30 décembre 2011

Album vintage du mois : Who's next des WHO

Nouvelle rubrique dans Kesketalu, avec une plongée régulière dans des albums rock / pop cultes. Pour démarrer 2012 en tonitruante beauté, le ravageur Who's next, classé 28e au classement Rolling Stone des 500 meilleurs albums de tous les temps et parmi les premiers dans mon panthéon personnel.
Sorti en 71, deux ans après Tommy, il est l'album préféré de Roger Daltrey, le chanteur, mais Pete Townsend, qui avait d'abord pensé concevoir un opéra rock, ne se remit jamais de ce qu'il considérait comme un semi-échec créatif (sic).
Résolument rock, avec des hymnes définitifs comme "Wont get fooled again" (cri primal, riffs vengeurs, galopades de batterie, voix claire et surpuissante, message tout aussi clair et surpuissant : "on ne se fera plus avoir"), l'album innove en introduisant des synthétiseurs, ouvrant la voie, c'est reconnu par les spécialistes, à une lame de fond dans le rock, et désarçonnant certains fans de l'époque. J'ajouterai que le groupe fait même une utilisation avant-gardiste du synthé, créant quasiment le principe du sample, avec des mélodies composées de boucles aléatoires, qui bourdonnent à l'arrière-plan, affleurent à des moments-clé ou prennent carrément tout l'espace sonore (intro de "Baba O'Riley"et de "Wont get fooled again"...).
J'ai vu il y a quelques années un documentaire, dont je recherche désépérement les références, retraçant la genèse de l'album et l'enregistrement studio. Le travail créatif de Pete Townsend, fiévreux sur ses synthés, intellectualisant la structure (toujours très complexe) de ses morceaux,  est absolument fascinant à regarder. A mille lieues de l'imagerie rock de la répèt-dans-un-local, on y voit un musicien pétri de références, cérébral, visionnaire, introverti et exigeant. Le souffle rock de l'album, dans certains titres indépassable, vient de la guitare bien sûr, mais essentiellement de Roger Daltrey, voix unique, d'une puissance rare mais presque jamais à saturation, qui fait également merveille dans les quelques balades qui ponctuent l'album ("Behind blue eyes" ou "The song is over"). Quelques trouvailles musicales sont hallucinantes de beauté, comme la fin de "Baba O'Riley" et son solo de violon tsigane (joué par Dave Arbus).
Faisant voler en éclats, avec Pink Floyd, la structure efficace mais un peu trop carrée "couplet / refrain / pont" ("the bridge" !), les morceaux des Who s'attaquent comme une face Nord de montagne, avec des a-pics, des faux plats, des détours, et on arrive à la fin, tout en haut, le souffle coupé...
IsaH

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de VIGAN

Avant toute chose... Non, je n'ai pas lu le dernier Delphine De Vigan parce que c'est un des romans de la rentrée. J'ai lu tous les romans de ce talentueux auteur qui a un vrai style, reconnaissable aisément, une vraie profondeur. Chaque ouvrage de Delphine de Vigan est un vrai plaisir de lecture et laisse une trace...
J'ai passé mon dimanche avec Lucile. J'ai commencé le roman dans mon fauteuil de lecture pour ne le lâcher le soir qu'après avoir terminé la dernière page!!!

C'est un roman solaire. Je ne pensais pas utiliser cet adjectif car je l'avais commencé quelques jours avant mon mariage, j'avais dû le mettre de côté (et j'avais un peu peur de retrouver le sentiment douloureux qui accompagne mon souvenir de lecture du livre Mauvaise fille de Justine Lévy) car il me troublait trop mais là, j'ai savouré. Les faits sont cruels, difficiles, dramatiques, cette famille déchirée, abonnée au malheur, et pourtant... Elle arrive à rendre cette femme bipolaire, sa mère, attachante, à faire ressortir le meilleur du pire. Ce roman est construit presque comme un journal intime ou une enquête, on passe de moments de vie racontés aux incertitudes de l'auteur, aux difficultés rencontrées par l'auteur pour enfanter ce livre. On a vraiment le sentiment d'être à côté d'elle, de parfois la prendre par la main en lui demandant la suite; on l'écoute, on l'entend.

