jour, la scène d'ouverture montre la "bonne ambiance" avec sa belle-mère, dame Séli... http://www.kaamelott.info/livre-3/58-les-festivites.html
C'est Alexandre Astier lui-même qui joue Arthur, personnage complexe qui au fil des saisons évolue du pur comique (il rend un hommage appuyé à Louis de Funés) à des aspects plus sombres et plus humains (le manque d'enfant). Sa femme, Guenièvre, à qui il est marié pour l'intérêt de l'union des clans, est une gourde (géniale Anne Girouard) et leur mariage n'est pas consommé, car Arthur fait un blocage sexuel... Or le royaume a besoin d'un héritier et Arthur rêve d'un fils à aimer.
Kaamelott fait partie de ces séries qu'on peut revoir à l'infini, tant il y a de  lectures possibles, sociales je l'ai dit, mais aussi politiques (Arthur est un roi progressiste qui protège les paysans), religieuses (l'émergence de la chrétienté et du dieu unique n'a pas éliminé tout à fait les anciennes croyances), les parallèles avec notre monde contemporain foisonnent. Si la légende arthurienne est quelque peu malmenée par le scénario, on sent quand même qu'Aster maîtrise et respecte son sujet, pour preuve les DVD bonus  très intéressants et très documentés sur l'épopée d'Arthur.
Mais avant toute chose, et pas besoin de se réfugier derrière un quelconque message ou alibi culturel, Kaamelott est extrêmement drôle, efficace comme les meilleures sitcoms américaines, une phrase/un rire, et basé

11 mars 2012

Claustria de Régis JAUFFRET

Je l'avoue, je n'avais jamais lu Régis Jauffret. Pas par méconnaissance mais parce que c'est comme ça, il y a des auteurs qu'on n'arrive pas à se décider à lire. Est-ce un penchant malsain pour le fait divers qui m'a poussé à ouvrir "Claustria" ? Oui sans doute et aussi parce que le traitement d'évènements réels par la fiction m'intéresse et a produit des chefs d'oeuvre tant en littérature qu'au cinéma (Gus van Sant avec "Elephant", Emmanuel Carrère et Nicole Garcia avec "L'Adversaire"...).
Donc on plonge avec Régis Jauffret dans une abominable histoire qui a fait le tour du monde, celle de ce père autrichien qui a séquestré sa fille pendant 20 ans dans la cave de sa maison et lui a fait enfant sur enfant... Les points de vue du récit sont divers : Régis Jauffret lui-même enquêtant sur l'affaire, les protagonistes, dans une chronologie éclatée qui ménage de longs tunnels (si j'ose dire) de narration classique sur les années d'enfermement de la jeune fille/femme. Jauffret donne son interprétation de la monstruosité du père, c'est à peine croyable, et c'est totalement crédible. Un roman étouffant et rempli de questions, qui n'élude aucun détail sordide mais ne s'en repaît pas. Une vraie réussite sur laquelle il est difficile de mettre des mots.
IsaH

Chronicle de Josh TRANK

Les super-héros type Marvel vous ennuient ? En voilà d'un nouveau genre. Chronicle, petite série B très réussie, commence comme un teen movie et finit comme un blockbuster classique. Andrew est un adolescent perturbé par la maladie de sa mère, et la violence de son père. Il achète une caméra pour filmer son quotidien. Avec deux copains de lycée, Steve et Matt, ils se retrouvent dotés de super pouvoirs à la suite d'une exposition à une mystérieuse substance (dont on ne saura rien, ce n'est pas le sujet du film). Télékinésie, insensibilité à la douleur, capacité à voler... ils commencent par s'en servir pour faire des blagues.  Puis ils se demandent quand même s'ils ne pourraient pas utiliser ces pouvoirs pour autre chose... C'est alors qu'Andrew va commettre l'irréparable et basculer "du mauvais côté de la force". Matt et Steve vont tenter, amicalement et loyalement, de contrer une dérive qui s'accentue de jour en jour... Filmé totalement en caméra subjective, celle d'Andrew, les soubresauts un peu pénibles du début se fondent en d'amples mouvements de caméra lorsqu'Andrew arrive à la faire bouger dans les airs, une idée astucieuse.  On s'attache aux trois héros, tous très différents. Andrew nous serre le coeur de bout en bout en adolescent malmené par la vie, cela ne finit pas bien (encore moins que vous pouvez l'imaginer), bref, le réalisateur arrive à revisiter les enjeux classiques de l'affrontement entre le bien et le mal, à travers le personnage d'Andrew, plein d'une colère légitime mais destructrice.
IsaH

