06 novembre 2006

"Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux" de Kate ATKINSON

Comment ai-je pu passer jusque là à côté de Kate Atkinson ?? Humour typically british, personnages lunaires, décalés ou décapants, multiplicité des points de vue, suspense bien ficelé... rien ne manque au plaisir de lecture. On retrouve le héros de "La souris bleue", l'écrivain Martin Canning, toujours aussi Droopy. Il se retrouve au coeur d'un règlement de comptes hilarant mais néanmoins haletant dans un Edimbourg déjanté en toile de fond. Une bulle d'humour dans la rentrée littéraire.
Isa

08 octobre 2006

"Mangez moi" d'Agnès DESARTHE


Ouvrir un restaurant n’est pas affaire facile surtout quand on doit mentir à son banquier pour obtenir un prêt, dormir dans son restaurant car on ne peut pas se payer un appartement et gérer seule le quotidien d’un restaurateur : cuisine mais aussi marketing, secrétariat, comptabilité…
C’est pourtant dans cette aventure que se lance Myriam, femme ô combien mystérieuse, qui vit entre rêve et réalité et que l’on découvre au fil du roman : comment en est elle arrivée là ? Quel est ce lourd secret qui l’empêche d’avancer ?...
Des personnages, plus savoureux les uns que les autres, vont égayer ce quotidien difficile : Simone et Hannah, deux fidèles clientes, Ben le serveur parfait, Vincent le voisin fleuriste, Ali le cultivateur si particulier…
Agnès Desarthe nous offre ici un roman déroutant où se mêlent les petits soucis du quotidien et les rêves loufoques de l’héroïne. L’écriture d’Agnès Desarthe est tantôt légère, tantôt grave, tantôt empreinte de réalisme, tantôt philosophique… Ce roman nous livre le parcours d’une femme en repentir qui veut se reconstruire et nous pousse à nous interroger sur nos propres vies.
A découvrir !! Bon remède contre le blues et le pessimisme !!
Charlotte

02 octobre 2006

"Marge brute" et "Gagner sa vie"

J’ai lu deux romans sur le monde du travail, monde de plus en plus exploré par les jeunes plumes de la littérature contemporaine : "Marge brute" de Laurent Quintreau, dont on parle beaucoup et "Gagner sa vie" de Fabienne Swiatly, dont on parle beaucoup moins.
Si Laurent Quintreau dresse en onze scènes un compte rendu hallucinatoire de deux heures d’un comité de direction dans une grande entreprise de com, Fabienne Swiatly nous livre en treize tableaux le curriculum vitae d’une vie d’emplois successifs, qu’on devine être la sienne. Fable caustique et mordante d’un côté, récit réaliste et émouvant de l’autre…

On découvre l’héroïne de « Gagner sa vie » au carrefour de son orientation scolaire : « J’ai dit littérature, ils ont répondu gestion commerce. Pas assez douée pour la voie littéraire. Préparer le bac pour une fille d’ouvrier, c’est déjà bien ». Adolescente rebelle, elle fuit une vie ordinaire toute tracée. Et chaque chapitre égrène, au fil des années qui passent, les différents emplois occupés, tout aussi mornes et difficiles à supporter que le quotidien qu’elle a fui : trieuse de dattes, serveuse de restaurant, secrétaire… On ne sait rien d'autre de sa vie, si ce n’est qu’elle bouge dans la France entière et qu’elle essaie de choisir sa vie. Jusqu’à rattraper son envie d’ado : l’écriture, par la voie des ateliers. On la quitte quadragénaire pensive, qui vient de se mettre à son compte et réfléchit à « ce qu’il en coûte de gagner sa vie »… J’ai été très touchée par les premiers chapitres de son récit, cette difficulté à sortir de son milieu, cette capacité à endurer des emplois difficiles et mal payés en aspirant à autre chose. Cela m’a fait penser à ce très beau film, "La vie rêvée des anges". Est-ce, bizarrement, parce que cela finit bien, que le récit perd en intensité ? Il me semble qu’elle a moins bien traité la réussite de sa vie professionnelle.

Laurent Quintreau a davantage séduit les critiques, c’est normal, son livre est plus flamboyant, plus brillant, sans doute plus réussi, mais dans un registre plus facile : l’attaque en règle du monde des grandes entreprises, et la cruauté des fusions-acquisitions, qui obligent à dégraisser à tour de bras.
Il est 11H : le comité de direction d’une grande entreprise de communication se réunit, sous l’égide du directeur général, l’ignoble Rorty. Il est question de licenciements, du surpoids de la standardiste, si préjudiciable à l'image de l'entreprise, du solarium qui se construit sur le toit, et dont tout Paris va parler… 11 monologues intérieurs vont se succéder, dans une sorte de logorrhée où se mélangent le fil de la réunion, ressenti par chacun des protagonistes, et les obsessions, peurs, désirs et lâchetés qui traversent leur esprit. Cela donne des chapitres sans pratiquement aucune ponctuation, des pages pleines, écriture qui peut donner le pire comme le meilleur. Là on accroche, l'auteur maîtrise le procédé. Il raffine encore (trop?) les choses, en plaçant son récit sous le signe de Dante et de la Divine Comédie. 9 cercles dans l'enfer, 9 monologues, 1 au Purgatoire, 1 au paradis, et il s'appelle Alighieri… Ca n'apporte pas forcément grand-chose, mais ça fait chic… L'humanité décrite n'est pas reluisante, et au fond la charge porte davantage sur la nature humaine que sur le capitalisme triomphant. Mais après tout, ses mécanismes implacables ont été inventés par les hommes…
Isa