17 décembre 2011

Les souvenirs de David FOENKINOS

Il y a des livres qui vous bouleversent, d'autres qui vous énervent, certains vous émeuvent alors que vous voudriez en chasser d'autres de votre mémoire et puis il y a des livres qui vous touchent, qui vous font du bien , où vous vous dites que cela a été écrit juste pour vous (quelle prétention!), ces livres que vous voulez garder près de vous pour en relire certains passages, pour vous en inspirer... C'est une espèce rare!
C'est dans ce petit cercle fermé que vient s'inscrire Les souvenirs de David Foenkinos.
Les souvenirs, c'est la vie sans artifices, sans super héros, sans paysages sublimes... C'est le quotidien magnifié par les mots de David Foenkinos. C'est une jolie réflexion sur la vieillesse, sur l'écriture, sur le mal être de nos sociétés, sur le but d'une vie, sur la facilité dans laquelle on peut parfois se glisser par peur de faire quelque chose d'extraordinaire (au sens propre : qui sort de l'ordinaire).
Ce roman est plein de tendresse, de bienveillance... Il réchauffe, il est comme un baume que l'on voudrait pouvoir appliquer de temps en temps.
Charlotte
 
Après avoir refermé Les souvenirs, j'ai couru acheter La délicatesse (horreur, il n'y avait plus que l'édition qui vient de sortir avec la photo du film sur la couverture... Les adaptations de livres, ce n'est pas ma tasse de thé... et surtout Audrey Tautou n'est vraiment pas mon actrice préférée!)... j'ai donc lu le livre en sachant quels acteurs avaient été choisis pour les personnages, du coup cela a tronqué ma vision du livre, je n'ai pas été embarquée comme j'aurais pu l'être sans cela... et puis cette description de la troublante Nathalie ne colle pas, selon moi, avec l'image d'Audrey Tautou... Un peu déçue donc par La Délicatesse....surtout après Les souvenirs...

CharlElie, les statuts de sa liberté

CharlElie Couture à New York.... programme alléchant ! Et sujet d'un documentaire réussi de Sylvain Pierrel diffusé l'autre soir sur France 3. De la Lorraine (sa région natale) à New York (où il vit maintenant), de la musique (il continue d’en faire) à la peinture (son premier moyen d’expression), on suit le portrait pointilliste et subjectif de cet artiste attachant et multicartes. Complété par des interviews de son frère Tom Novembre ou du réalisateur Patrice Leconte, le parcours atypique de CharlElie est bien restitué, avec une bande-son forcément sympa (Ah, réentendre sa voix si particulière, dotée d'un accent non identifié qu’il n’a qu’en chantant…). Dans la foulée, j’ai réécouté les albums Pochette surprise et Crocodile, qui n’ont pas pris une ride, ni musicale ni poétique. Il continue de tourner (Fort rêveur Tour), consacre sa vie à créer, librement... A mon prochain passage à NY, je file voir son atelier sur la 33è rue...

Extrait du documentaire disponible sur le site de France 3 Lorraine :
http://lorraine.france3.fr/evenements/documentaires/index-fr.php?documentaire=d6b1714f68a9bdd7f6f5dc61b70d3fbf

IsaH

La belle amour humaine de Lyonel TROUILLOT

Anse-à-Fôleur. Un lieu hors du temps où les lois sont faites au gré des envies et changent en fonction des humeurs, où l'essentiel est de profiter de son passage sur terre, où tout semble léger comme bercé par un doux champ exotique.

Pourtant, on est à Haiti, après le séisme, dans un chaos assourdissant et un dénuement absolu (la page sur la folie de cet endroit est poignante, elle a la force de nous transporter là bas). Le rythme de ce petit village côtier, loin de la fureur de la ville, semble irréel, comme arrêté.
Anaise, jeune occidentale, vient chercher la vérité, retrouver ses racines, comprendre pourquoi son grand père a disparu dans ce petit paradis sur terre.

Lyonel Trouillot est un poète.