Si ce livre pouvait me rapprocher de toi de Jean-Paul DUBOIS

Je connaissais « La vie française » de Dubois mais ce livre-là était passé à la trappe. Présenté comme un roman, ce livre est indéniablement une autobiographie.
Un écrivain qui a écrit… kg de livres s’interroge sur sa vie, sur l’échec de son couple, se demande ce qu’il apporte au monde (ma question préférée, mon tourment permanent !!) et finalement se dit que pour se comprendre soi-même, il faut comprendre d’où l’on vient. Il entreprend alors un voyage au Canada, pour découvrir les lieux du drame, voir le lac dans lequel son père s’est noyé.
Véritable voyage initiatique qui permettra à l’homme de connaître sa famille, de découvrir ses limites et sa force, tout en croisant la route de personnages tantôt chaleureux et aimants tantôt barbares et inhumains.
Le style de Jean Paul Dubois est fluide, ses descriptions sont courtes mais suffisantes : on tremble quand il a froid, on voit presque défiler sous nos yeux les forêts canadiennes et ses grands lacs. Le ressenti est un peu le même que pour Les chaussures italiennes où les descriptions nous permettent de nous plonger dans ces univers, froid et humide !
Le début du roman correspond davantage à mes styles de lecture que la fin mais je dois avouer que j’ai aimé ce voyage au Canada, ces grands espaces.
Finalement, je crois que j’aime ces livres où l’homme est face à la nature (l’année dernière, j’avais beaucoup aimé « Dans les forêts de Sibérie»), sans doute parce que confronté à la solitude, à la survie, l’homme est en réalité face à sa nature profonde, ressent les émotions à vif… Je vais peut-être partir m’exiler quelque temps seule au fin fond de la nature (ne riez pas ceux qui me connaissent !!!… En fait j’en serais incapable !)
Un moment de lecture savoureux et entraînant.
Charlotte

27 février 2012

Big Bang Theory (série)

Des Friends à la sauce geek et californienne, ça intrigue. Et ça marche ! Cette bande de chercheurs à l'université, fans de jeux vidéo, comics et super héros sont bien typés et attachants, exaspérants à souhait.
En tête, Sheldon Cooper, sorte de D2R2 pour la gestuelle : ce surdoué de la physique quantique (enfin je crois), est un des personnages les plus drôles et les plus originaux qu'un genre aussi calibré que la sitcom de coloc' ait créé. Totalement asexué, bourré de TOCS (et de tics), nul en relations humaines (ça ne se traduit pas en équation), c'est un grand enfant totalement imbu de lui-même et totalement désopilant. Son coloc Leonard, le moins geek de tous, essaie de vivre une relation avec Penny la voisine de palier, une serveuse-blonde-délurée-au-grand-coeur. Gravitent autour d'eux Raj, l'indien inhibé (il ne peut parler aux filles que sous l'emprise de la boisson) et Howard, le "raté" de la bande (il est ingénieur...), qui vit avec sa mère juive abusive (on n'entend que sa voix croassante sans jamais la voir, jolie trouvaille).
Des dialogues ultra-référencés culture geek (mais ça va on suit quand même), des monologues scientifiques dont on devine qu'ils ne sont pas totalement farfelus (la théorie des cordes, tout ça...), sur le papier cela peut sembler excluant, mais non, c'est vraiment très drôle et très efficace. Mais surtout ne regardez pas Big Bang Theory en français, c'est un vrai massacre.
IsaH

Ombres et Lumières d’Outre Temps de Luc VALERO

Qu’est ce qui peut pousser quelqu’un à s’intéresser à ce qui paraît être un simple recueil de poésies, écrit de surcroît par un inconnu ? Rien, tant on en croise souvent qui ne présentent que peu d’intérêt. Pourtant un heureux hasard m’a amenée à le faire avec Ombres et Lumières d’Outre Temps de Luc Valéro repéré sur un blog, et ce fut une très belle rencontre.