"Kafka sur le rivage" de Haruki Murakami

Le grand auteur japonais, Haruki Murakami, nous offre ici un roman magique et profond. Ce conte initiatique se déroule au gré de l’avancée des personnages vers leur quête de vérité – qui devient aussi la nôtre !
Kafka Tamura, jeune adolescent de 15 ans, abandonné par sa mère et qui vit seul avec son père, fuit son domicile de Tokyo pour échapper à la prédiction selon laquelle il tuerait son père, coucherait avec sa mère et sa sœur.
Ce jeune Œdipe, grand lecteur des œuvres classiques, va trouver abri et paix dans une bibliothèque particulière d’une contrée du sud du pays et va y rencontrer la mystérieuse Saeki…
Parallèlement, un vieil homme retardé mental après un long coma, et qui ne sait plus communiquer avec les hommes mais sait parler aux chats, va lui aussi prendre la route, poussé par une mystérieuse mission à accomplir.
Kafka va naviguer et entraîner le lecteur dans un univers onirique où les personnages qui l’entourent n’ont pas forcément de vraisemblance psychologique mais vont être les jalons de sa quête.
C’est remarquablement bien écrit. J’ai été captivée par la densité des personnages, la force spirituelle du récit, la manière originale et intelligente qu’a utilisée l’auteur pour amener son héros vers l’âge adulte.
C’est très beau !
Marie-Danièle

23 septembre 2006

"La Petite fille de Monsieur Linh" de Philippe CLAUDEL


Philippe Claudel nous avait déjà bien accroché avec ses Ames grises et son côté un peu mystérieux.
Dans son dernier livre il nous happe encore en 160 pages merveilleusement écrites et loin des gros pavés de l'été. On le lit d'une traite, on a envie de le recommander à tous mais sans en dire trop. Offrez le comme on me l'a offert, mais sans rien dire !!
Aussi je suis bien ennuyée car j'ai envie de vous en parler, de vous « l'offrir » sans rien dévoiler... Pour une critique c'est plutôt mal vu et je vais me faire virer du Blog moi…!
Alors quelques pistes pour vous attirer on y parle de déracinement, de solitude, d'amour et d'Amitié (avec un grand A), en dehors du temps, dans un lieu non précisé, mais dans une réalité bien actuelle. C'est une vraie rencontre entre 2 personnes qui ne peuvent même pas se parler.

Je ne suis pas sûre de ce que vous ressentirez à la lecture de ma critique mais franchement allez-y lisez-le et vous comprendrez : je suis sûre que ce livre vous plaira et résonnera longtemps en vous.

Ann

18 septembre 2006

"Les Autres" d'Alice FERNEY


Une soirée en famille. Théo fête ses 20 ans, avec sa mère, son frère, sa fiancée et quelques amis. La grand-mère, centenaire et très malade, est dans son lit, quelque part dans la maison. Le père ne fait que passer. Niels offre à son frère Théo un jeu "Personnages et caractères". Une sorte de jeu de la vérité : on tire des cartes avec des questions plus ou moins personnelles, qu’on choisit de poser à tel ou tel participant. Evidemment la partie de plaisir devient un jeu de massacre, et les secrets, rancoeurs et tensions se révèlent au grand jour.
Ultra classique, me direz-vous. L’originalité du roman est ailleurs, dans sa forme. On commence avec une suite de courts monologues intérieurs des différents protagonistes, qui nous dévoilent peu à peu l’intrigue, indirectement ("Choses pensées"). Les caractères de chacun sont plantés, et le fil de la soirée, avec tous ses rebondissements, est dévoilé entièrement à la fin de cette partie. On apprend ainsi très vite, que Marina, l’amie d’enfance de Théo, venue avec son petit garçon, a eu il y a quelques années une liaison avec Niels. Et qu’elle a gardé le secret sur le fait que Niels est en fait le père de l’enfant. Dans la deuxième partie, intitulée "Choses dites", Alice Ferney retranscrit les dialogues de la soirée, et rien que les dialogues, sans rien y ajouter. Ce qu’on sait de chacun, se trouve complété, éclairé, confirmé. La troisième partie, "Choses rapportées", enfonce le clou : un narrateur extérieur, omniscient, raconte la soirée en mettant en lumière tous les tenants et aboutissants des relations qui lient les protagonistes.
Le procédé est brillant, forcément il y a des redondances, qui parfois sont des répétitions et le roman n’échappe pas à certaines longueurs. Mais globalement on avance assez fascinés par ce jeu de miroirs très fin. La question essentielle qui sous-tend tout le roman, est : comment sommes-nous perçus par les autres, quelle image donnons-nous de nous mêmes ? Il parle de la souffrance à ne pas correspondre pour les autres à l’image qu’on a de soi-même. Et aussi, faut-il révéler les secrets, que gagne-t-on vraiment à le faire ?
Un beau roman, sensible et brillant à la fois, à découvrir dans le foisonnement de la rentrée littéraire.
Isa

19 août 2006

Lectures d'été


Mary Mc Garry Morris revient, dans Une douloureuse absence, sur la période de la Grande Dépression aux Etats-Unis. Deux enfants vivent avec leur père dans le plus grand dénuement, sous une tente dans les bois. Leur mère est partie chercher des jours meilleurs, ailleurs, loin d'eux. Mais ils espèrent toujours son retour. Ils découvrent le monde des adultes dans une suite d'expériences douloureuses. On a le coeur serré en lisant ce livre magnifique et qui se lit d'une traite.
Plus contemporain, Sous influence de William Sutcliffe met en scène un duo de copains, dont l'équilibre est rompu par l'arrivée d'un troisième garçon, qui va les emmener sur des pentes dangereuses. Un roman d'apprentissage fluide et sensible, très réussi.
Réussi également, le retour de Ruth Rendell avec Rottweiler, après la déception de son avant dernier opus. Un tueur en série se cache peut-être parmi tous les habitants de ce petit immeuble londonien, saurez-vous le découvrir ?