12 décembre 2011

Shameless, série "white trash"

Les séries white trash mettent en scène des familles blanches pauvres. A l'origine anglaise, Shameless dans sa version américaine se passe dans la banlieue de Chicago. Franck Gallagher (William H Macy, inoubliable héros de Fargo des frères Coen, inénarrable ici) est père de 6 enfants, sa femme s'est enfuie, sans doute lassée de son alcoolisme. Toute la famille vit d'expédients divers, joyeuse tribu menée d'une main de fer par l'aînée, Fiona. Certains épisodes ne sont pas à mettre devant tous les yeux, mais qu'est-ce que c'est drôle !  Chacun des frères et soeurs est typé, depuis le surdoué et craquant Lip, jusqu'à la géniale Debbie, 12 ans, sensible et fûtée, en passant par Ian, qui couche avec le patron de l'épicerie où il bosse.
Fiona arrivera-t-telle à vivre son histoire d'amour avec le mystérieux Steve ? Lip ira-t-il à l'université ? Franck, le père, continuera-t-il à toucher des allocations pour ses migraines handicapantes mais imaginaires ? Que va faire la femme de l'épicier quand elle surprendra son mari et Ian en fâcheuse posture ?Et Veronica, la mère des enfants, va-t-elle venir reprendre sa place ?
Une foule de personnages secondaires complètent et entourent la famille, c'est décapant, amoral, très très trash, sans tabou. Ca ne m'étonne pas que la série soit anglaise à l'origine, on retrouve un peu l'esprit de Skins.
Mention spéciale au générique et à la géniale chanson : The luck you got du groupe The High Strung
IsaH

06 décembre 2011

Haute Fidélité... au rock

L'autre soir, sur Arte, j'ai (re)regardé Haute Fidélité de Stephen Frears, tiré du roman de Nick Hornby. Le film est bien, le livre enthousiasmant.
La passion de Rob, le héros quadra, c'est le rock. Il n'est pas musicien, oh non ! Son rêve serait d'être critique musical, à la place il tient un magasin de vinyles avec deux potes bien allumés, mais ça sufffit déjà à son bonheur. Ils s'amusent bien tous les trois : clients victimes d'humiliations publiques et de marchandage cruel d'albums collectors, refus de vente ("quoi, vous voulez acheter I just want to say I love you de Stevie Wonder ? C'est une dauble, dehors !"),  débats de spécialistes (faut-il jeter tout Stevie Wonder, ou tenir compte de son génie passé ?) etc. Car nos amis  l'affirment haut et fort : ce qui te définit, c'est ce que tu écoutes ! Bref tout serait parfait, sauf que rayon femmes, il a du mal, Rob...Va-t-il se ranger ? Et arrêter des faire des listes de ses 10 albums préférés (ça change tout le temps), ou des compils pleines de messages subliminaux pour ses conquêtes d'un soir ?

Qu'est ce qui fonde l'amitié, l'amour ? Les goûts communs, la fidélité à ce qui nous faisait vibrer quand on était jeunes ? Rob et ses amis sont des jusqu'au boutistes de cet axiome, sont-ils  pathétiques pour autant ? Non, quoiqu'en pense leur entourage. On est un certain nombre de quadras / quinquas à pouvoir se reconnaître dans ce livre(film), même si socialement on n'est pas dans la relative marginalité des héros.  Quand le rock a accompagné les moments intenses de sa jeunesse, on ne peut pas ne plus l'écouter. Il fait partie de notre vie, même souterrainement. J'en connais qui font collection de basses, d'autres qui redécouvrent Marc Bolan et T Rex, groupe de glam rock éclipsé par David Bowie dans les années 70, ou qui écoutent en boucle sur leur mp3 le mythique "Who's next", à la grande surprise d'une collègue de 25 ans qui l'écoute elle aussi (comme quoi le bon rock défie le temps)...
On peut avancer dans la vie arrimé à cette nostalgie. Le rock est un état d'esprit. Rien ne me fait plus de peine, et le mot n'est pas trop fort, que de voir des ados écouter de la daube formatée au kilomètre par les robinets musicaux des majors. La musique de Lady Gaga et consorts ne laissera aucune trace dans l'esprit et le coeur de ceux qui l'écoutent et l'adulent aujourd'hui, j'en fais le pari, quitte à faire "vieux con"... Je me sens finalement plus proche des adulescents fans de jeux vidéo, même si ce n'est pas mon univers. On nous objectera qu'on n'assume pas de vieillir ? Bah non, je confirme !! Le rock, c'est notre botox !
Rob, le héros de Haute Fidélité, va enfin se poser avec Laura, dont il aura écouté les attentes. Et va lui concocter, à l'infini, des compils pleines de messages subliminaux...
IsaH
Ce texte est une "spéciale dédicace", ceux à qui elle s'adresse se reconnaîtront !

