11 novembre 2008

Rentrée littéraire, suite

Quelques mots de 3 livres dont la critique a beaucoup parlé.

Polichinelle est le premier roman, encensé, de Pierrick Bailly. Si vous en avez assez des problèmes des jeunes de banlieue, voici ceux des jeunes ruraux, tout aussi désoeuvrés et sans repères, au fin fond du Jura. Le propos est intéressant, mais à quoi sert d’épouser le chaos des personnages par une écriture chaotique si au final l’exercice tourne au pensum pour le lecteur. C’est quasiment illisible, et c’est dommage, car je pense qu’il y a un bon bouquin en filigranes.

Ian Mc Ewan livre avec La Plage de Chesil le court récit d’une nuit de noces qui tourne au cataclysme, dans les années 60. Le couple ne se remettra pas de ce fiasco, malgré l’amour qui les unissait. La grande habileté du livre, après avoir présenté les points de vue alternés de l’homme et de la femme tout au long de cette funeste nuit, est de faire défiler ensuite, en quelques pages, toute la vie d’un seul des deux personnages, éclairée par cet évènement initiatique en quelque sorte. On n’est pas dans l’ampleur narrative habituelle de l’auteur, mais quelle cruauté et quelle profondeur...

Jean-Louis Fournier, enfin, avec Où on va papa. Tout le monde a entendu parler de ce livre. Cet ami de Desproges y raconte ses deux fils handicapés, avec humour, autoridérision et beaucoup de tristesse. Le commentaire est vraiment difficile, car il affadira forcément le message du roman. On rit et on pleure, c’est magnifique. Lisez le.
Isa

03 novembre 2008

"Le crime est notre affaire" de Pascal THOMAS


Voilà un film français très drôle sans être vulgaire (si! si! c'est possible!) et qui nous éloigne enfin des biogra-films du moment qui commencent à devenir lassants.


Que faire quand on s'ennuie à la retraite et qu'on veut échapper aux fêtes de Noêl et aux petits-enfants turbulents? Résoudre un crime pardi. Et voilà Catherine Frot en raquettes et André Dussolier en kilt aux prises avec une famille et un lieu dignes de la Famille Addams. Ce crime c'est Annie Cordy (oui oui la chanteuse...) ici entomologiste convaincue, qui en est le témoin et qui va lancer les Beresford sur la piste. Les gags sont nombreux et fins, les dialogues savoureux et les acteurs tous très bons: de Claude Rich en vieil avare à Melvin Poupaud toujours aussi jeune en passant par Chiara Mastroianni et Hyppolyte Girardot. Pascal Thomas nous régale avec son ton bien à lui qui nous plaît depuis les Zozos et ce film, à nouveau librement inspiré d'un roman d'Agatha Christie, mine de rien continue d'explorer et d'illustrer des thèmes récurrents tels la famille, le couple ...et les joies de la retraite!!

En ce moment la nuit tombe tôt, le temps se couvre, profitez-en allez voir ce film et l'automne vous paraîtra moins sombre.


Anne

01 novembre 2008

"Parlez moi de la pluie" d'Agnès JAOUI


Un nouveau Bacrijaoui ! Chic chic... On s'y précipite, même si ce qu'on en a lu ou vu nous enthousiasme moins que d'habitude. Et à l'arrivée, on est un peu déçus. L'impression que le scénario est moins "béton" que d'habitude, que Jamel, que j'aime beaucoup ce n'est pas le problème, emmène le film ailleurs avec un personnage pas très bien dessiné, qu'Agnès Jaoui incarne de nouveau une femme-intelligente-et-indépendante-mais-seule. .. Le propos n'est pas clair. Jaouibacri prétendent traiter de l'humiliation. Certes, mais c'est le sujet de pratiquement tous leurs films et celui-ci n'apporte pas grand chose sur ce thème. Trois personnages (et acteurs)s'en sortent à mon avis : Bacri, comme toujours, épatant en loser moins acrimonieux que d'habitude, la soeur d'Agnès Jaoui (je ne me souviens plus des noms des personnages désolée) et la mère de Jamel, qui est la seule à incarner une nouvelle figure de l'humiliation dans leur filmographie.
A voir quand même, il y a quelques scènes très drôles.

