29 décembre 2007

"Ne le dis à personne" de Guillaume CANET


J'aime bien Guillaume Canet. Comme acteur, il est moyen. Comme réalisateur, il est de mieux en mieux. Et puis quelqu'un qui donne à François Cluzet l'opportunité de défendre un personnage et une histoire intéressants ne peut pas être mauvais.
Car j'aime beaucoup François Cluzet. Je trouve que le cinéma français le sous-emploie. Ou alors, peut-être refuse-t-il beaucoup de rôles, trop indigents pour lui. Il a en tout cas bien fait d'accepter de jouer dans cette adaptation du fameux bouquin d'Harlan Coben.
Canet en a tiré un excellent film, et pas seulement grâce à Cluzet (mais aussi Laurence Cote et Dussolier). Enfin un bon polar français, moderne et efficace. C'est bien filmé, bien raconté, bien joué, ça parie sur l'intelligence du spectateur sans négliger l'émotion. L'histoire est tendue comme un fil, captivante. Et puis l'histoire d'amour est renversante et poignante, et là on en revient à Cluzet. Il est de la trempe d'Auteuil dans le registre dramatique de ce film, et bien meilleur dans un registre comique, où il montre une folie et un sens du timing que peu d'acteurs français ont (voir le délirant "Sexes faibles", avec Valérie Lemercier, autre chose que ces comédies qu'on pond au kilomètre en ce moment. Réplique culte : "boulette suivante", ceux qui l'ont vu comprendront...). Souvenez-vous de lui en mari jaloux d'Emmanuelle Béart dans "L'Enfer" de Chabrol. Regardez le sur un plateau de télé (faut viser, c'est pas souvent qu'on l'y voit), il a une tête de fou, des yeux moqueurs et de la répartie à revendre. Les têtes de mule et les emmerdeurs sont souvent les meilleurs. Dans la famille, je prends aussi Bacri et Lanvin !!
IsaH

"Millenium" de Stieg LARSSON


Oui, bon, ce n'est pas follement original de faire une critique sur LE roman culte du moment. Je vous rappelle le contexte, l'auteur (suédois) succombe à un infarctus après avoir rendu le dernier tome de sa trilogie, que la France a commencé à publier en juin 2006, dans une relative indifférence. Le bouche à oreilles, et la qualité évidente des bouquins, a fait le reste. Pour une fois je hurlerai avec les loups. Oui, c'est génial, et oui, vous laisserez tout tomber pour plonger toujours plus loin dans l'histoire. Je termine le premier tome, et, mon métier ayant quand même quelques avantages, j'ai sous le coude, tous frais, tous neufs, les deux autres tomes... Ils ne feront pas long feu, mes lecteurs n'attendront pas longtemps (on se justifie comme on peut de ce honteux et exhorbitant privilège de vilain fonctionnaire).

Entre mystère de chambre close, à l'échelle d'une île, et roman à charge sociale et politique (capitalistes véreux, passé trouble de la Suède et du nazisme), Millenium nous embarque avec aisance dans une histoire à tiroirs. Henrik Vanger, riche retraité, à la tête d'un empire industriel sur le déclin, a passé les quarante dernières années à essayer de résoudre le mystère de la disparition de sa nièce, Harriett, dont le corps n'a jamais été retrouvé. Il a l'intuition qu'elle a été assassinée par un des membres de la famille. Sentant la fin approcher, il embauche Mickael Blomkvist (le héros de la trilogie), directeur associé de la revue économique Millenium, qui vient de se faire condamner pour diffamation à l'encontre d'un certain Wennestrom, un capitaine d'industrie sur lequel il a enquêté. Blomkvist est au fond du trou, il accepte de s'installer sur l'île de Hedestad, où réside une grande partie de la famille Vanger, et où a eu lieu le drame, en 1966. Officiellement, il écrit la saga Vanger en vue d'une publication, officieusement, il reprend toute l'enquête de la disparition d'Harriett. En plus d'un confortable salaire pour ces missions, Vanger lui a promis des révélations juteuses sur Wennestrom....
Voici, très sommairement, le point de départ de l'histoire, il serait vraiment difficile de faire un résumé plus complet. L'auteur a la bonne idée de nous faire le croquis de l'île et de l'arbre généalogique des Vanger, car on s'y perd un peu.
Tout est bien. L'évocation de la Suède, à toutes les saisons, l'intrigue qui avance à grands pas, à aucun moment on n'a l'impression que l'auteur "tire à la ligne". Les personnages principaux sont attachants (mention particulière à la surdouée et rebelle Lisbeth Salander, qui va aider Blomkvist dans son enquête), et les salauds particulièrement déprimants. Franchement, lisez le. Si vous aimez Henning Mankell (et je sais qu'il y en a parmi les lecteurs du blog), vous adorerez Stieg Larsson.
IsaH