Le Système Victoria d'Eric REINHARDT

Il est des livres dont faire la critique est difficile, les résumer ne leur rend pas hommage, trouver les bons mots pour en parler est un exercice périlleux...
"Le Système Victoria" est un de ceux là!
J'ai refait le brouillon de cette critique des dizaines de fois, ne sachant comment l'aborder...
Mais il fallait que je vous en parle!

Amour, travail, pouvoir, violence, sexe, politique, argent, ambition, réussite, déchéance...
Tout y est!! Et il n'y a rien de trop.
Ce livre est intelligent : il parvient à dénoncer la société actuelle, sa démesure, le système capitaliste, le pouvoir et l'ambition comme dogmes de vie sans jamais tomber dans la facilité. L'histoire est portée par deux personnages travaillés, complexes, multiples, torturés.
Ce livre vous happe et ne vous lâche pas, vous le refermez un peu sonné, un peu KO en vous demandant comment vous allez sortir de ce tourbillon... Vous y repensez souvent...
On sait que la fin sera dramatique, et ce dès les premières pages... et c'est là que le talent d'Eric Reinhart réside : il vous tient en haleine, ménage le suspens, vous fait engloutir des pages et des pages sans jamais vous lasser.
Parfois, vous détournez le regard ou vous lisez très vite tellement l'écriture est crue, violente parfois... Vous passez d'une émotion à une autre, loin du cliché des méchants contre les gentils... Tout bascule en un instant, vous perdez l'équilibre parfois...
Ce livre est pour moi un petit ovni, je crois que je n'avais jamais lu quelque chose de semblable...
Provocant, dérangeant!!
Sans conteste, un des livres les plus marquants de cette rentrée littéraire pour moi !!!
Charlotte

27 novembre 2011

Famille modèle d'Eric PUCHNER

Une famille modèle, la famille Ziller ? Au départ oui, … Mais suite à un déménagement hasardeux pour assouvir le rêve californien du père, Warren, la famille va se disloquer, fragments par fragments. Son projet de résidence sécurisée à bas prix en plein désert s’écroule, suite à l’aménagement à proximité d’une usine de retraitement des déchets plutôt inquiétante du point de vue de l’environnement… La famille est ruinée, les coups durs se succèdent. Tous les membres de la famille ne connaîtront pas le même sort, Lyle, adolescente complexée et rebelle tirera bien mieux son épingle du jeu que son frère aîné, Dustin, qui paiera le plus lourd tribut. Quel adulte deviendra Jonas le plus jeune des enfants, un peu à part de la famille ? Et les parents, littéralement pétrifiés de culpabilité, quel est leur avenir ?

La rentrée littéraire américaine nous a gratifiés de bons romans sur la décomposition de la famille avec David Vann ("Désolation", critique à suivre prochainement) sur un mode particulièrement plombant et Jonathan Franzen ("Freedom"), salué par la critique mais traînant un peu en longueur. Eric Puchner n’a pas à rougir de la comparaison avec ces deux écrivains reconnus, son style incisif et sans détours, la très grande lisibilité et la simplicité de son récit,  sur un thème aussi rebattu, en font assurément un auteur à suivre. On se souvient de "Tempête de glace" de Rick Moody, particulièrement réussi sur le même sujet, Eric Puchner se hisse sans problèmes à sa hauteur.
IsaH

Dôme de Stephen KING

Que se passerait-il si une petite ville se trouvait brutalement coupée du monde par un dôme d’une matière non identifiée mais indestructible ?  S.King tricote longuement mais efficacement toutes les interactions sociales, psychologiques, politiques d’une telle situation, qui l’intéressent plus que la résolution de l’énigme (qui a créé le dôme ?), un peu décevante d’ailleurs.  Des méchants bien méchants, une foule de personnages typés, des péripéties soigneusement orchestrées, une pointe d’humour et de politiquement incorrect, ces deux pavés se lisent d’une traite ! A quand le film ?
IsaH

Juliet, naked de Nick HORNBY

Duncan est un quadra passionné de rock, fan absolu de Tucker Crowe, chanteur génial devenu culte après avoir brusquement arrêté sa carrière au milieu des années 80. Annie, qui partage la vie de Duncan, oscille entre résignation devant cette passion exclusive et amertume de ne pas avoir d'enfant. Un jour, par le plus grand des hasards (enfin pas tout à fait), elle réalise le rêve de Duncan : entrer en contact avec Tucker Crowe...On retrouve tout Hornby dans ce roman : les références rock (réelles ou fictives), les interrogations existentielles de personnages en décalage par rapport à la société, les dialogues qui font mouche. Un peu en-deçà toutefois de "Haute fidélité" ou "Pour un garçon".
IsaH