Isa

"L'Ultime question" de Juli ZEH


Moi qui suis une indécrottable littéraire, j'ai dévoré ce roman qui traite de... physique quantique (j'en vois déjà qui rigolent...). Mais si les précisions scientifiques abondent, c'est pour mieux enrichir un propos philosophique passionnant.
Les personnages principaux sont Sebastian et Oskar, deux physiciens de renom. Ils sont liés par une amitié forte (et quelque peu ambiguë), née pendant leurs études. Sebastian s'est marié avec Maike et ils ont eu un petit garçon, Liam. Oskar, resté célibataire, vient dîner tous les vendredis soirs chez le couple. Et ce vendredi là, le repas tourne à l'affrontement. A l'occasion d'un faits divers où l'assassin prétend venir du futur, où ses victimes sont bien en vie, les deux amis défendent chacun leur position. Si Sebastian est séduit par la théorie des mondes multiples ou parallèles, Oskar, lui, est le tenant de la linéarité du temps et de l'unicité de l'univers. Oskar, pour clore le débat, propose à Sebastian de l'affronter sur ce sujet dans une émission télévisée le lendemain... Le dimanche, la vie de Sebastian va basculer de la plus étrange des façons. Alors qu'il emmène son fils Liam en colonie de vacances, celui-ci disparaît. Et on l'appelle pour lui ordonner de commettre un meurtre...

La théorie des mondes parallèles ou multiples nourrit la science fiction depuis son origine, Juli Zeh, elle, s'empare d'une toute autre manière et c'est à un thriller haletant qu'elle nous invite. Les descriptions de Fribourg, quelques scènes choc comme celle du meurtre, pas de doute, Juli Zeh est bien la valueu montante de la littérature allemande. Lisez également L'Aigle et l'ange, et la Fille sans qualités, ils sont remarquables.

Isa

"Les monstres de Templeton" de Lauren GROFF


Premier roman d'une jeune américaine, Les Monstres de Templeton est la chronique sur 200 ans d'une petite ville de l'Etat de New York, Templeton.
L'héroïne, Willie, revient dans sa ville natale en proie à un profond désarrroi : elle est enceinte de son directeur de thèse (elle est étudiante en archéologie) et vient chercher du réconfort auprès de sa mère, Vivienne. Celle-ci est une ancienne hippie fraîchement convertie à l'église baptiste. Elles sont les deux dernières descendantes du fondateur de la ville et ont de ce fait un statut un peu particulier à Templeton, tout le monde les connaît.

Vivienne accueille sa fille avec une révélation coup de poing. Non Willie n'est pas née de ses amours libres lorsqu'elle vivait à San Francisco, en fait son père vit à Templeton. Vivienne ne révèle pas à Willie l'identité de son géniteur, elle lui donne juste un indice : comme elles deux, cet homme descend lui aussi du fondateur de la ville. Willie va se lancer dans une enquête sur l'histoire de sa famille. Remontant avec application tout l'arbre généalogique, retrouvant lettres secrètes, fouillant journaux et gazettes, interviewant des érudits locaux (dont une vieille bibliothécaires pas piquée des hannetons...), Willie va retrouver la trace de son père...

Tout au long de l'enquête, l'auteur va convoquer les voix des personnages aux différentes époques, et c'est là tout l'intérêt du roman. Un véritable tour de force, qui parfois donne le tournis, car on remonte jusqu'au XVIIIème siècle : Marmaduke Temple, le fondateur, sa nombreuse descendance, légitime et illégitime, mais aussi indiens, esclaves... on plonge avec bonheur dans l'histoire de la petite ville, qui est en fait l'histoire de toute l'Amérique. Ajoutez à cela un soupçon de fantastique, très léger, avec ce monstre légendaire du lac de Templeton, qui remonte mort à la surface, le jour du retour de Willie. Symbole des secrets qui vont se révéler à l'héroïne...

Un conseil, lisez ce livre sans trop d'interruptions, car vous risqueriez de vous perdre dans les méandres d'une histoire familiale compliquée. Et ce serait dommage...