Sous ses airs de recueil anodin, l’ouvrage m’a réservé une belle surprise… Il ne s’agit pas à proprement parler d’un recueil de poèmes. C’est un livre différent, inclassable. Une série de dix textes, courts et de formes variées, qui constituent un tout dont la portée se révèle avec pudeur, peu à peu, au fil des pages. Exprimer les émotions n’est pas chose aisée. On peut vite sombrer dans le dégoulinant ou le voyeurisme. Et bien ici rien de tout cela. Passé la surprise de la première page, je dois reconnaitre que ce livre m’a vraiment transportée et émue, « interpellée » (dixit l’auteur) de manière très habile, et j’ai beaucoup aimé. Le style est fluide et révèle avec beaucoup de délicatesse une sensibilité un peu désuète qui fait trop défaut dans le monde qui nous entoure. Ce livre ne m’a pas laissée indifférente, il mérite vraiment qu’on s’y arrête, je vous le recommande.

Nathalie

Charlotte a lu...

Dire son nom de Francisco Goldman
Comment faire le deuil de sa femme, quand celle-ci disparaît à trente ans, comme ça, subitement, sans prévenir… ? C’est son histoire que nous raconte l’auteur, ce deuil impossible, cette sensation de vide qui peut parfois frôler la folie.
Si le pitch est douloureux, le livre est léger, parfois trop d’ailleurs.
On s'ennuie un peu au début, désolé de ne pas s'attacher à cette jeune femme dont on connaît l'issue fatale, et puis finalement on se laisse happer pour l’histoire, par la vie d’Aura avant sa mort, ses envies, sa fantaisie, ses doutes, son insatiable quête de notoriété, ses rêves.
L’auteur aurait pu faire un livre moralisateur sur l’idée de vivre sa vie pleinement, de ne pas faire de compromis car tout peut s’arrêter demain, mais il n’en est rien.
Il décrit juste ce qu’il vit, se rappelle des souvenirs, nous déroule le fil de la vie d’Aura.
On reste cependant parfois un peu froid face à tout cela, comme si lui était également un peu étranger à ce qu’il vit.

Tangente vers l’est de Maylis de Kerangal
Roman très court sur la fuite.

Décor : le transsibérien.
Personnages : Hélène, française fuyant son amant russe et Aliocha, jeune soldat réquisitionné ne cherchant qu’à déserter.
Ou la rencontre de deux personnages que tout oppose et pourtant... Portrait de deux fuites avec une conclusion claire et réaliste: quelque soit la chose, le lieu, la personne que l’on fuit, les ressentis et les émotions sont proches… on a tous le même visage dans ce cas là...
L’écriture de Maylis de Kerangal est travaillée, fouillée, structurée. On se laisse embarquer par ce récit très court, le décor défile sous nos yeux.
Court mais intense ! Ce livre vient de recevoir le prix Landerneau.

Charlotte

13 février 2012

Rouge argile de Virginie OLLAGNIER

Parfois il est difficile de parler des choses qui vous touchent profondément, qui vous émeuvent plus que d’autres, qui sont ressenties physiquement et pas seulement effleurées… Et pourtant, il faut que j’essaie de vous parler de ce livre… Un livre peut vraiment avoir cet effet? Oui!
J’ai vécu ce livre, il m’a réchauffé, m’a fait voyager, m’a poursuivi toute la journée, n’attendant qu’une chose le retrouver le soir pour le dévorer, qui m’a fait me lever un peu plus tôt pour le terminer…
Ce livre, c’est Rouge argile de Virginie Ollagnier
C’est un livre solaire, lumineux, décomplexant, qui vous embarque dans un Maroc chaud où les blessures de l’Histoire sont encore présentes mais où l’on essaie de vivre, d’oublier.
C’est un roman assez court mais qui véhicule tant d’émotions, de sentiments nobles, sur le rôle à tenir dans la vie, sur les non dits, les pudeurs, le pardon, la force et le courage.
Rosa vous embarque dans ce monde avec la sanguine Shérifa, la voluptueuse Monde, le disparu si présent Egon... Pas de longues descriptions et pourtant le style de V. Ollagnier vous emporte dans cette vieille maison entourée d’une orangeraie où le travail de la terre libère, apaise les maux.
Un réel coup de cœur… Un livre unique !
Je suis émue rien que d’en parler tant ce livre a été un bonheur pour moi. Je n’aime pas relire les livres et pourtant je pense que celui là, je le rouvrirai pour me faire du bien, pour me prouver que dans la vie rien n’est tranché, que ce que l’on croyait acquis hier ne l’est peut être pas, qui vous démontre que rien ne peut être arrêté, que vos grandes idées sur le couple et sur la vie ne sont que des préjugés et que la vie vous démontre sa complexité et sa diversité à chaque instant...
Charlotte