Et vous qu'avez-vous lu, cet été ??
Une période toujours propice aux gros pavés
Isa

11 juin 2006

"Les parallèles de Riemann" de Simon Kuntz


Heureusement pour moi qui ai tout oublié des cours de maths, la 4ème de couverture rappelle ce qu'est la théorie de Riemann : les parallèles suivent en fait une trajectoire courbe, et tôt ou tard, finissent par se rejoindre. On voit bien comment un romancier peut s'emparer d'une telle idée. Simon Kuntz, jeune auteur lorrain, s'y attelle avec un certain talent.
De courts chapitres alternent les différents points de vue d'une famille marquée par la folie et la mort. Snooky, jeune arriéré mental en proie à des accès de violence, réintègre après des années en institut la maison familiale, ou plutôt la remise que son père a consenti à retaper pour lui. Un père qui ne l'a jamais accepté et qui pleure toujours la mort de sa fille. Anna, la mère, est la seule à aimer Snooky, même son frère Jacques, devenu militaire, a quitté la maison, et ne revoit plus guère la famille. Jusqu'à ce qu'il se marie avec Jeanne et qu'un hasard de mutation le nomme dans la région immédiate de ses parents...
Un roman très court et qu'on lit d'une traite. Simon Kuntz a du talent pour incarner ses personnages et pour dévoiler petit à petit tous les secrets qui les habitent. Jusqu'au drame final.
Je vous conseille ce roman passé totalement inaperçu à sa sortie en janvier 2006. Il y a un univers, une histoire, une écriture soignée et sans esbrouffe. Un premier roman réussi.
Isa

25 mai 2006

"La famille Lament" de George HAGEN


Ce livre est une double invitation au voyage : voyage de l'Afrique du Sud aux Etats-Unis avec un état des lieux pittoresque et souvent amer des pays traversés, et voyage au sein d'une famille des parents excentriques et utopistes aux enfants impossibles mais si attachants.

On est embarqué au côté de l'ainé, Will, qui est peut-être le seul à prendre du recul devant toutes ces péripéties, à travers les lettres qu'il envoie à sa grand-mère (un tempérament aussi bien particulier !!). Rien de conventionnel dans cette famille qui cherche le pays idéal, ni ses débuts, ni ses problèmes. Dans cette famille on creuse la terre pour voir les chinois de l'autre côté de la terre… (quelle idée !). Un autre est spécialiste des valves et des robinets…(oui il en faut !). Nous sommes émus, amusés, jamais indifférents car les Lament sont en quête de ce que nous cherchons tous…le bonheur sans la perte des illusions, avec le cœur et l'envie toujours en avant. Alors on traverse leurs épreuves tant géographiques, professionnelles qu'intimes, prêts à tout encaisser, prêts à tout recommencer comme eux à chaque étape.

Alors prenez votre billet et partez avec eux, vous ne le regretterez pas.
Un premier roman original et prometteur.
Anne

17 mai 2006

"Commis d'office" d'Hannelore CAYRE


Christophe Leibowitz est un jeune avocat, éternel commis d'office pour arrondir ses fins de mois. Il s'est même fait une réputation chez les proxénètes d'Europe de l'Est. En somme, Christophe Leibowitz est un pénaliste misérable pour des suspects minables. Rien de très enthousiasmant si ce n'est que notre anti-héros a le don de nous révéler l'absurdité de certaines situations au gré de ses permanences au palais - interminables d'attente et fortes de mesquineries entre collègues. Bouffé par une réalité et un quotidien glauque à souhait, on finirait presque par déprimer avec Maître Leibowitz.
Jusqu'à ce qu'on comprenne que le personnage nous écrit de prison. Il a troqué son appartement confortable contre "une vie à deux avec un type de cent trente kilos qui ronfle au-dessus de mon oreille, dans une studette de neuf mètres carrés avec barreaux, exposée plein sud avec vue sur promenade – à Fresnes." Et finalement, pour des raisons que vous comprendrez si vous lisez le livre, ce n'était pas une si mauvaise affaire…
Quelques introspections vraiment très drôles sur un milieu que l'auteur connaît bien - et oui, elle est avocate pénaliste…
Paru en 2004 aux éditions Métailié

Amélie

15 mai 2006

"Le Pianiste", spectacle avec Robin RENUCCI


" Le Pianiste ", mise en scène de Cécile Guillemot, avec Robin Renucci et le pianiste Mikhaïl Rudy (Salle Poirel à Nancy)

Pas de décor : 2 hommes en noir, un piano et un fauteuil pivotant, un subtil jeu de lumière.
Un acteur sobre, droit, digne mais très ému et un grand virtuose de Chopin pour ne plus faire qu’un seul personnage : Wladislaw Szpilman, pianiste juif polonais, rescapé du ghetto de Varsovie.
Des faits terribles, effroyables défilent devant nous, relatés avec pudeur par la voix posée mais ferme de Renucci. Nul besoin d’image pour pleurer devant l’enfant matraqué par le soldat allemand et que le pianiste essaie en vain de sauver, pour pleurer devant la femme qui, de peur que les cris de son enfant ne les fassent prendre, l’étouffe et en devient folle ou devant ces familles entières que l’on fait monter dans les trains de la mort.
Entre chaque épisode, la musique de Chopin vient ponctuer l’intensité du récit.
Pas un mot inutile, pas un geste, pas un déplacement, pas une note de trop, rien qui ne puisse nous détourner du drame.
Pourtant, si le pianiste est sauvé à plusieurs reprises par un soldat allemand et finit par s’en sortir et s’il faut y voir là une lueur d’espoir, la vie peut-elle encore avoir un avenir ?
Et la salle n’était plus que silence et émotion lorsque le piano se referma !
Charlotte et Marie-Danièle