19 août 2007

"Une gourmandise" et "L'Elegance du hérisson" de Muriel BARBERY



Premier roman de l'auteur(e) de "L'élégance du hérisson".
Critique gastronomique mondialement connu, vénéré et craint, il meurt : il sait qu'il lui reste tout au plus 48 heures à vivre. Récit à plusieurs voix, dont le fil conducteur est la recherche d'une saveur autrefois rencontrée et aujourd'hui perdue, bilan d'une vie égocentrique - si ce n'est égoïste -, autosuffisante, le livre alterne points de vue et réflexions de différents protagonistes (épouse, enfants, concierge, clochard, chat, ..., bref, certains qui l'ont approché) et souvenirs qui affluent, affleurent et voguent sans parvenir à satisfaire l'homme prétentieux et exigeant, maintenant couché dans son lit, et à qui personne n'a résisté.
Cela nous vaut de belles pages de souvenirs d'enfance et d'adolescence, mais surtout de magnifiques pages de souvenirs et découvertes culinaires , de descriptions de mets et de saveurs, dans une langue agréable, suave, parfaitement maîtrisée.
Mais, étrangement, il semble manquer un petit quelque chose :
de la chaleur, de l'humanité ?? Pourtant, l'humanité de l'auteur(e) est là.
Une construction un peu artificielle ? Pourtant, l'auteur(e) se l'est approprié, peut-être un peu imparfaitement (?) ...
Certes, c'est un 1er roman (pour moi, ce n'est d'ailleurs pas un roman), mais d'autres n'ont écrit qu'une seule oeuvre, et laquelle!
Je suis curieuse de lire "L'élégance du hérisson", et connaître vos avis, sur ce petit quelque chose. qui semble faire comme un manque.
Malgré tout, je ne peux que saluer la performance (de là, peut-être une certaine gêne : il me semble s'agir d'une performance ...), propre et efficace, mais qui n'empêche cependant pas des à-coups dans un moteur, certes bien huilé, mais ...

Idem, idem, idem.
Nous retrouvons la concierge entr'aperçue dans le roman 1, et d'autres personnages également cités : cette fois, il s'agit bien d'un livre à 2 voix (à 2 voies) entre Renée & Paloma ...
Même schéma, mêmes points forts, mêmes faiblesses : je ne suis décidément pas fanatique du genre, ou du moins ne le suis plus (sans doute est-ce dû à mon grand âge ...) "Etrange roman philosophique et burlesque" + "étrange succès universel pour un roman philosophique qui convoque aussi bien Eminem que Purcell, le cinéma d'Ozu que Blade Runner et qui flirte parfois, sans jamais se départir de sa légèreté, avec les ouvrages que l'on trouve au rayon Développement personnel des librairies" (Express du 05/04/07) : je trouve que c'est assez bien vu. A la fois tentant - ne serait-ce que le titre! -, séduisant et facile - chapitres courts, écriture légère et fluide : à conseiller aux curieux fâchés avec la lecture -, mais un peu vain et impersonnel : juste dans l'air du temps (on aime ce qui est zen, japonisant, les philosophes, la quête de soi ... et le développement personnel !). Je comprends que les libraires aient pu le conseiller, et je pense que les profs de lycée vont faire de même : je ne le déconseille pas non plus, même peux le conseiller à certain(e)s, mais je crois que c'est beaucoup de bruit pour ... disons, un phénomène exagéré et exacerbé, malheureusement répétitif, qui me laisse plutôt craindre pour le devenir de la littérature ... et de ceux qui l'entourent, si l'on continue de trouver élégante cette manière hérissante d'écrire, et de caresser le lecteur pour qu'il ne se mette pas en boule ! Bref, un petit livre qui se lit vite, ... et s'oublie tout aussi vite ...
[Désolée pour Muriel Barbery, qui semble sincère et très sympathique, et les aficionados ...euh ... eux aussi très sympatiques , pour cette franchise brutale !]