Le rabaissement de Philip ROTH


Un livre court et incisif (mais pas exempt de longueurs), pas aussi génial que la critique le dit. On retrouve les thèmes de prédilection de Philip Roth, avec cet acteur de 60 ans, riche d'une carrière hors du commun sur Broadway et ailleurs, et qui perd le goût de jouer. Il devient mauvais sur scène, sombre dans la dépression. Il va se régénérer au contact d'une jeune femme de 40 ans, lesbienne, qu'il va façonner, et qui va se laisser façonner. Ils iront trop loin dans leurs jeux sexuels et tout finira mal... Bon, hormis une scène magistrale où la jeune femme raconte au héros la réaction de ses parents lorsqu'il apprennent leur liaison, et on comprend alors toute sa cruauté, ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable.
IsaH

12 février 2012

Le cas Sneijder de Jean-Paul DUBOIS

On peut le dire, Paul, le héros de ce livre est en chute libre : au sens propre du terme au début du livre comme au sens figuré à la fin des 218 pages.
A la suite d’un accident dramatique d’ascenseur qui l’a plongé dans le coma, Paul, endeuillé, se refuse à reprendre une vie que déjà, il poursuivait à contrecoeur. Ses repères troublés et quelques crises d’angoisse le poussent à trouver un nouveau travail à l’extérieur, à l’air libre sur la terre ferme, loin de cette verticalité que nous impose le monde moderne. Il devient alors Dog Walker, promeneur de chiens et a soudain l’impression que les canins le comprennent mieux que sa propre famille. Cela nous vaut quelques passages savoureux et très drôles.
Il continue néanmoins à s’interroger sur le drame qu’il a vécu, en compulsant la nuit, des documents sur le fonctionnement des ascenseurs réputés pourtant comme le moyen de transport le plus fiable du monde. Et il apprend beaucoup sur l’espace personnel, sur la vitesse et même sur les boutons qui ne servent qu’à rassurer…..Comprendre enfin pour effacer les images qui le hantent, de ce moment qui lui a enlevé sa fille.
Cette nouvelle attitude, bien sûr, ne plaît pas du tout à sa femme et à ses deux clones de fils qui se chargeront de lui faire comprendre à leur manière et « pour son bien » qu’il est temps de changer.
Autour de lui gravite une ronde de personnages fantasques qui n’ont rien à lui envier en matière d’originalité, un accro des nombres palindromiques, un autre des jardins japonais. Comme toujours chez Jean-Paul Dubois on colle au plus près des émotions du héros grâce à une écriture inventive déjà admirée dans ces précédents romans.
Ce n’est pas sans tristesse qu’on l’abandonne à la fin du livre « seul et la face tournée vers le mur » pour ne plus voir ceux qui ne l’ont jamais compris.

En refermant cet ouvrage il n’est pas dit que votre vision des ascenseurs ne sera pas légèrement modifiée. Pour ma part, c’est loin de m’avoir réconcilié avec eux !!
Ann

Et rester vivant de Jean-Philippe BLONDEL

Cela fait un moment que j’ai lu ce livre et j’attendais car je ne savais pas quoi en dire…
Je vais vraiment finir par croire que je suis un peu décalée car tous les livres à grand succès n’ont pas sur moi un effet fou (il y a des exceptions certes !!)…
J’ai lu d’une traite ce roman, court et efficace sans doute mais je n’ai rien ressenti…
Pourtant, le postulat est dramatique : la perte pour l’auteur de sa mère et de son frère dans un accident de voiture puis quelques années plus tard de son père. Complètement déconnecté de la vie, il part aux Etats-Unis dans un road movie avec son meilleur ami et leur petite amie commune (un peu plus compliqué mais je résume !)… Aucune émotion partagée, aucun moment de compassion ou au contraire d’envie de vivre, rien… Je n’entends que des bonnes critiques sur ce livre mais pour ma part, je suis restée hermétique!
Charlotte




