31 décembre 2012

Hopper for ever

Il vous reste un mois pour "courir" voir l'expo Hopper au Grand Palais. Vous serez certes vite arrêtés par la file d'attente, et ensuite, prenez votre temps.
Les salles se déploient, dans un ordre chronologique classique mais bienvenu, ponctué d' incises sur les artistes de son temps, ceux qui l'ont influencé, ceux qu'il a influencés. Petit à petit ce savant patchwork fait place aux pièces maîtresses, celles que l'on a vues et revues en reproduction et qui, "en vrai", comme disent les enfants, vous clouent sur place malgré la foule. La progression de son travail éclate alors de façon évidente, dans l'apparente simplicité, lisibilité des scènes, ce qui l'a longtemps desservi, alors que c'est son génie même que de parler à tous, y compris ceux qui n'ont pas de références. Que de sentiments universels : mélancolie, attente, solitude... jusqu'à l'épure finale, dernier tableau exposé : Sun in an empty room. Hopper a 81 ans lorsqu'il peint ce qui sera sa dernière toile maîtresse, il est arrivé au bout, et nous aussi. L'émotion qui m'a étreint alors est une sensation rare, moi qui suis davantage sensible à la musique et à la photographie (mais combien d'accointances entre Hopper et la photo...). La déferlante médiatique n'a pas affadi ou défloré la visite, et c'est rare...
IsaH

30 décembre 2012

"Curb your enthusiasm", série

Vous aimez les vieux grognons et le comique de situation ? Vous adorerez Larry David dans la série "Curb your enthusiasm" (littéralement Cache ta joie). Co-créateur de Seinfeld, Larry David joue son propre rôle, celui d'un humoriste plus tout jeune vivant à Los Angeles avec sa femme, la très patiente Cheryl. 
S'il a l'ironie dévastatrice d'un Woody Allen (il joue d'ailleurs dans "Whatever works" un rôle très proche de celui de la série), en matière de misanthropie l'élève dépasse le maître. C'est simple, tout l'énerve. Les gens qui téléphonent au restaurant ou ceux qui resquillent dans les queues, comme ici. S'il a le plus souvent raison de s'insurger, sa franchise brutale déclenche des incidents qui lui retombent toujours dessus, chaque épisode est donc un enchaînement implacable d'actions / réactions aboutissant à une catastrophe plus ou moins énorme pour notre héros ou son entourage. Effarés, on se demande comment il a pu en arriver là : par exemple se retrouver à inventer un oncle abusant de lui dans une réunion de victimes de l'inceste, tout ça parce qu'une ex (vraie victime, elle) lui a demandé de l'accompagner à la première séance.
Il est constamment confronté à ses plus grands ennemis : les convenances sociales et le politiquement correct.  Lui, c'est sûr, ce n'est pas l'hypocrisie qui l'étouffe. Est-il asocial, inadapté, antipathique ? Oui... et pourtant cet incorrigible gaffeur a rarement tort au fond et du coup on peut quand même avoir de l'empathie. Ce qui explique sans doute les 8 saisons de cette série à découvrir absolument (en vidéo).
IsaH


08 décembre 2012

Oh... de Philippe DJIAN

Oh ? Avec un O comme Oser... Djian ose tout :
- se mettre dans la peau d'une femme (et signer un des plus intéressants personnages féminins de la littérature française de ces dernières années).
- parler d'un viol, celui de Michèle, donc, la cinquantaine, une femme forte et sèche, pour qui cet épisode se révèle plus dérangeant moralement, parce qu'elle a été mise en position de faiblesse, que traumatisant physiquement (ce qui a fait couler beaucoup d'encre, mais le viol n'est pas le sujet du récit, et Oh n'est pas un roman à thèse).
- exacerber la tension des liens familiaux entre Michèle et son ex-mari, son fils, sa mère, sans parler de son père, un criminel qu'elle a rayé de sa vie
- flirter avec l'invraisemblable et ne pas lésiner sur les rebondissements (on sait le goût de Djian pour les séries et les feuilletons, qui ne sont pas avares en la matière)
 
L'épisode traumatique initial va en effet déclencher une cascade d'évènements tragi-comiques, qui vont profondément bouleverser la vie de Michèle et de son entourage… Djian est un raconteur et un dialoguiste hors pair, on ne quitte pas ce roman, drôle par fulgurances, sans la moindre miette de bons sentiments, qui a la couleur de la vie, et où chaque personnage a sa part de mystère, de secret, d'inavouable.
Je n'avais pas lu Philippe Djian depuis longtemps et j'ai eu tort de le "négliger", il reste décidément un des auteurs français les plus intéressants, parce que démarqué, décalé du microcosme littéraire.
IsaH

Les Kaïra de Franck GASTAMBIDE

Equivalent masculin et plus trash de Tout ce qui brille, Les Kaïra explose les codes du film de banlieue et du coup parle de cette dernière mieux que bien des films plus sérieux. 
Les dix premières minutes du film, qui décrivent les trois héros en no-life inoffensifs et naïfs dans leur cité de Melun, est à hurler de rire (mention spéciale à la mamie indigne, et bravo pour la description sociologique de la cité, particulièrement bien vue). De loin, le meilleur passage, même si la suite se laisse regarder sans une seconde d'ennui. 
Les garçons se sont mis en tête de devenir acteurs pornos pour s'en sortir. Les amis du bon goût tordront le nez devant deux scènes particulièrement proches de l'univers de Jude Appatow (que le réalisateur adore), qui réussissent l'exploit de rester bon enfant (si vous aimez Groland, ça passera)... Il y a plein de petites scènes en arrière plan qui contribuent à la vivacité du film, comme ces femmes en burka dans le gag le plus éculé du monde (ben oui porter une burka c'est d'abord absurde parce qu'on n'y voit rien ...).
Le réalisateur (qui joue l'un des trois copains) a compris l'un des ressorts importants d'un bon récit : la progression des personnages. Ils évoluent entre le début à la fin, et, message sympathique du film, ce sont les filles qui sont la solution : soeur, copine, elles sont plus affirmées et plus malignes et tirent nos gaillards vers le haut. Autre message plus utopiste, mais objet d'une scène finale jouissive (avec un ours, oui oui) : la solidarité d'un groupe peut triompher du méchant (en l'occurrence le caïd redouté du quartier, ici incarné par Ramzy). 
Chacun des trois garçons trouvera sa place dans le monde, à sa manière...
IsaH