23 novembre 2011

Une anglaise à bicyclette de Didier DECOIN

Du romanesque à l’état pur, et de haute volée… Jayson, photographe anglais missionné pour un reportage sur Wounded Knee, recueille une jeune indienne de 3 ans rescapée du massacre. De retour en Angleterre, tout le village s’interroge sur l’enfant que Jayson fait passer pour une orpheline irlandaise. Jayson lèvera les doutes sur l’enfant devenue femme de la plus surprenante des façons… Didier Decoin excelle à mêler réel et imaginaire, en créant un personnage de femme comme on en lit peu. Sans oublier des pages d’ouverture saisissantes sur le massacre des indiens lakotas, du grand art.
IsaH

20 novembre 2011

Polisse de MAIWENN

Les films dont on parle beaucoup, souvent je ne vais pas les voir tout de suite au cinéma, et si je décide d'y aller, ils sont rarement mieux que je ne pensais. Polisse échappe à cette règle. Je ne pensais pas qu'il me plairait autant.
Je ne suis pas fan de Joey Starr, mais l'honnêteté m'oblige à confirmer qu'il est vraiment très bien dans ce film. Le talent des autres est éclatant, bien que moins surprenant, Marina Fois, Karine Viard... L'histoire d'amour est bien un peu mièvre et clichetonneuse, mais franchement ce n'est pas grave, tant la succession des cas de maltraitance d'enfants fait sens. Certains critiques ont trouvé qu'elle ne servait qu'à parler des états d'âme des flics, je n'ai pas trouvé. Pour moi, aucune complaisance dans les scènes parfois insoutenables, parfois drôles où les enfants sont présents. Ils ne sont pas les faire-valoir des héros, chacun a sa séquence, existe vraiment, comme cette adolescente qui accouche d'un enfant qu'elle va abandonner, ou, scène très commentée, ce petit garçon que sa maman vient de confier à la police et qui pleure dans les bras de Joey Starr. Les scènes sont souvent anormalement longues, elles ne sont pas formatées et c'est, je pense, ce qui crée l'effet de réalité de ce film.
Maïwenn est tête à claques, mais son film imparfait est un des plus intéressants qu'il m'ait été donné de voir ces derniers mois.
IsaH

Héritage de Nicholas SHAKESPEARE


Hériter d'un parfait inconnu une somme d'argent telle qu'elle change le cours de votre vie, cela semble impossible. C'est pourtant ce qui arrive à Andy. Arrivé en retard à l'enterrement de l'un de ses anciens professeurs, il se rend vite compte qu'il s'est trompé de cérémonie mais n'ose repartir. Il faut dire que l'église est vide ou presque, seules deux personnes sont présentes, un homme et une femme. Il va jusqu'à signer le registre de condoléances, à la demande de l'homme présent à la cérémonie.
Celui-ci s'avère être le notaire chargé de la succession du défunt, un certain Madigan. Dans son testament, Madigan a prévu que ses seuls héritiers seront les personnes présentes à son enterrement, quelles qu'elles soient ! Andy comprend bien vite que la somme est rondelette (17 millions de livres), il la partagera avec la femme présente à l'enterrement, la gouvernante de Madigan. Oui mais voilà que la fille de Madigan, arrivée JUSTE APRES la cérémonie, réclame sa part d'héritage. Trop tard pour elle, le notaire est formel, pas d'enterrement, pas d'héritage !! Andy est en proie aux scrupules, a-t-il le droit d'hériter de cet argent ?
De ce point de départ burlesque, N.Shakespeare va tricoter un roman astucieux et plus profond qu'il n'y paraît.