The Descendants de Alexander PAYNE

George Clooney n'hésite jamais à incarner des personnages carrément grotesques (voir les films des frères Coen), mais il sait aussi faire dans le "vaguement ridicule", comme lorsqu'il incarne Matt, le héros de The Descendants. Avec ses chemises hawaïennes, ses pantalons taille haute ou ses tongues, il ne paie pas de mine. Matt est dépassé par ses deux filles adolescentes, qu'il ne connaît pas bien, et dont il est obligé de s'occuper depuis que sa femme est dans le coma suite à un accident de hors bord. Dans la scène la plus ouvertement comique du film, on le voit courir comme un dératé sur une route en pente, avec une technique très particulière qui tient du canard. Et pourtant, le film vient de basculer dans le tragique : Matt apprend de sa fille que sa femme le trompait au moment de l'accident. Gros plan sur le visage bouleversé de Clooney, on est dans l'empathie totale avec le personnage. Et le plan d'après il part en courant (voir description de la course ci-dessus) et on est morts de rire... Voilà tout l'intérêt de ce film. Sur le papier, mélo à souhait. Dans les faits, des ruptures subtiles ou brutales de ton qui ne nous laissent jamais dans le même registre. Rajoutez à cela des images splendides d'Hawaï et une réflexion sur la transmission (Matt et ses cousins sont les descendants des fondateurs de l'île et doivent se résoudre à vendre les dernières terres vierges qui leur restent) ainsi qu'une distribution largement à la hauteur du grand George : les deux filles de Matt sont plus vraies que nature, mention spéciale au copain abruti et au grand-père agressif mais dévasté (ou l'inverse).

On passe un bon moment devant un film sans prétention, sans temps mort, un peu tire-larmes sur la fin, mais dont le dernier plan, volontairement étiré, nous redonne le sourire : la vie reprend ses droits, la famille se ressoude, témoin ce bol de fraises et cette couverture partagés sans un mot, tous ensemble sur un canapé, devant la télévision...
IsaH

Les raisons de mon crime de Nathalie KUPERMAN

Je ne sais pas si je me tourne vers ses livres en ce moment ou si c’est un courant en vogue mais les romans sur l’écrivain lui-même, sur la difficulté d’écrire, sur la volonté d’écrire, sur le mal que cela peut engendrer autour de soi fleurissent et me tombent entre les mains.

Je pensais m’éloigner complètement de cet univers avec ce roman, dans lequel on se retrouve confrontée à Marianne, la narratrice, qui essaie de renouer le contact avec une cousine perdue de vue, Martine, sans emploi, alcoolique, vivant dans 15 m2, dont elle veut raconter l’histoire et qui raconte que sa mère est une tueuse… Les personnages sont violents, l’écriture est ciselée, on est dans la misère, la décadence, la vie sans lumière. De ce point de vue là, c’est une réussite mais je me suis sentie mal à l’aise, gênée, pas à ma place. J’ai manqué d’air, encore une fois, un peu comme Pièce rapportée. Sans doute était ce l’effet recherché par l’auteur mais autant Le Système Victoria qui m’a parfois dérangée, bouleversée, brûlé les doigts restera un grand souvenir de lecture ; autant de celui est trop, trop brut, trop violent.
Charlotte


Monsieur Jules de Diane BROECKHOVEN

Il y a des livres qui trainent comme ça, sur une table de libraire, qui font leur petite vie dans leur coin, sans que tous les médias en parlent… et c’est un peu, par hasard, que je suis tombée sur ce livre : Une journée avec Monsieur Jules de Diane Broeckhoven, paru en 2001, traduit dans plein de pays et une réédition est intervenue en 2011…
C’est un court roman, tout doux, d’une tendresse infinie, d’une mélancolie rare…
Alice et Jules ont un rituel : il se lève le premier, fait le café pendant qu’Alice paresse pendant une demi heure dans son lit. Comme chaque matin, elle se lève, attirée par l’odeur du café fraichement passé. Elle suit ses petites habitudes, va s’asseoir à côté de Jules dans le canapé, le regarde et comprend… Jules est mort. Elle va pourtant décider de passer une dernière journée avec lui, sans prévenir famille et pompes funèbres, pour qu’on lui laisse son Jules encore un peu. Elle partagera cette journée avec David, le petit voisin autiste qui vient tous les jours faire une partie d’échecs avec Jules.
Ce roman n’est absolument pas morbide, il est au contraire assez apaisant. Elle va lui dire tout ce qu’elle a tu pendant si longtemps, se reposer une dernière fois près de lui. Le roman est très court, se lit en une traite mais les personnages sont attachants, immédiatement, sans longue description, on s’imagine parfaitement le décor, la scène.
Un roman tout doux sur la vie partagée, sur l’amour et la tendresse, sur le quotidien, sur les habitudes, sur la vie tout simplement.
Charlotte