14 mai 2006

"Le Promeneur du champ de Mars" de Robert Guédiguian

A la cérémonie des Césars 2005, n'ayant pas vu ce film, et ayant adoré "De battre mon coeur s'est arrêté", je trouvais injuste que Romain Duris ne soit pas récompensé... Après avoir vu Michel Bouquet dans le rôle de Mitterrand, cette récompense me semble désormais pleinement justifiée. Pas follement emballée par le projet du film (raconter les derniers mois du Président par la voix d'un jeune journaliste "recruté" pour recueillir au quotidien les souvenirs et réflexions du vieil homme), et après les cinq premières minutes où j'ai bien cru ne pas "tenir", je suis d'un coup rentrée dans le récit. Au-delà du personnage de Mitterrand et de ses ambiguités (traitées avec honnêteté par Guédiguian), j'ai surtout été sensible à sa lucidité. Bouquet est troublant et étonnant : il est Mitterrand, et en même temps il lui donne une universalité qui dégage le film d'un contexte politique bien situé dans le temps, pour aboutir à une superbe réflexion sur la mort qui approche et qu'il faut apprivoiser. Guédiguian a réussi son pari, pourtant intenable sur le papier : faire un film sur Mitterrand, à la fois respectueux de l'homme mourant et sans concession sur les zones d'ombre de l'animal politique qu'il fut. Mitterrand, contre toute attente diront certains, savait toucher les ouvriers et le peuple, et cela le communiste qu'est Guédiguian a l'élégance de le reconnaître, dans une des scènes les plus fortes du film. Il filme le discours du Président aux ouvriers d'une usine minière, où l'on commémore un accident qui a coûté la vie à des dizaines de mineurs. Les gros plans sur les visages bouleversés et pleins de dignité des mineurs, la force et la sincérité du discours de Mitterrand, tout le talent de Guédiguian s'exprime dans ces plans. Cette faculté réelle de Mitterrand, qui m'a toujours un peu étonnée, qui la possède aujourd'hui...?
Isa

13 mai 2006

"Je mourrai pas gibier" de Guillaume GUERAUD


"C’est avec « Je mourrai pas gibier » que les éditions du Rouergue lance leur dernière collection de poche pour ados, DoAdo noir. Un récit noir et sans concessions signé Guillaume Guéraud à qui l’on devait déjà « Cité Nique le ciel ». Depuis toujours à Mortagne, c’est la guerre entre les vignerons et les travailleurs du bois. Issu d’une famille de scieurs, Martial choisit d’étudier la mécanique. Mais la violence du village ne l’épargnera pas. Aussi, le jour où il découvre que son frère et un ami s’en sont pris à Terence, le « pleu-pleu » du village, le seul qui ne soit pas chasseur, Martial décide de se venger sur leur propre terrain. Le jour du mariage de son frère, il emprunte le fusil de chasse de son père." (résumé FNAC.com)
Juste un petit mot sur un livre qui se veut "pour enfants" (pourquoi un livre serait il pour enfants seulement..?? ça c'est un autre débat) .On ne peut le résumer car l'intrigue est rapide, brève mais tellement forte...Livre court, poignant, noir qui ne peut laisser indifferent. On ne peut en sortir indemne...Cela fait plusieurs jours que j'ai lu cet ouvrage et je n'arrive pas à oublier...
Charlotte

06 mai 2006

"L'Age de glace 2"


Sans complexes, et sans l'alibi (facile) d'accompagner un quelconque enfant de mon entourage, je suis allée voir au cinéma la suite de "l'Age de glace" (j'avais adoré le premier que j'avais vu sur petit écran). Si vous êtes amateur de divertissement intelligent, de rire franc mais pas gras, si vous êtes un peu lassé de l'humour cynique ambiant, mais sans renoncer tout à fait au deuxième degré, courez-y. Comme "Shrek", ce dessin animé s'adresse avant tout à nous les adultes (même si les enfants y trouvent certainement aussi leur compte, quelle réussite).
Les prouesses techniques sont de tous les plans mais se laissent oublier pour créer un univers tellement "réel", aux paysages magnifiques. Ici on est à la croisée du meilleur de Walt Disney et de Tex Avery (voir les scènes récurrentes de l'écureuil qui cherche désespérement à attraper un gland, alors que tout se ligue contre lui ; il est prêt à tout pour le déguster, vraiment à tout...). On est aussi dans le registre traditionnel des codes de la comédie : le garçon et la fille (ici deux mammouths) se chamaillent pendant les 3/4 du film puis tombent dans les bras (?) l'un de l'autre...
Les personnages sont à hurler de rire. La jeune "mammouthe" a été recueillie par une famille d'opossums quand elle était petite, du coup elle se prend pour l'un d'entre eux : il faut la voir se suspendre avec ses "frères" par la queue, à la branche d'un arbre qui n'en demandait pas tant... Une sacrée trouvaille et une petite réflexion en passant sur l'identité (bah, laissons de côté ces réflexes explicatifs, c'est tout simplement drôle). Le tigre qui a peur de l'eau, le paresseux un peu crétin, mais qui mine de rien découvre le feu, ils font tous mouche. Petit message écolo en passant : la catastrophe qui menace tous nos héros de la banquise, c'est la fonte des glaces...
Les productions de dessins animés Dreamworks et Pixar n'ont qu'à bien se tenir. L'outsider Blue Sky tient vraiment la route. Et nous, autant de créativité et de beauté graphique, on en redemande !
(J'aurais pu aussi vous parler du "Monde de Nemo" : j'ai a-do-ré... quoi, je régresse ?)
Isa

02 mai 2006

"Les charmes discrets de la vie conjugale" de Douglas KENNEDY


Comment peut on basculer, subitement, d’une vie tranquille, calme et rangée à une vie noire, sombre et tellement difficile ? C’est à cette question, ô combien passionnante, que Douglas Kennedy tente de répondre dans chacun de ses romans et notamment dans ce dernier opus.
Hannah Buchan , fille d’un homme reconnu, mène une existence ordinaire dans une petite ville des Etats-Unis où tout le monde se connaît et s’observe, mais où personne ne s’entraide et où le moindre faux pas est analysé. Mariée à un médecin, mère d’un enfant, sa vie semble toute tracée quand un homme va transformer, insidieusement, son quotidien.
Trente ans après, l’actualité, notamment le 11 septembre 2001, va mettre à nu cette brève liaison et va conduire Hannah Buchan vers une descente aux enfers.
Roman à l’ambiance pesante, épinglant subtilement la société américaine d’aujourd’hui et leurs politiques, qui nous tient en haleine jusqu’au bout, comme D. Kennedy sait le faire. On ne peut sortir indemne de ce roman, des questions sont posées : quelles sont les conséquences de nos actes les plus anodins ? Comment le passé peut il nous rattraper ?
Roman à découvrir et à dévorer !!!!!
Charlotte