Clèves de Marie DARRIEUSSECQ

Clèves, c'est la petite ville où habite Solange, dans les années 80. En trois parties, on la suit du CM2 à la 3ème, de l'enfance à l'adolescence. Comme ses parents travaillent beaucoup, elle reste souvent chez le voisin, Bihotz, un trentenaire fou de hard rock. … Dès le CM2 Solange est obsédée par le sexe, ou plus exactement par la perte de sa virginité, comme tous ses camarades et le roman est le récit sans détours de son initiation amoureuse et sexuelle.
Le récit, vu du point de vue de l'adolescente, use d'un langage cru, certaines (beaucoup ?) scènes sont du registre pornographique. Ce sera peut-être rédhibitoire pour certains lecteurs. Alors Clèves est-il choquant ? Marie Darrieussecq a-t-elle voulu provoquer à tout prix, comme certains critiques se plaisent à le dire ? On repense à Truismes, son premier roman qui avait fait scandale avec une histoire de femme se transformant en truie.
Ce qui est sûr, c'est que si l'on n'est pas arrêté par cela, on lit le roman d'une traite, happés par une forme de petits paragraphes qui paradoxalement font tout sauf hacher la lecture. Les scènes de sexe ne m'ont pas paru complaisantes ni gratuites, elles sont quelque part incontournables puisque tout se passe du point de vue de Solange, au plus près de ce qu'elle a dans la tête, comme un journal intime. Et lorsqu'on referme le livre, ce qui reste c'est avant tout un portrait d'adolescente. Est-ce pour autant un portrait de l'Adolescence ?
Marie Darrieussecq, avec son titre Clèves, s'est mise sous le patronage du chef d'œuvre de Madame de la Fayette (la princesse de Clèves), elle l'affirme dans ses interviews. D'aucuns pensent qu'elle ne fait que donner artificiellement du lustre littéraire à son roman. Mais on peut aussi penser qu'elle convoque la permanence, à travers les siècles, de la jeunesse dans sa recherche d'absolu. Quête d'absolu qui certes prend ici des formes diamétralement opposées, de l'abstinence de l'héroïne du XVIIè siècle (la princesse de clèves) à la frénésie sexuelle de celle du XXè (Solange).

19 novembre 2011

La blessure de François BEGAUDEAU



François Begaudeau nous livre ici un récit (apparemment) autobiographique, écrit à la première personne. Nous sommes en 1986, le narrateur part en vacances avec ses parents, en Vendée comme tous les ans depuis qu’il est enfant. Mais cette année, à 15 ans, il est bien déterminé à franchir LE pas et à perdre son pucelage. Il retrouve là-bas toute sa bande de copains, ils ont tous un an de plus et à cet âge là, un an, ça compte énormément. Il y a Joe, le tombeur, Paul le simplet, Greg qui met un point d’honneur à se prendre des râteaux comme ils disent auprès des filles.François le narrateur attend donc avec impatience Emilie, son amour de l’été passé, mais d’autres filles lui tournent la tête, et surtout la belle Julie, comme tombée du ciel dans son auto-tamponneuse…
Un énième livre sur l’adolescence ? Un livre de plus sur les années 80 ? Sans doute mais c’est sans compter avec le talent de François Begaudeau. Son écriture rapide, nerveuse, épouse l’impatience de ses jeunes personnages. Et sous l’anecdote et le chromo de l’ été 86 transparaît toute la profondeur et les interrogations du narrateur, le jeune François lui-même. Ses convictions politiques sont déjà bien ancrées (il est communiste), son goût pour les langues et la littérature commence à être décalé par rapport à ses copains livreurs de journaux ou déscolarisés. C’est encore un âge où tout ça n’a pas d’importance, parce que ce que François veut à tout prix c’est être dans le sillage de Joe, l’homme fort du groupe, celui qui couche avec des filles, travaille et a toujours l’attitude qu’il faut. François lui se pose plein de questions et ça ne le sert pas avec les filles, du moins en est-il persuadé. Il dit de lui-même : « j’ai commencé les pensées de Pascal, je suis communiste et je rougis quand une fille dit jouir » ce qui le résume assez bien.

La Vie très privée de Mr Sim de Jonathan COE



Maxwell Sim est un homme ordinaire, un homme sans qualités, sans talent particulier. Sa femme Caroline l’a quitté, il est donc éloigné de sa fille, et est en congés maladie pour dépression. Il part en Australie pour voir son père et là-bas voit, dans un restaurant où il dîne, le tableau de l'harmonie familiale qu’il cherche en vain depuis des années, la complicité affichée et éclatante d’une mère et sa fille à la table voisine.
Revenu en Angleterre, un ami lui propose un emploi singulier, qu’il accepte du fond de son marasme : intégrer une action marketing pour une marque de brosses à dents en partant à bord d'une prius aux confins du Royaume Uni prouver que les brosses à dents … vont « jusqu'au bout ».
Pour seule compagnie, Max dispose de l'imperturbable voix féminine de son GPS, qu'il baptise Emma, et dont il tombe vaguement amoureux. Jalonnant sa route, des rencontres et des flash-back minutieusement orchestrés retracent son existence et ses multiples ratages familiaux, amicaux, sentimentaux. La construction est complexe, comme souvent chez J.Coe, qui intercale au récit 4 textes « extérieurs », écrits par des protagonistes et qui vont être chacun des révélateurs pour Maxwell, soit de la perception que son entourage a de lui, soit de faits qui lui étaient inconnus (l’homosexualité de son père par exemple). La fin est étonnante... et peut laisser perplexe.
IsaH