Laurence

09 août 2007

"Comment reconnaître vos amis des grands singes" de Will Cuppy


Un petit ouvrage sans prétention aucune, si ce n'est celle de nous amuser, par l'un des journalistes du "New Yorker", et "chef de file de la critique littéraire américaine dans le domaine du roman policier" (P.G. Wodehouse) : hé bien, c'est réussi, car très drôle, même hilarant, et, en tous les cas, parfaitement revigorant! Je cite l'auteur (denière ligne de la préface) : "Pour conclure, j'aimerais dire que, si mes tentatives pour amuser la galerie ont été, même de façon imparfaite, couronnées de succès, si je suis parvenu à faire passer agréablement une heure d'oisiveté, si j'ai su saisir dans ces pages de quoi édifier ou combler l'esprit de mes lecteurs, bref, si j'ai écrit le meilleur livre de l'année, j'en serai vraiment comme deux ronds de flan." Bonne rigolade!
Laurence

08 août 2007

"Trois jours chez ma mère" de François WEYERGANS

En voilà encore un qui se prend sûrement pour un génie de l’écriture…
Quand je pense que les jurés du Goncourt en 2005 ont hésité entre un Houellebecq et Weyergans et que je lis le contenu de « Trois jours chez ma mère »…. Je suis affligée…
"Trois jours chez ma mère" aurait pu s’appeler « Eloge d’un Ego en panne d’inspiration » ou encore finalement « Eloge du Rien »… Recueil de pensées digne d’un journal d’une adolescente. Recherche de faits divers futiles pour meubler l’angoisse du livre annoncé et le manque d’inspiration. S’inventer un personnage digne d’intérêt sans heurter sa famille pour éviter les règlements de compte post-publication… Ses ennuis avec son banquier nous ennuient profondément, tout comme les allusions au dictionnaire qu’on peut consulter nous-mêmes. Sa flagornerie est à son top supportable quand - tel un Alain Delon - « il » parle de lui à la troisième personne.
Oui c’est vrai, les jurés du Goncourt 2005 auraient pu s’y tromper entre Weyergans et Houellebecq ; il s’agit bien de clones…. Clones fades en recherche de remplissage de caractères d’imprimerie sur des pages blanches qui auraient mieux fait de le rester.
Pourtant après avoir franchi la page 143, j’ai cru qu’un jour nouveau naissait, j’ai cru –originalité sublime- que l’auteur nous avait fait une farce. J’ai cru qu’on allait avoir enfin de l’émotion, une « raison d’être » au titre. Si je suis honnête avec nos lecteurs, la seconde partie est quand même plus enlevée, bien qu’on reste déçu de ce manque de profondeur persistant.
Mais après tout, c’est bien le risque qu’on prend à chaque fois qu’on ouvre un livre, c’est de ne pas y trouver le sel qu’on y cherche.
Bon c’est pas le tout, mais moi je vous laisse, je commence mon premier Goncourt.
Mata Hari

07 août 2007

America, America

Pourquoi suis-je autant fascinée par la littérature des Etats-Unis ? Peut-être à cause de la diversité, si passionnante, de ses mythes contemporains que les écrivains ne cessent d'interroger, comme dans ces trois romans que je viens de finir et qui incarnent chacun un modèle de roman américain :

- juif new yorkais : Sheila Levine est morte et vit à New York de Gail PARENT. Paru dans les années 70, ancêtre de Sex and the city, ce roman culte et désopilant narre les efforts désespérés de l'héroïne, tiraillée entre la tradition juive (sa mère) qui lui a inculqué "hors de mariage point de salut" (comprenez, pour une femme) et l'envie de prendre sa vie en main et de s'assumer. On pense à Woody Allen bien sûr, pour l'évocation des quartiers de New York et de la mentalité juive, ainsi que pour les bons mots et l'autodérision omniprésents.
Le plus drôle...



- jeunesse perdue de l'Amérique profonde : Rêves de garçons de Laura KASISCHKE. Dans un camp d'été de cheerleaders, la fugue de trois jeunes filles les entraîne vers un drame inattendu, entretenu savamment par l'auteur dans un récit à la construction étonnante. On pense à Joyce Carol Oates pour l'univers un peu malsain et l'écriture, à Virgin suicides et à nombre de films traitant de l'hypocrisie d'une société à la jeunesse apparemment saine et sportive, qui cache un mal de vivre et le cynisme des idéaux envolés trop tôt.
Le plus "flippant"...