"Vous plaisantez, monsieur Tanner " de Jean-Paul DUBOIS


Mr Tanner hérite de la magnifique demeure familiale. Jusque là tout semble parfait. Et pourtant la vie tranquille de ce dernier va se transformer en enfer domestique.
Cette maison doit être rénovée et faire des travaux se révèle être une mission ô combien coûteuse, difficile et truffée d’obstacles, de personnages pittoresques, parfois attachants mais surtout envahissants.
C’est ce que s’attache à démontrer JP Dubois dans ce roman empreint d’humour et d’anecdotes trop vraies pour ne pas être autobiographiques ! Chacun des chapitres de ce roman est un bref instant de vie où se mêlent lassitude, énervement, espoir et relations humaines uniques.
Une écriture simple (parfois simpliste ?) pour un roman léger, court et agréable à lire.
Charlotte

26 avril 2006

"Le Cercle fermé" de Jonathan COE


Après l'Angleterre pré-thachérienne des années 70 ("Bienvenue au club"), Jonathan Coe s'attaque dans ce roman aux ambiguités du blairisme et semble renvoyer tout le monde dos à dos... C'est avec bonheur qu'on retrouve le petit groupe d'adolescents qu'on avait laissés à l'orée de leur vie d'adulte dans le premier opus : Benjamin l'idéaliste et son frère Paul, si différent, Claire et sa soeur Miriam, Doug, Philip et la solaire Cicely, point d'ancrage de toute l'histoire du groupe. A plus de 40 ans, que sont-ils devenus ? Benjamin travaille depuis toutes ces années à écrire ce fameux livre-concept dont il avait conçu l'idée dans "Bienvenue au club". Il est comptable, marié à Emily, et vit toujours dans le fantasme de Cicely, son grand amour de jeunesse, qui l'a quitté après une nuit d'amour inoubliable. Lorsque le roman débute, il vient de rencontrer la toute jeune Malvina, pour qui il ressent de troubles élans. Il lui fait connaître son frère Paul, devenu un député travailliste en vue, plutôt cynique : Malvina devient sa conseillère médiatique, mais tout se complique quand ils tombent amoureux l'un de l'autre. Claire est devenue une jeune femme pragmatique, bien que blessée par la vie. Elle non plus n'arrive pas à surmonter un traumatisme de jeunesse : la disparition de sa soeur Miriam, dont on est sans nouvelles depuis plus de vingt ans. Comme toujours J.Coe va tisser des liens entre tous ces destins, avec habileté (quoiqu'un peu moins qu'habituellement ?). Son roman vaut aussi pour la formidable description de l'Angleterre de Tony Blair à travers les soubresauts de l'histoire des 5 dernières années : la fermeture de Rover, la guerre en Irak. Un livre engagé, par un "déçu du blairisme" : les idéaux passent, au plan collectif, comme au plan individuel. C'est ce que semblent incarner tous ces personnages, qui se débattent entre leurs renoncements et leur attachement au passé. Les personnages de Benjamin et de Claire sont les plus aboutis, les plus attachants. Eux n'ont pas entièrement renoncé, et d'ailleurs Claire a toujours été amoureuse de Benjamin. Ils seraient sans doute heureux ensemble, mais Benjamin ne vit que dans le fantasme romantique et Claire n'aura pas la force de l'emmener dans le monde réel. Cette histoire possible, qui n'est qu'un des éléments du puzzle qui lie les personnages, est une des réussites du roman.
Jonathan Coe a prévu un résumé (inopportunément placé à la fin de l'ouvrage) de "Bienvenue au club" pour ceux qui ne l'ont pas lu (lecture que je ne saurais trop vous conseiller bien sûr. Lire les deux romans d'affilée est une chance que je n'aurai pas eue !).
Isa

09 avril 2006

"Lunar Park" de Bret Easton ELLIS


Une autofiction à l'américaine, c'est sensiblement différent, dans la forme, de Christine Angot et consorts, mais pas forcément beaucoup plus intéressant, dans le fond... Bret Easton Ellis, l'enfant terrible des lettres américaines, se met en scène dans une sorte de fausse biographie mâtinée de Stephen King ; la maison qu'il habite avec une star de cinéma et ses deux enfants, recèle d'étranges phénomènes : les peluches sont vivantes et agressives, la moquette et les murs changent de couleur... Et puis surtout deux personnages viennent hanter le quotidien du héros : son père, mort depuis quelques années, et Patrick Bateman, le serial killer chic de son roman évènement "American Psycho".
Ellis n'y va pas de main morte, comme on dit. Mais on se laisse malgré tout embarquer, car il n'a pas son pareil pour écrire les scènes "à faire" : réceptions mondaines et décadentes décrites par le menu, lutte du héros contre le démon de la drogue. On sent bien sûr que le petit Bret cherche aussi à régler la question du père (le sien) et de la paternité (la sienne), mais j'ai lu plus émouvant sur le sujet. Il est à mons sens plus convaincant dans l'évocation du cadre de l'histoire, à savoir les banlieues américaines ultra-chics : des couples de façade obsédés par la réussite, des enfants soi-disant hyperactifs, rendus amorphes et dépendants au xanax, mais soumis dès leur plus jeune âge à la compétition. La réunion des parents d'élèves de l'école privée de la ville est un des grands moments du roman, bien plus terrifiante que les quelques scènes de grand-guignol fantastique qu'Ellis nous inflige...
J'ai quand même le sentiment qu'il tourne un peu en rond, creusant sans fin ses obsessions. C'est extrêmement habile, avec suffisamment d'autodérision pour qu'on ne s'agace pas trop de cet enfant gâté et nombriliste et qu'on ne jette pas le pavé à la moitié. La critique a dit que c'était le roman le plus abouti d'Ellis. Peut-être, mais il ne surprend plus guère...