04 février 2012

Désolations de David VANN

L’Alaska, de nos jours. Irene et Gary, un couple d'enseignants fraîchement en retraite. Après trente ans de vie commune, Gary veut réaliser à tout prix son rêve de construire une cabane sur une ile, Caribou Island (titre original du roman), une île déserte. Il entraîne Irène, malgré-elle, dans cette folle aventure, sans préparation. La nature est hostile, Gary veut terminer la cabane avant le plein hiver, mais la rudesse de la météto les plonge dans des conditions apocalyptiques. Dès le début, Irène est torturée par des migraines inexplicables. Inexplicables médicalement, mais pas psychologiquement. Car le corps parle, le couple est sur le point de se séparer après 20 ans de leurre. Chacun d'entre eux pense qu'il aurait mérité un meilleur conjoint, la cabane et les aléas de sa construction deviennent le symbole de leur échec.
En parallèle, nous suivons également le quotidien de leurs enfants Mark et Rhoda. Cette dernière, vétérinaire, est une jeune fille qui rêve de se marier un jour avec Jim, un dentiste qui lui offre des conditions de vie matérielles confortables mais lui porte peu d’attention et finit par la tromper avec une créature de passage, Monique. Mark, le fils, est plus en retrait de la famille. Il est pêcheur, intégré dans la société locale, vit avec Karen, une serveuse que ses parents méprisent. Le climat familial est pesant. Plusieurs couples, des relations compliquées, et un drame final... 
Ce livre m'a donné froid et mal à la tête, littéralement. La force de l’écriture est telle qu'elle transmet les sensations extrêmes comme rarement. Loin des canons idéalistes du "nature writing" américain, David Vann, outre l'illusion conjugale, dénonce également le leurre du retour à la nature. Celle-ci est hostile, et les vrais habitants de l’Alaska cherchent à la contourner ou à l’exploiter (par la pêche comme Mark) mais ne la magnifie pas, comme Gary, un intellectuel qui a entraîné sa famille dans un pays qui ne leur convient pas. De l'hostilité de la nature à l'hostilité du couple, Désolations est aussi un livre sur l'irruption de la lucidité (Irène, Gary, et dans une moindre mesure Rhoda), mais qui ne sert à rien car elle arrive trop tard. En cela, le roman est construit comme une tragédie grecque, l'enchaînement des faits est inéluctable à partir du moment où les protagonistes sont prisonniers de leurs erreurs et dominés par leur destin. La répétition du drame vécu par Irène, enfant, qu'elle ne peut s'empêcher de reproduire, est poignante...
IsaH

30 janvier 2012

Le Jour avant le bonheur d' Erri DE LUCA

Italie d’après guerre. On est projeté dans cette petite cour d’immeuble qui n’existe que dans ces pays où le soleil est là en permanence, avec des enfants qui jouent, des voisines qui se chamaillent, le concierge bienveillant régnant sur tout ce petit monde, les émois d’enfants, les blessures de la guerre.
On s’attache à ce petit garçon, orphelin qui évolue, grandit, essaie de trouver sa place, de comprendre le monde. On aime ce concierge un peu bourru, mais attentionné, rempli de tendresse et d’amour et de tellement de pudeur.
Et ce titre… Le jour avant le bonheur… Tout un programme !
Comment réagiriez-vous si vous saviez que vous étiez à la veille du jour le plus heureux de votre vie ? Comment s’y préparer ? Et si cette attente était vaine ? Et puis au fond, ça ressemble à quoi le jour le plus heureux d’une vie ?
Le style est rythmé, charpenté parfois ; l’histoire est dense, on virevolte d’un âge à un autre, d’un sentiment à l’autre, de la gravité à la légèreté.
Les descriptions sont justes, réalistes et efficaces, on a l’impression d’être à côté du héros, de le regarder vivre, de l'aider à grandir.
Ce roman est d’un autre temps, une atmosphère particulière, qui n’est habituellement pas ce que je préfère, mais là, c’est vraiment bien emmené.
A découvrir pour l'univers, l'atmosphère, se réchauffer un peu !
Charlotte