- Amérique profonde rurale : Les gens de Holt County de Kent HARUF. Chronique d'une petite ville du Colorado, tous ses personnages forment une mosaïque d'abord éclatée, et qui finit par se composer sous nos yeux : la famille de marginaux paumés, et l'assistante sociale qui les suit, les deux frères éleveurs de bétail, vieux garçons, qui ont recueilli une adolescente et son bébé en rupture, le petit garçon élevé par son grand-père et son amie dont la maman divorcée sombre dans la dépression. Un roman choral magistral, attachant. On pense à Cormac Mc Carthy, au Secret de Brokeback Mountain pour l'évocation de la rudesse de la vie rurale et la pudeur des sentiments.
Le plus émouvant... et incontestablement celui que j'ai préféré !
Isa



24 juillet 2007

"Jamais je ne reviendrai" de Brian FREEMAN


Les paysages de Fargo (le film des frères Coen), le Minnesota de la neige, du froid et des lacs, cette ambiance d'Amérique profonde et rude, ça vous dit quelque chose ? A Duluth, autre petite ville de cet état limitrophe du Canada, deux jeunes lycéennes disparaissent à un an d'intervalle. Jonathan Stride est de nouveau chargé de l'enquête lorsque Rachel s'évanouit dans la nature. Kerry n'avait jamais été retrouvée. Et il a un mauvais pressentiment....

Beaucoup de rebondissements dans l'intrigue, qui se passe sur plusieurs années et se déplace même à Las Vegas, l'exact opposé climatique et sociétal de Duluth. Le principal intérêt du roman, c'est Jonathan Stride, ce policier veuf inconsolable (mais séduisant) et la galerie de femmes qui l'entourent (mention spéciale à sa partenaire Maggie Bei); et cet arrière fond de la région de Dultuh, ce froid impitoyable, cette neige qui recouvre en quelques heures et pour des semaines les scènes de crime. Alors évidemment, on est loin du génie des frères Coen, mais si on est sensible aux ambiances de vie quotidienne aux Etats-Unis, on suit avec plaisir les fausses pistes et entrelacs de l'histoire.

Isa

09 juillet 2007

"The Hours" de Stephen DALDRY

avec Meryl Streep, Julianne Moore, Nicole Kidman et Ed Harris.

Ce film est adapté du roman de Michael Cunningham, lui-même inspiré par le roman de Virginia Woolf "Mrs Dalloway".
3 femmes, 3 époques, 3 vies. A la recherche d'elles-mêmes, elles découvrent, prennent conscience et choisissent leur liberté, au-delà de tout et malgré tout. Le réalisateur superpose, mêle et entremêle ces destins, avec virtuosité, sensibilité et humanité.
Un film d'une beauté rare, transcendé par des acteurs d'une grande finesse, soutenu par une B.O. remarquable, - lumineux ! - A voir absolument. Ames sensibles, précipitez-vous!
(Je vais en profiter pour enchaîner dans la foulée la lecture d'oeuvres de V. Woolf, que j'avoue n'avoir pas encore rencontrée. Et aussi le roman de Cunningham : ainsi, la boucle sera bouclée!)


Laurence

24 juin 2007

"Quitter la France" d'Ariel KENIG


Quitter la France… phrase entendue… dans des discours politiques, dans les rues, dans la bouche de proches… Phrase lourde de sens…
De quoi parle ce livre ? de moi, de vous… de la jeunesse française, d’utopie, d’illusions et inévitablement de désillusions…
Ariel Kenig, jeune auteur – 23 ans – , nous offre ce court ouvrage, écrit comme une lettre adressée à une femme qu’il quitte mais cette femme n’est autre que la France.
Intense, poignant, prenant, tellement vrai, émouvant, forcément politique… lecture dont on ressort soit un peu endolori soit plein de force avec l’envie de changer les choses…
A lire pour l’écriture, pour la force des mots, pour le mal être de cet auteur qui ne veut pas la quitter pourtant cette France où il est né mais où il ne se sent plus chez lui…
Une question subsiste : où est Ariel Kenig depuis le 6 mai 2007 ?