Isa

20 mars 2006

"Le Club Jane Austen" de Kare Joy FOWLER


« Chacun de nous a sa propre Jane Austen » : dès cette 1ère phrase du roman, Karen Joy Fowler vous lance sur les traces de la célèbre romancière britannique, avec six de ses admirateurs, dans la Californie d’aujourd’hui. Ce groupe se réunit une fois par mois chez l’un de ses membres pour discuter de l’œuvre de Jane Austen. Les séances du club sont l’occasion de découvrir chacun des protagonistes – des gens ordinaires, ni heureux ni malheureux, avec leurs blessures intimes et leurs complexes -. Tout au long de leurs rencontres, des mariages sont mis à l’épreuve, des intrigues se nouent, des désaccords s’aplanissent, et comme sous la houlette de leur écrivain(e) favori(te), certains trouvent l’amour… Cette chronique sentimentale devient, sous la plume experte de Karen Joy Fowler, une comédie délicieuse, pétillante et tendre. Pour l’apprécier, nul besoin d’avoir lu le moindre titre de la grande dame des lettres anglaises ; par contre, sachez qu’après cette lecture, vous risquez fort de partir, vous aussi, à la recherche de votre propre Jane Austen…
Paru chez Quai Voltaire en octobre 2005

Framboaz

14 mars 2006

"Une golden en dessert" de François REYNAERT


Les lecteurs les plus honnêtes du Nouvel Obs le reconnaissent volontiers, la chronique de François Reynaert, c'est ce qu'on lit en premier ! Son dernier bouquin, Une golden en dessert, détaille grâce à de courts chapitres thématiques tout ce qui nous "fout le cafard" dans la vie. Oh pas les grands malheurs, ceux qui vous noient dans la déprime, voire la dépression. Non, les petits riens qui rendent la vie toute grise tout à coup, et vous mettent le moral provisoirement en berne. Prenez le mois de novembre par exemple : qui ne souhaiterait pas le voir disparaître du calendrier, ce non-mois fait de grisaille et de crachin froid. François Reynaert lance officiellement une pétition pour passer directement d'octobre à décembre. Plus classique, le chapitre sur Noël, que chacun redoute mais continue de fêter. Ne ratez pas son couplet sur les chansons, c'est un monument qui contient un scoop, Reynaert n'aime pas les Beatles. Vu sa capacité à nous faire rire, on lui pardonnera cette aberration... Les petits cirques miteux sur les parkings de supermarché, un chat amoché croisé dans une rue, les zones pavillonnaires un après-midi de semaine, à chacun de se retrouver dans sa liste, et d'y rajouter ses propres occasions de cafard. Son livre, en tout cas, n'engendre pas la mélancolie !
Isa

10 mars 2006

Les Frères Y de Marie-Eve STENUIT


Deux têtes, quatre bras, quatre poumons, deux cœurs, un thorax, deux jambes, deux pieds et un sexe. Voici les frères Y. Guiliano et Gian-Giuseppe sont un Ypsiloïde. A leur naissance, dans l'Italie de la fin du XIXème siècle, on hésite déjà entre le pluriel et le singulier. Le curé finit par admettre que ce corps difforme abrite deux âmes. Le double baptême peut avoir lieu et les frères sont enregistrés sous deux états civils mais se partagent un seul acte de naissance. L'histoire peut commencer.
Marie-Eve Sténuit signe avec "Les frères Y" son premier roman. S'étant librement inspiré d'une histoire vraie, l'auteur réussit le pari de nous embarquer dans un récit à la fois sensible et drôle et au rythme savamment maîtrisé. De l'Italie catholique à l'Amérique du showbusiness, on croise des scientifiques, des tourneurs douteux, beaucoup de badauds, un homme crocodile et des chèvres savantes. Et, enfin, à vingt ans, l'amour... tout simplement.
Un court roman pour un agréable moment. On regrettera simplement que l'auteur se soit sentie obligée, dans une curieuse postface, de préciser ce qui, dans son récit, est "vrai" et ce qui ne l'est pas. Au diable la vérité, vive le roman!
Amélie
Roman paru au Castor Astral en 2005

28 février 2006

"Jour de gloire" de Pascale Fonteneau

Les polars sociaux sont rares. Pascale Fonteneau mérite donc d'être applaudie pour son dernier roman, très réussi, qui installe son supense au sein d'une association de salariés licenciés suite à la délocalisation de leur usine. Il y a Sylvie, la narratrice, très désabusée, qui continue le combat, deux ans après le licenciement, plus par habitude que par conviction ; son amie Monique, la secrétaire, pasonaria de la lutte, surtout suite à son coup de foudre avec Richard, rencontré à un congrès sur l'avenir des industries textiles (sic), liaison qu'elle cache à tous sauf à Sylvie, et pour cause... ; Roger, l'ex-syndicaliste reconverti naturellement en président de l'association ; Evelyne la comptable un rien mystérieuse ces derniers temps. Et puis Magali, la fille de Monique, sélectionnée pour l'émission de télé-réalité "Une star est née"... Une occasion, une chance pour l'association de se faire entendre au niveau national, mais aussi tout simplement de "passer à la télé", ce qui émoustille tout le monde. Tous ces pions bien posés sur l'échiquier, P.Fonteneau amène savamment les meurtres là où on ne les attendait pas. Il ne faut pas en dire plus, on va de surprise en surprise jusqu'à un final explosif, qui nous laisse d'abord incrédules (l'auteur va trop loin) mais qui avec le recul clôt avec un soupçon d'irréalité mais aussi pas mal d'évidence ce désastre annoncé.
Le roman est très drôle, Pascale Fonteneau a un ton, plein d'ironie, qui pourrait rappeler certains Westlake, ceux mettant en scène John Dortmunder. Elle ne se prend pas au sérieux mais son polar se tient, et ses personnages ont le parfum de la vraie vie.
Isa