Isa
Trop beau, trop dense, trop magnifique, trop prenant, trop fort ! Mon enthousiasme est débordant. Comment ça, un premier roman ?! Il y a des gens qui atteignent la perfection, comme ça, du premier coup, avec une (apparente ?) facilité déconcertante, et qui se promènent en littérature comme moi je me balade au parc, le nez en l'air et les mains dans lespoches ... J'en suis rêveuse... Une auteur est née. Un roman a surgi. Roman à tiroirs -et à tiroirs secrets - où, cachée sous le papier journal qui recouvre le fonds des tiroirs, git une merveilleuse histoire, un conte fabuleux, une fable qui fait écarquiller les yeux et rester bouche bée : même que j'hésite à le rendre à la médiathèque ! "Ce qui a dévoré nos coeurs" de Louise Erdrich avait suscité chez moi le même enthousiasme, et je l'ai prêté à tour de bras pour partager ce bonheur. Il ne me reste plus qu'à acheter le livre de Lauren Groff pour faire de même : il y a d'ailleurs de nombreuses similitudes entre les 2 romans, une aura et une respiration similaires (et encore davantage ...) ...
Laurence

20 octobre 2008

Grand Corps Malade

A slamer pour un slameur

Je voudrais faire un slam pour un Grand Corps Malade
Qui depuis Midi Vingt nous emmène en balade
Et son dernier album app'lé Enfant des villes
Surprend une fois encore de sa belle voix virile.

De l'amour à la mort en passant par les potes
Il est toujours en quête des rimes, de la bonn'note
Des jeux de mots déguisés sur les Pères et les Mères
L'affection dévoilée au rythme de ses vers.

Toujours à Saint Denis défilent les Quatr' saisons
La musique est discrète, ce n'est pas un' chanson
Dérision du succès, Underground il faut être
Et la Nuit aide surtout à assembler les lettres.

Si les rires sont présents avec l'Appartement
Après J'ai pas les mots là on pleure carrément
Pour moi les mots sont là et à chaque fois ils touchent
Et le coeur et la tête..et le reste: il fait mouche.

Anne

18 août 2008

"Le baiser dans la nuque" de Hugo BORIS


Huis clos entre Fanny, sage femme s’enfonçant dans la surdité et Louis, pianiste. Rencontre de deux êtres meurtris par un handicap autour d’une naissance. Fanny accouche la belle soeur de Louis, le jour de l’enterrement du père de l’enfant et frère de Louis : première scène poignante de ce roman. Avant de devenir complètement sourde, Fanny a un voeu : apprendre à jouer du piano. C’est ainsi que tous les jeudis, ces deux personnages vont se retrouver face au piano, dans la maison mystérieuse de Louis.

Ce roman est un murmure au creux de votre oreille, où tout n’est que suggéré... Ecriture subtile et tendre comme un baiser dans la nuque... On est suspendu à ces personnages, sur le fil... on guette la chute...

Roman fort et délicieux... Un vrai moment de délicatesse et de tendresse.


Charlotte

"Terre des oublis" de Thu Huong


Magnifique fresque vietnamienne... L’auteur nous transporte dans la vie d’un petit hameau au lendemain de la guerre du Vietnam... Bon revient de la guerre, après sept ans d’absence, et découvre qu’il a été déclaré mort. Sa femme Mien s’est remariée par amour à Hoan, un riche commerçant. Pressée par la tradition, les rumeurs des villageois et par l’hommage rendu à ce héros de guerre, Mien retourne vivre avec son premier mari, en quittant un mari aimant et aimé. Commence alors le récit de ses trois vies, meurtries, bouleversées : comment vivre sans la femme qu’on aime ? Comment réapprendre à aimer un homme que l’on a cru mort ? Comment vivre normalement après avoir connu la guerre ?

Thu Huong nous transporte dans ce petit village où l’on ressent la vie, les odeurs, les paysages... et où l’on s’attache à ces trois personnages, chacun avec leur part d’ombre. Critique tout en finesse de la guerre et de ses ravages, de la société traditionnelle vietnamienne... Analyse des passions amoureuses, des passions charnelles, des passions destructrices. Ecriture fluide, juste, rythmée...Livre émouvant, que l’on referme avec tristesse, on en aurait voulu davantage!


Charlotte

31 juillet 2008

"La princesse des glaces" de Camilla LACKBERG


Pas sûr qu'Actes Sud réitère l'exploit de la trilogie "Millenium" avec Camilla Lackberg, présentée comme la nouvelle révélation du polar suédois. "La princesse des glaces" est certes un roman prenant, présentant les mêmes ressorts (secrets de famille, froid scandinave, scène de crime bien flippante etc) que "Millenium", mais les personnages sont loin d'être aussi attachants. Plus lisses, l'héroïne Erica et le policier chargé de résoudre le meurtre de leur ancienne camarade de lycée, la belle Alexandra, vont même vivre une histoire d'amour gnan gnan et très prévisible... On est loin de Mickael et Lisbeth.
Malgré tout, ce roman se lit avec plaisir. Une bonne lecture estivale !
Isa

27 juillet 2008

La muette de Chahdortt DJAVANN


S’il ne fallait en garder qu’un...