Les Assoiffées de Bernard QUIRINY

Imaginez que le Benelux soit devenu un empire ultra-féministe, une société matriarcale extrême, coupée du monde, suite à un coup d’état en 1970… C’est dans cet univers parallèle au nôtre, ce qu’on appelle une uchronie, que le premier roman de Bernard Quiriny nous plonge. Si le roman emprunte aux maîtres du genre, comme George Orwell, Ray Bradbury, ou Aldous Huxley, le ton, beaucoup plus léger, désopilant par moments, est tout autre. Le résultat, non moins terrifiant au final.
Une délégation de 6 intellectuels français est invitée en voyage officiel en Belgique, évènement unique depuis la Révolution de 1970 et l’avènement de la grande Bergère, Judith. La Grande Bergère règne sur ses sujets et est vénérée comme une divinité. Par exemple, les villes sont déplacées et les autoroutes sont redessinées pour figurer le profil de Judith vu du ciel… Les hommes ne sont plus très nombreux, et ne peuvent être que domestiques. Ils ne sont tolérés que s’ils ont procédé à leur reniement, comprenez leur castration. … Les femmes ont des enfants par procréation artificielle, et peu à peu les autorités peaufinent la technique pour éliminer les rejetons mâles…
L’opinion française, partagée comme le reste du monde sur l’empire féminin, attend les conclusions de ce voyage. Nul n’était entré dans l’empire pour un séjour provisoire et du coup l’empire est un objet de fantasme dans toute l’Europe et passe aux yeux de certains intellectuels comme une société parfaite (on pense à la Chine de Mao dans les années 60-70)…
Notre groupe d’écrivains et de journalistes a donc la pression. Le voyage de 15 jours, commence sous de piètres auspices :

01 janvier 2011

Du chocolat, des limaces et des amis anglais au cinéma.

3 films articulés autour du couple : Les émotifs anonymes de Jean Pierre AMERIS, Pieds nus sur les limaces de Fabienne BERTHAUD et Another year de Mike LEIGH.





Couple d’émotifs avec la rencontre d’Isabelle CARRE (toujours superbe) et Benoit POELEVOORDE (étonnant mais finalement convaincant) autour d’une passion commune, le chocolat (bien connu pour ces effets antidépresseurs). Un petit film bien construit et attachant qui vaut surtout par le jeu des acteurs.

Couple de sœurs avec le deuil partagé de Ludivine SAGNIER (bien à l’aise dans son rôle de fofolle) et Diane KRUGER ( dont la beauté glacée se fendille d’amour pour sa sœur). Un film qui peut être crispant par la débauche d’effets de décors (arbres habillés de patchwork, baigneurs morcelés jalonnant le jardin et je ne parle pas du dindon aux ongles peints….) Il faut toiletter un peu tout cela écarter les taupes et le côté « trop », censé illustrer l’esprit dérangé de Lily, pour y trouver une très belle histoire d’amour entre 2 sœurs.



Couple dans un jardin anglais : Tom et Gerry (dans le film). Le géologue (Jim Broadbent) et la psy ( Ruth Sheen) sont le genre « il faut cultiver son jardin, pour être heureux ». Ils nous énervent un peu avec leur bonheur et leurs bottes ces deux-là mais ils rayonnent et attirent des amis un peu paumés qui cherchent à glaner des miettes de cet équilibre là. Mike Leigh est sur le mode « triste » après son Be Happy précédent mais finalement son discours reste le même : comment trouver le bonheur quand la vie nous coince d’une manière ou d’une autre ; solitude, deuil….. Et si le bonheur venait avec une petite voiture rouge ? Le regard de Mary en dit plus long que ses discours. Un beau film superbement mis en scène au rythme des 4 saisons du jardin anglais.


Anne