23 février 2006

"Le manuscrit perdu de Jonah Boyd" de David LEAVITT


Nous sommes à l’université de Wellspring, aux Etats-Unis, en 1969.
Dans leur belle maison sur le campus, Ernest Wright, professeur de psychanalyse, et sa femme Nancy, mettent la dernière main à leur traditionnel dîner de Thanksgiving. Comme d’habitude, il y aura quelques étudiants qui ne rentrent pas chez eux, et comme d’habitude, Denny, la secrétaire d’Ernest, est là aussi, et c'est elle qui raconte l'histoire. Elle fait un peu partie de la famille, Denny : partenaire au piano de Nancy, qui l’a prise sous son aile protectrice (c’est une forte femme, Nancy, mais Denny est plus fine mouche qu’il n’y paraît), secrétaire d'Ernest donc, mais aussi sa maîtresse , même si cela, évidemment, c’est un secret.
Pourtant ce n’est pas un Thanksgiving comme les autres. Nancy est dans tous ses états, sa vieille amie Anne vient dîner avec son nouveau mari, l’écrivain Jonah Boyd. Ils arrivent en retard, car Jonah Boyd a une fâcheuse manie, qui horripile sa femme, celle d’oublier un peu partout son manuscrit en cours (là, c'était dans l'avion). Le dîner se déroule bien, Jonah Boyd lit à haute voix le premier chapitre de son manuscrit et le petit dernier de la famille, Ben, « inflige » à tous la lecture de ses poèmes d’adolescent. Mais le lendemain, c’est la catastrophe, Jonah Boyd a encore égaré ses précieux carnets, et cette fois-ci, malgré l’énergie déployée par tous, il ne les retrouve pas. Et comme il ne fait aucune copie du manuscrit (il donne une dimension mystique à ces carnets, fabriqués spécialement en Italie), tout son travail est perdu. Un bel acte manqué, dira Ernest.
Cet incident va bouleverser considérablement le destin de tous les personnages, dans une suite de rebondissements pleins d’ironie. Satire du milieu universitaire, réflexion sur l’écriture, mais aussi sur la prédestination, la famille, l’attachement démesuré aux lieux et aux choses, il y a énormément de thèmes dans ce roman drôle et brillant. David Leavitt, auteur découvert dans les années 80 grâce à un remarquable recueil de nouvelles, fait ici un retour réussi et jubilatoire.
Paru chez Denoël en septembre 2005 (à lire également, "Le langage perdu des grues" et "Quelques pas de danse en famille")
Isa

13 février 2006

3 polars

Je viens de lire coup sur coup 3 polars : un français, La chambre des morts de Frank Thilliez, un norvégien, Rouge-gorge de Jo Nesbo et un américain, Faux rebond de Harlan Coben.

Le plus facile à lire (beaucoup de dialogues, des coups de poing, le milieu sportif de la NBA) c'est l'américain : on est pris par l'intrigue, un fond de romantisme, de nostalgie et de grands sentiments... Tout est bien qui finit bien. On en ressort serein et rassuré sur le sort de ce héros au nom improbable (touche d'originalité), Myron Bolitar. Ouf il s'en sortira, et il est resté intègre même s'il a appris de rudes choses sur son passé.
Ensuite je placerai le français, intéressant avec ses points de vue personnels sur le passé un peu trouble de l'héroine au non conformisme affiché : c'est une mère célibataire de 2 jumelles qui lui brouillent ses nuits (et pour un flic comme pour les autres, c'est dur de ne pas profiter de ses nuits). Une intrigue assez glauque sur des petites filles handicapées et kidnappées dans un but non pédophile mais tout aussi malsain ! Sans oublier, car on est dans le nord de la France, le petit couplet sociologique sur la difficulté de la recherche d'emploi qui peut mener à des extrémités difficilement avouables. Le début est assez réussi mais on s'enferme vite dans une routine propre à quelques auteurs du genre, hésitant entre fantastique, horreur et vie quotidienne, mais on est loin du Silence des agneaux !!!

Enfin on arrive au norvégien, avec son héros Harry Cole tout ce qu'il y a de décalé, en recherche de lui-même, désabusé mais pugnace, limite alcoolo (mais il se soigne sur les conseils d'une collègue fana des oiseaux). L'auteur nous plonge dans le passé trouble de ces jeunes norvégiens qui sont allés se battre au côté des allemands pendant la 2 ème guerre mondiale, ces traîtres jugés après l'armistice qui n'ont pas fini de régler leur compte avec le passé. Beaucoup de retours en arrière sur les annés de guerre avec le devenir d'une poignée de ces jeunes gens séduits par les thèses nazies. Et notre héros doit se frotter à ce milieu néo-nazi toujours présent. C'est bien, c'est fort, cela vous empoigne et le livre ne vous lâche plus.
Bien sur l'énigme sera résolue. Comme les américains, les polars du nord résolvent les énigmes mais laissent aussi des pans d'ombre et nous renvoient à des thèmes autrement plus profonds.

Vous avez deviné, c'est ce dernier que j'ai préféré, même si j'ai passé un bon moment avec les 2 autres. Rouge Gorge m'a surprise, éblouie.

A.

"Monster" de Patty JENKINS


Aileen est une paumée, prostituée depuis l'adolescence, abandonnée par sa famille. Elle trace sa route tant bien que mal, une route qui va un jour prendre un virage funeste, lorsqu'elle rencontre la jeune Selby. Elle tombe folle amoureuse, et cela ne lui était bien sûr jamais arrivé, elle que les hommes utilisent sexuellement sans même la voir. Le même soir, sa passion éclate, la rendant folle de bonheur, puis elle est atrocement agressée par un client, qu'elle tue en état de légitime défense.
Ce film de Patty Jenkins, sorti en 2004 et inspiré d'un fait divers réel, est implacable. La dérive meurtrière de l'héroïne n'est jamais excusée ou justifiée (sauf peut-être pour le premier meurtre). elle est bien un monstre, qui va tuer 7 fois, 7 clients pas tous aussi ignobles que le premier, dans une gradation d'ailleurs très bien montrée. Elle est bien un monstre (Charlize Theron, défigurée, met mal à l'aise avec son regard fou), mais un monstre qu'on plaint de tout notre coeur, tant elle a été bafouée tout au long de sa vie. Un monstre qui protègera son amie jusqu'au bout. Le personnage de Selby est lui aussi intéressant, beaucoup plus complexe finalement et très insaisissable, Christina Ricci incarne avec une certaine froideur ce mélange d'innocence et d'aveuglement volontaire.
Parfois un peu long, c'est un film loin des standards hollywoodiens, sans happy end, que je vous recommande.
Isa