Récit vif, court, bouleversant... Tous les superlatifs ne seraient pas assez forts et les mots ne pèsent pas grand chose face à ce petit bijou !! Vous ressortez KO de cette lecture, face à tant de bêtise humaine où l’amour est un crime ! Un immense cri de douleur et de révolte , et pourtant un cri bien trop silencieux !

Il faut le lire, c’est une nécessité !

Charlotte

30 mars 2008

"Mère disparue" de Joyce Carol OATES


Gwen Eaton est une mère à l'image de toutes les mères: irritante parfois, attachante toujours, débordante cependant, altruiste mais tellement irremplaçable. Ses 2 filles seront littéralement « déchirées » par sa disparition brutale et chacune vivra ce « saignement intérieur » à sa façon. Nikki, la plus jeune, moderne et libérée, nous raconte cette année qui suivit le drame. Sa révolte mais aussi sa quête d'une meilleure connaissance de « celle qui va tant lui manquer ». Ses rapports avec sa soeur plus âgée et plus rangée, avec les hommes, avec la maison de sa mère et le calendrier d'habitudes de celle-ci. Faut-il tout rejeter ou au contraire comprendre (enfin!) cette femme qui l'a tant aimée?
Joyce Carol Oates revisite un thème récurrent chez les écrivains, les rapports mère-fille avec une tendresse éclatante et un regard neuf. Elle met son talent littéraire au service d'une relation qui n'a pas fini de nous dévoiler ses charmes et ses mystères. Elle sait trouver les mots que l'on ne peut plus dire.

Ann

23 mars 2008

"Il y a longtemps que je t'aime" de Philippe CLAUDEL


Que penser du premier film de Philippe Claudel ? J'en suis sortie assez perplexe.

- C'est long mais je ne me suis pas ennuyée (de temps en temps je m'occupais à chercher les endroits de Nancy où les scènes étaient tournées).


- Le face à face entre les deux soeurs fonctionne, K Scott Thomas (Juliette) est géniale, et Elsa Zylberstein (Léa), pour une fois, pas si mal.


Mais la fin est décevante, je n'osais me le formuler, mais en lisant certaines critiques, j'ai compris que c'était cela qui m'avait finalement vraiment gênée. On retombe dans l'"émotionnellement correct". Eh non, Juliette ne pouvait pas être cette criminelle intrigante et attachante en recherche de cette rédemption qu'on était tous prêts à lui accorder, tant que ses motivations à commettre le pire meurtre qu'on puisse imaginer nous était inconnues.


A la marge, quelques motifs d'agacement, pas bien graves mais quand même, dans la description de l'entourage de Léa, prof de littérature à Nancy 2 : les petites filles adoptées (parce-que-Léa-ne-pouvait-pas-sentir-un-enfant-dans-son-ventre, on se demande pourquoi...) ; le grand-père muet suite à une AVC, mais si souriant ; les amis, intellectuels mais qui aiment le foot (vive l'ASNL), bof bof bof.


Deux personnages secondaires surnagent : le collègue de Léa, Michel, double assumé de Claudel lui-même, qui finit par faire revenir Juliette à la vie, et le lieutenant de police, officier de probation dépressif, qui rêve de l'Orénoque.


En bref, Juliette est un personnage digne du souffle et des ambiguités des "Ames grises", placée dans un mélo bien pensant plus proche de l'esprit de "La petite fille de Monsieur Linh". Et pour ce qui est de la thématique de l'enfermement et de la prison, (re)lisez plutôt "Le Bruit des trousseaux".


Je suis un peu sévère, mais j'ai beaucoup d'admiration pour Philippe Claudel écrivain, alors j'attendais beaucoup du cinéaste.


Isa


20 mars 2008

La Môme et le Ch'ti

J'ai vu coup sur coup deux grands succès populaires, dont je me méfiais comme la peste a priori. Non pas parce qu'ils ont du succès, mais parce que les biopics m'ennuient souvent et que les comédies françaises récentes sont à la ramasse (en plus j'aime pas Dany Boon...).