Charlotte

17 juin 2007

"La femme du Vè" de Douglas KENNEDY


Chouette !! un nouveau Douglas Kennedy… Je cours l’acheter, m’installe confortablement dans un bon fauteuil et c’est parti… 50, 100, 150 pages… on y est ! dans cet univers si particulier toujours sur le fil, à se demander à quel moment tout va bousculer… écriture simple mais pas simpliste, histoire riche en rebondissements, des personnages étranges, attachants, une rencontre étonnante, un Paris si réel ( Soufflot, St Germain, les petits cinés parisiens… tout y est !!)… que nous réserve Douglas….. ? On partage le quotidien d’Harry, ancien prof de fac aux USA, contraint de fuir son pays où il laisse femme et enfant… (mais que fuit-il ?) et qui essaie de refaire sa vie à Paris, en partant de rien… Ne pas trop en dévoiler sinon le charme serait rompu…On y arrive à cette page où tout bascule…Mais que la chute est difficile…déception…après nous avoir transporté dans la vie de Harry, l’auteur nous sort brusquement du roman où tout semble flou, irréel… N’ai-je pas été assez sensible aux messages cachés ? En tout cas, déception pour ce nouvel opus… on y retrouve pourtant tous les éléments de l’univers de Kennedy mais la chute est trop obscure sans doute… Les inconditionnels de Douglas Kennedy risquent de rester sur leur faim…Il n’y a plus qu’à attendre le prochain !!

Charlotte

"1981" d'Erik EMPTAZ


Quel meilleur contexte pour lire ce livre que la campagne présidentielle (mais de 2007 cette fois)… Mitterrand vient d’être élu et les français, de droite et de gauche, s’interrogent : et maintenant ? Certains ont peur, d’autres sont pleins d’espoir… Elise, jeune attachée auprès de la présidence de la République, découvre le monde politique et le pouvoir (même si les noms changent parfois, les portraits sont si fins qu’on ne peut s’empêcher de faire le lien avec des personnages ayant existé !). Louis, à l’inverse, fils de parents inquiets par l’arrivée de la gauche au pouvoir, ne sait trop que penser que tout ce changement… Sur fond d’histoire d’amour, Erik Emptaz, rédacteur en chef du Canard Enchainé, nous dresse le portrait du pouvoir de l’époque…Instructif, piquant, cynique parfois, drôle, touchant, avec son style bien trempé, on suit avec intérêt et bonheur, le parcours -initiatique- d’Elise et Louis.

Charlotte

"Une situation légèrement délicate" de Mark HADDON


Georges, Jean, Jamie, Katie, Ray, Tony et Jabob… voilà les personnages avec qui vous allez embarquer en ouvrant cet ouvrage… et quel ouvrage ( on ne le lâche plus jusqu’à la dernière page !) !!! A croquer en une bouchée !!! Personnages pittoresques, histoires saugrenues, situations inattendues… un vrai petit bonheur !! On ne peut s’empêcher de lire en gardant ce petit sourire aux coins des lèvres !!

L’auteur nous avait déjà offert un roman original avec « Le bizarre incident du chien pendant la nuit »…il réitère son exploit en abordant un univers complètement différent mais tellement drôle. A découvrir !!!!

Il n’y a plus qu’à en attendre une adaptation au cinéma !!! (j’espère !)

Charlotte

01 mai 2007

"La constante de Hubble" de Stéphanie JANICOT


Bon d'accord je sais : je hante plus les bibliothèques municipales que les derniers salons littéraires et du coup le livre dont j'ai envie de vous parler est déjà une « vieillerie » de 2004 qui vient juste de s'imposer à moi ; vous savez quand on cherche dans les rayonnages à découvrir un nouvel auteur et que par hasard un titre ou une couverture vous attire.
« Attire » est le bon mot quand on s'attaque à La constante de Hubble de Stéphanie Janicot (facile comme transition....) Il y est question d'attraction entre les corps et entre les galaxies ; audacieux parallèle qui se défend.
Alors si vos cours de Sciences physiques du lycée ne vous ont laissé qu'un souvenir embrumé de forces et de gravité un peu rébarbatif, vous profiterez de ce livre pour rafraichir votre socle de connaissances scientifiques de manière plus « humanisante », plus vivante.
Si au contraire vous êtes branchés Hubert Reeves et que les poussières d'étoiles et autre Big Bang n'ont aucun secret pour vous, alors vous savourerez l'intelligente analogie entre les galaxies et chaque membre d'un couple ou d'une famille.
Bref dans les deux cas je pense que vous prendrez du plaisir à lire ce petit roman assez bien documenté scientifiquement sur l'été mouvementé et particulier d'une poignée de personnages de notre temps plutôt attachants..
Anne