25 janvier 2006

"J'apprends" de Brigitte GIRAUD


« J’apprends » est le monologue intérieur de Nadia que l’on va suivre depuis son entrée au CP jusqu’au collège. Elle nous décrit sa vie quotidienne en banlieue. On devine son histoire qui se dessine sur fond de guerre d’Algérie à une époque où le sujet est tabou aussi bien à la maison qu’à l’école. Dans sa famille il y a les non-dits et les vides de son passé ; on répond ‘’tu comprendras plus tard’’ à ses questions difficiles.
Pour cette fillette très studieuse le monde de l’école est rassurant par ses affirmations, ses règles et ses préceptes. Ces années d’apprentissage nous plongent dans un monde de papier crépon, de feutrine, de colle à papier, de crayons bien taillés, de peinture à l’eau…. L’auteur s’arrête sur des détails apparemment très simples comme la concentration nécessaire à cette petite fille qui apprend à écrire pour allonger la boucle du F ; à sa fascination pour l’énumération des curiosités de la fin de l’alphabet WXYZ. Plus loin dans les classes primaires, elle nous remémore les tables de multiplication imprimées au dos des cahiers avec la table du 5, la plus facile, celle que l’on connaît tout de suite par cœur.Ce roman, c’est aussi un descriptif des années 70 : les débuts de la TV, les émissions du samedi soir, le suicide de Mike Brant, Salut les copains…
J’ai été très touchée par ce récit ; sans doute parce qu’il correspond à peu de choses près à la description des années 70 dans lesquelles j’ai grandi et qu’il m’a permis de remonter très loin dans ma mémoire d’écolière. Mais, génération 70 ou pas, ce livre décrit de manière atemporelle une personnalité en construction avec une minutie et une justesse rares.A mon avis sa force c’est de nous plonger littéralement et sans mièvrerie dans le monde de l’enfance et de l’adolescence.
MO

16 janvier 2006

"Un instant d'abandon" de Philippe BESSON


Thomas revient dans son village, un petit port de pêcheurs en Angleterre, après des années d'absence. On comprend vite qu'il était en prison, que personne ne l'attend, bien au contraire, et que c'est la mort d'un enfant qui est à l'origine de tout...
En refermant ce livre, je me suis dit "Voilà un livre qui aurait dû m'enthousiasmer, et ce n'est pas le cas". Tout ce qui me plaît en littérature est pourtant là : une histoire forte, avec ce qu'il faut de secrets habilement et progressivement dévoilés autour de la mort du fils de Thomas ; un récit structuré en 4 parties, éclairé par 4 personnages différents ; une grande sensibilité et une réflexion aboutie sur l'identité, le rapport aux autres, le destin choisi ou subi. Mais est-ce le souci de l'auteur de vouloir expliquer tout, de souligner les subtilités des rapports entre les personnages, est-ce le fait que 2 personnages, Betty et Rajiv, à qui il raconte toute l'affaire, ne font que passer, et qu'on aurait aimé passer plus de temps avec eux ? Quelque chose n'a pas fonctionné pour moi, mais je vous recommande toutefois la lecture de ce roman qui m'a fait un peu penser à Un secret de Philippe Grimbert (en moins bien, vous l'aurez compris...)
Paru chez Julliard en août 2005

Isabelle

05 janvier 2006

"Falaises" d'Olivier ADAM


Une nuit, face à la falaise d'Etretat, un homme de 31 ans revient sur sa vie passée déchirée et meurtrie par le suicide de sa mère, la violence de son père, l'absence de son frère, les années difficiles passées à Paris...et se pose une question: comment ai je survécu à tout cela?
Olivier Adam livre ici un roman difficile et éprouvant... On ne peut que penser à une autobiographie tellement les sentiments semblent forts et vrais... Tout se mêle : amour et violence ; vie et mort ; calme et passion... Un roman dont on ne peut pas sortir indemne...
A découvrir même si parfois le lecteur peut avoir du mal à entrer dans ce livre et à s'identifier, tellement les sentiments semblent extrêmes.
Charlotte

04 janvier 2006

"Les Jouets vivants" de Jean-Yves CENDREY


Vous vous souvenez peut-être de cette affaire de pédophilie, en 2001, mettant en cause un instituteur de CP dans un village normand. Il « oeuvrait »depuis des années dans un silence coupable : hiérarchie, entourage, familles… Jusqu’à ce qu'un écrivain nouvellement installé dans le village avec sa femme et ses deux enfants, Jean-Yves Cendrey, prenne le taureau par les cornes et ne fasse éclater l’affaire. Au terme d'une enquête personnelle accomplie dans la rage, Cendrey ira lui-même chercher l’instituteur un matin, devant l’école, pour l’emmener à la police. Audace payante pour l'un, sentiment hallucinant d’impunité pour l'autre : l’instituteur le suivra sans résistance. Le procès verra l’enseignant condamné, mais Jean-Yves Cendrey obligé de déménager, certains n’ayant pas pardonné l’intrusion d’un étranger dans les affaires du village.
Le livre est tout sauf un témoignage au sens télévisuel ou « Fixot » du terme. C’est un véritable objet littéraire, qui s’ouvre par une « lettre au père » (Cendrey a été un enfant maltraité) d’une grande virtuosité et d’une grande émotion. Il relate ensuite dans le détail les différentes étapes de l’affaire, en introduisant la distance nécessaire par un artifice littéraire que je vous laisse découvrir, écrivant ainsi la chronique d’un village ordinaire, de ses mesquineries et de ses peurs. Un livre dérangeant mais sans complaisance sur un sujet délicat.