Au bout de vingt minutes, je regardais ma montre au lieu de l'écran : "Bienvenue chez les Ch'tis " est un navet de taille. Dès que Kad Merad arrive dans le Nord, l'affaire est pliée : tout devient lourd, long, le scénario tient sur une ligne, et encore pas bien droit, chacun ânnone avec plus ou moins d'aisance (pauvre Line Renaud, on souffre pour elle) ce salmigondis ch'ti comme si c'était une langue étrangère. En 2008, oser proposer un film reposant sur un seul effet comique, de plus usé jusqu'à la corde, l'accent et les malentendus qu'il génère... Ca fait peur ! Ceux qui ont vu uniquement la bande annonce ont vu le meilleur, concentré au début : Galabru, le rideau de pluie qui s'abat instantanément sur la voiture lorsqu'elle franchit le panneau Nord pas de Calais... C'est à peu près tout. Quand je pense qu'il y a de gens qui sont déjà allés le voir trois fois au cinéma !!


Je pensais (nous pensions) tenir vingt minutes, on s'était dit, bon on va quand même regarder un peu, voir si la Cotillard vaut tout ce remue-ménage, et comme ça on pourra dire du mal du film en connaissance de cause (voir ci-dessus !). Deux heures et cinq minutes plus tard, on était toujours devant la télé, pour ma part les larmes aux yeux, mais pas seulement émus par cette courte vie si tragique et si passionnée. Médusés par l'ingéniosité du scénario, par l'expressionnisme de la mise en scène, tellement en phase avec le personnage. Et bien sûr par l'incarnation de Piaf par cette jeune actrice assez quelconque. Marion Cotillard est époustouflante mais je trouve qu'on n'a pas assez parlé du travail de Dahan, du point de vue qu'il a adopté, des choix qu'il a faits dans cette vie incroyable : l'accent mis sur l'enfance et les débuts, les flash backs qui s'imbriquent si harmonieusement et qui permettent de supporter l'insoutenable déchéance physique et la scène d'agonie. Et ces scènes incroyables, lorsqu'à 10 ans elle chante La Marseillaise dans la rue, ou plus tard lorsqu'elle se réveille aux côtés de Cerdan, ... mais je n'en dirai pas plus, ceux qui l'ont vu comprendront.
Alors que faire de ses a prioris sur tel ou tel film ? J'aurais pu passer à côté de "La Môme", quel dommage... Et tant pis pour les Ch'tis, voir un mauvais film n'a jamais tué personne... Ca aurait pu me faire rire, ça valait le coup d'essayer...
Isabelle

16 mars 2008

"Margherita Dolcevita" de Stefano BENNI


Voilà un joli petit livre, entre conte et fable, qui met en scène Margherita, jeune adolescente italienne un peu boulotte mais très fûtée, et sa famille plutôt bohème : son papa, réparateur de vélos, sa mère, rêveuse et fan de la série télé "Eternal Love", ses deux frères, l'un plutôt lourdaud et l'autre petit génie des mathématiques. Lorsque la famille Del Bene s'installe sur le terrain voisin, après avoir fait construire en une journée un cube noir et brillant, truffé de technologie, en guise de maison, elle se méfie. Ces gens-là en savent beaucoup trop sur la famille Dolcevita, sur qui ils vont vite prendre un ascendant fâcheux : la mère de Margherita achète un gigantesque écran plasma et plonge carrément au coeur d'Eternal love, son père ne supporte plus sa calvitie, son frère aîné tombe raide dingue de la fille Del Bene, lolita de pacotille, et son jeune frère s'abîme dans les derniers jeux vidéos importés par Mr Del Bene. Celui-ci a des activités bien mystérieuses, et veut "nettoyer" le quartier des gitans, des marginaux et des insectes.... Margerita va tenter coûte que coûte de comprendre ce qui se trame, avec l'aide de la Petite Fille de poussière et du "vampire blond", le bel Angelo Del Bene, interné régulièrement par ses parents auxquels il s'oppose.