21 janvier 2012

Les Séparées de Kéthévane DAVRICHEWY

Les romans ado regorgent de ces histoires d’amitié-amour, de ces relations un peu ravageuses, on aime s’inventer une histoire aussi forte, des amitiés pour lesquelles on est prête à tout… Mais les romans adultes sont plus rares sur ce sujet, comme si l’amour était le seul grand sentiment. Et pourtant…
L’amitié est souvent réduite, à un sentiment un peu plus fade que l’amour, quelque chose de secondaire ; ce qui est une grave erreur… Car il y a des blessures d’amitié qui ne se referment jamais et qui font souffrir davantage qu’une rupture amoureuse. C’est exactement de cela que nous parle Kéthévane Davrichewy dans Les séparées. Alice et Cécile, Cécile et Alice… une relation d’amitié fusionnelle, filiale presque, malsaine parfois? Ce sentiment que sans l’autre, il nous manque quelque chose…Cet alter ego.
Le roman commence en 1981 au jour de la victoire de Mitterrand, mais on bascule vite dans le monde d’aujourd’hui avec des flash back sur cette relation hors normes. On suit l’évolution de cette amitié, le pourquoi du déchirement et l’absence douloureuse, jamais comblée.
Chaque mot trouve sa place, les silences sont justes et nécessaires. Parfois l'auteur effleure les sentiments et pourtant on les ressent si fort.
Les personnages ont tous leur place dans le récit, sont tellement humains dans leur faiblesse ou dans leur dureté mais ils existent, ils sont là, tellement vivants qu'on a l'impression d'y reconnaître des visages connus. L’atmosphère est dense, parfois lourde, on ne tombe jamais dans la facilité.

Ce roman a fait remonter pleins de souvenirs en moi, des bons ou des moins bons, des blessures parfois. Je les refermais en me disant que ce livre allait me poursuivre... doucement et de loin, mais il sera là pendant un petit moment...
Charlotte

16 janvier 2012

Contagion de Steven SODERBERGH

Phobiques du contact, évitez ce film... Un virus mortellement foudroyant se répand comme une traînée de poudre dans les grandes villes du monde : en quelques heures, le patient meurt de convulsions. A travers de nombreux personnages illustrant différents points de vue (victimes, entourage des victimes, gouvernement, OMS, activistes etc...), on assiste à la course contre la montre "hommes versus virus"...
Loin des canons du film catastrophe, dont le spectaculaire maintient finalement le spectateur à distance, Contagion joue la carte de l'hyperréalisme. Si ce n'est la présence de stars à l'écran, on jurerait presque être devant un documentaire. Et les stars, justement, Soderbergh ne les ménage pas et n'a pas son pareil pour les banaliser, les rendre ordinaires. Lorsqu'ils incarnent des victimes (Gwyneth Paltrow, Kate Winslet...) la maladie ne les épargne pas plus que les personnages anonymes. Tous sont d'une sobriété et d'une intensité remarquables.  Matt Damon prouve une fois de plus, en veuf inconsolable, génétiquement immunisé contre la maladie, qu'il est un des meilleurs acteurs de sa génération. Le récit est  rapide (mais pas brouillon comme certains critiques l'écrivent), le préambule, uniquement musical, qui décrit la progression inéluctable de la maladie à partir de la patiente zéro, est prodigieux de maîtrise.
IsaH

14 janvier 2012

Album vintage : Feline des Stranglers

Sorti en 1982, c'est le premier CD que j'ai acheté, quelques années plus tard (je vous parle d'un temps etc...). "Féline" dénote dans la filmographie des Stranglers, ce groupe de new wave né dans la mouvance du punk. La voix hautaine de Hugh Cornwell, so british, délivre des textes plus sereins et plus intéreurs. On retrouve bien sûr, à leur apogée sans doute, les lignes de basse renversantes de Jean-Jacques Burnel (un français...) qui structurent les morceaux, plus sûrement encore que les synthés, pourtant omniprésents. La batterie, métronomique, contraste avec les "nappes" et les envolées de synthé, clôturant soudainement un "pont" éthéré en ramenant tout le monde à l'essentiel de la ligne rythmique, ou mettant un point d'arrêt d'un coup de caisse claire à l'intro "cloudy" de Midnight summer dreams, premier titre de l'album. D'une grande cohérence musicale, la production de Tony Visconti est exemplaire. C'est un album qui ne me semble pas avoir vieilli, mais peut-être est-ce aussi dû à la force des souvenirs qui lui sont attachés.
IsaH