Un conte, avec sa part de mystère, propre à l'enfance (qui est la Petite Fille de poussière qui protège Margherita ?), une fable écologique et politique (non à une société aseptisée d'où aucune tête ne dépasse), un récit très drôle et intrigant, qui fait la part belle aux monologues intérieurs de Margherita, bref une trouvaille, je ne connaissais pas cet auteur italien, tout à fait étonnant, et cela me donne envie d'en lire d'autres. A conseiller aussi aux ados.
Isabelle

21 février 2008

"La route" de Cormac Mc CARTHY


Attendu comme l'évènement de la rentrée littéraire de janvier 2008, le dernier roman du géant des lettres américaines, Cormac McCarthy, tient toutes ses promesses. La route, c'est celle que prennent, à pied, un père et son jeune fils, pour rejoindre le sud, dans une Amérique du Nord post-apocalyptique. Ils recherchent la chaleur, au moins la chaleur, dans l'univers de désolation qu'est devenu leur monde. Que s'est-il passé, on ne le saura pas. Mais les Etats-Unis ne sont plus que cendres et vestiges de civilisation fantômatiques, où errent de pauvres gens comme nos héros. Tous redoutent de croiser les "méchants", comme dit le petit garçon. Ceux qui dépècent (et dévorent) leurs semblables.

Quelque part entre références bibliques et Mad Max (pour les décors), Cormac McCarthy nous livre un roman à la fois très littéraire, et très visuel. Les premières pages, situant peu les personnages et le contexte, m'ont fait craindre que l'auteur ne tienne pas la route (pardon) sur tout le récit. Et puis très vite, l'émotion gagne, et quelques flash backs donnent corps et vie à nos deux fuyards. Cormarc McCarthy creuse encore ici sa thématique fétiche, le mal. Son écriture, simple et ample à la fois, décrit par le menu le tragique quotidien des personnages, puis prend soudain de la hauteur, pour faire décoller le récit vers une parabole sur la malédiction de l'humanité.


Isabelle

"Palermo solo" de Philippe Fusaro


Personnage central - roman centré sur lui - , le baron vit au "Grand Hôtel des Palmes" à Palerme, depuis 50 ans. Confiné dans ce lieu par la mafia sicilienne, entre légende et vérité, - presque une existence virtuelle -, approché par peu, solitaire à jamais ?, vivant la peur, puis l'ennui, puis l'acceptation, teintée de révolte, il va y parcourir sa vie. A petites touches suggestives, légères, toutes en demi teinte, Philippe Fusaro écrit un mélancolique roman d'amour, empli de chaleur et d'ombre, de silence(s), rythmé par les seuls battements du coeur de cet homme définitivement condamné à la solitude. Où seuls le bruissement des palmes et l'incandescence du soleil semblent réels ...

[D'origine italienne, Philippe Fusaro est libraire à Strasbourg. "Le Matricule des Anges" (n. 56, sept. 2004,) lui a consacré un article élogieux et sympa].

Laurence

17 février 2008

"Ce qui a dévoré nos coeurs" de Louise ERDRICH


Fayes Travers - la narratrice - , expert en biens mobiliers, vit avec sa mère dans le New-Hampshire. Discrète, et honnête (ceci a son importance), vie au ralenti, sans grand relief, entrecoupée de visites au cimetière et de visites à son voisin, amant occasionnel. Lors d'une succession dont elle réalise l'estimation, elle découvre un tambour ojibva, qu'elle s'approprie... Geste inconsidéré, et considérable . Si là se trouve le prétexte du roman, le fil conducteur en est l'histoire même du tambour - d'ailleurs, le titre original est "The painted drum" - , la trame tissée de façon complexe : un écheveau de destins, tous les personnages étant intimement liés les uns aux autres, les situations intrinséquement nouées : chaque acte a ou aura un impact, son impact, a ou a eu une raison d'être. En quelque sorte, une psychogénéalogie indienne, terrible et émouvante, proche, à mon sens, du roman initiatique, même si la forme en diffère quelque peu. Remarquablement écrit, concentré, dense, d'une linéarité exemplaire et surprenante ( cf. le 1er chapitre, déconcertant), je pense que c'est le plus abouti des romans que j'ai pu lire de Louise Erdrich : "La chorale des maîtres-bouchers", "Dernier rapport sur les miracles à Little No Horse", déjà distingués par des critiques - , gagnant en concision et en maîtrise. Réflexion sur les actes et leur retentissement, comment les transcender, enrobé de musique chère à Louise Erdrich, pour qui c'est "le seul moyen de nous consoler de nos chagrins", histoire de vie(s) reconstituée(s) et déroulée(s) sous nos yeux, par touches successives, peinture d'un et de mondes mystérieux, pourtant si proches de notre humanité, ces voix-là nous envahissent et nous portent, par leurs voies souterraines et si évidentes. Dans tous les cas, un roman d'initiation à la culture indienne, ses traditions et ses mythes, au sein du monde contemporain.


Laurence