08 janvier 2012

Intouchables d'Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE

Trop de promo peut tuer un film... "Intouchables" est un succès public énorme, mais les cinéphiles tordent le nez, sans même l'avoir vu. Pourtant, "Intouchables" n'est pas si mal.  Et sa tonalité générale est bien loin des quelques extraits dont on nous abreuve à longueur d'émission (pas de bras pas de chocolat etc...). On ne rit pas tant que ça, le quotidien des deux héros n'est pas rose. Il y a quelques facilités, c'est sûr, comme par exemple les passages sur l'art contemporain, tellement caricaturaux et n'apportant rien à l'intrigue ni à l'évolution des personnages. En revanche j'ai trouvé malin de ne pas faire d'Eléonore un personnage. Et mon coup de coeur va à Anne Le Ny, la gouvernante dévouée.
En fait ce qui est déraisonnable, c'est le discours autour du film : "cela va changer le regard des gens sur les handicapés, plus rien ne sera comme avant" etc... Pourquoi le parer de ces vertus, qu'aucun film n'aura jamais d'ailleurs ? C'est juste un énième film pas mal fichu et bien joué sur une amitié masculine mal assortie au départ. N'en faisons pas des tonnes, cela le dessert auprès d'un certain public qui croit qu'on lui refait le coup des Ch'tis ou des Petits mouchoirs. Comment peut-il y avoir un film de la décennie tous les ans ....???
IsaH

Limonov d'Emmanuel CARRERE

Je ne sais pas...

Cela pourrait être le résumé de ma critique.
On parle de ce livre ENORMEMENT... Pour les Inrocks, il fait partie du tiercé de tête 2011 et ils déplorent le Goncourt raté... Indéniablement, un des romans du moment...et pourtant je ne suis pas complètement conquise...

C'est du Carrère, c'est certain! On y retrouve la patte de l'auteur de l'adversaire et du remarquable "D'autres vies que la mienne"... Ce dernier est un de mes romans fétiches alors j'en attendais sans doute trop!
On ne sait pas sur quel pied danser, on voudrait pouvoir mettre ce Limonov dans une case : gentil ou méchant ? Tout noir ou tout blanc ? (ah bon le gris existe??)... Ce que l'on n'arrive pas à analyser, c'est le parti pris de l'auteur... A certain moment, on a l'impression qu'Emmanuel Carrère utilise le prétexte de la vie de Limonov pour parler de lui , de son besoin de reconnaissance, de célébrité, de cette personnalité un peu ambivalente qu'on a pu lui reprocher à une certaine période.

C'est un roman très documenté, dense, riche et complet sur l'histoire de la Russie (parfois un tout petit fastidieux... car retracer l'histoire de la Russie depuis la seconde guerre mondiale en un roman, ce n'est pas chose aisée!)
Agréable à lire, intéressant, enrichissant, on a envie de suivre les aventures de ce héros pas tout à fait ordinaire...mais...
Je suis perplexe... Je n'arrive pas prendre position mais il fallait que je vous en parle...

Et vous? Vous l'avez lu?
 
Charlotte

02 janvier 2012

Le Havre d'Aki Kaurismäki

Ma ville natale attire de plus en plus les cinéastes. Sa lumière, son architecture graphique, l'ambiance, au choix portuaire ou balnéaire, en font un décor de choix. Aki Maurismaki y a rajouté les havrais, avec accent, trogne et gouaille quasi parigote... Ils entourent avec poésie les héros de cette histoire en forme de conte, qui allie la lenteur aride des films scandinaves et le "feel good movie". J'entendais Cedric Kahn expliquer qu'il avait choisi exprès des héros jeunes, beaux et connus pour son film social sur le surendettement (Une vie meilleure) afin d' accentuer l'effet d'identification... Aki le finlandais fait tout le contraire, il met en scène des cabossés de la vie et leurs visages souvent filmés en gros plan révèlent toute leur dignité. André Wilms et sa partenaire finlandaise vivent une histoire d'amour qui nous étreint, le gamin clandestin dans son opacité même est bouleversant, et les seconds rôles, Darroussin en tête, font des merveilles. C'est souvent drôle, grâce à André Wilms, lunaire, et au phrasé très châtié de tous ces "gens de peu". Les éléments de décor (voitures, vêtements,...) mélangent les époques, créant une confusion visuelle très poétique. On a envie de croire à cette histoire de solidarité entre gens qui n'ont rien, aidés par un commissaire a priori intransigeant, mais que désarmera toujours le regard d'un innocent, surtout si c'est un enfant.
IsaH