22 avril 2007

"Contre enquête" de Franck MANCUSO



Film bouleversant avec un duo – duel d’acteurs superbe : Laurent Lucas confirme sa virtuosité à interpréter ses rôles déroutants, machiavéliques et Jean Dujardin nous montre, avec brio, son côté sombre.
L’histoire tragique, et pourtant trop souvent vue dans la rubrique faits divers est poignante et vous poursuit même une fois sortis de la salle.
Comment un père, policier qui plus est, peut-il réagir à l’assassinat de sa fille ?
Suspense haletant, fin inattendue, scénario rempli d’émotion sans jamais en faire trop…
Thriller français à découvrir !!
Charlotte

"Winkie" de Clifford CHASE



Qui n’a jamais rêvé que son ours d’enfance se mette à parler ?
C’est ce rêve impossible que Clifford Chase réalise au travers de ce premier roman. Cependant, loin des clichés sur un petit ours vivant, il dresse un vif procès à la justice américaine. Winkie ou comment une société aveuglée accuse un petit ours en peluche des pires crimes !
Idée déroutante à première vue mais Clifford Chase signe ici un roman original , du jamais vu !
Alternant les souvenirs d’une vie d’ours aux côtés des enfants remplie de tendresse et les phases d’un procès où tout est joué d’avance, l’auteur nous entraîne dans un périple haletant, cynique, loufoque et passionnant .
Roman surprenant mais à découvrir !!
Une question insoutenable subsiste : mon ours en peluche est-il vivant ?
Charlotte

13 avril 2007

"Fracas" de Pascale KRAMER


La villa californienne des parents de la narratrice, Valérie, vient de subir de graves intempéries, comme toute la région avoisinante. Un énorme rocher a fini sa course en surplomb de la terrasse et menace directement la baie vitrée du salon. Valérie arrive en week end pour donner un coup de main à ses parents. Le matin qui suit son arrivée, la famille apprend que la nounou des enfants du frère de Valérie a été renversée par une voiture et qu’elle est dans un état grave à l’hôpital. Du coup Cyril, bien que brouillé avec sa mère, débarque avec sa femme et les trois enfants. Entre le rocher qui menace, les nouvelles alarmantes de Cindy, l’étrange attitude du père et de la mère, les provocations du frère, la journée ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
De tous les dangers qui menacent cette famille, le rocher n’est pas le plus grave, des séismes plus intimes empoisonnent leurs relations. Tous ces non dits planent au dessus de leur tête, plus sûrement que le rocher. Et si chacun y va de son scénario pour se débarrasser de celui-ci (le faire exploser, l’étayer), ils sont moins enclins à résoudre leurs problèmes relationnels. Le père, agréable et lisse, que rien ne semble atteindre, la mère, maniaque du ménage et maîtresse femme de la maison, tous deux sont incapables de réelle tendresse entre eux et envers les autres. Cyril est également opaque, que cache réellement son cynisme ?
Pascale Kramer réussit à faire peser un climat de danger, de menace, dans le récit de cette journée particulière. un peu comme Patricia Highsmith. Jusqu’à un final en deux temps, que j’ai trouvé plutôt réussi.
C’est un livre que j’ai bien aimé, même si je n’accroche pas avec l’écriture de Pascale Kramer. Il n’y a par exemple aucun dialogue, tout est retranscrit en style indirect, ce qui donne une certaine lourdeur à l’ensemble. Et il y a ça et là des facilités de roman de gare (je pense aux descriptions physiques du personnage de Lucie, la fille aînée de Cyril, une lolita fort attachante par ailleurs parce qu’elle prend de plein fouet les histoires des adultes).
Pour autant on se plonge avec plaisir dans "Fracas". Bien que bref, le récit a de l’épaisseur, comme les personnages. On l’imagine très bien en film, réalisé peut-être par François Ozon.
Isabelle

"La Femme de hasard" de Jonathan COE


Pour l'inconditionnelle de Jonathan Coe que je suis, la sortie (en poche) de son premier roman, jusqu'alors inédit en France, avait de quoi me réjouir. Je me suis donc jetée dessus...
On suit le destin sinistre de l’héroïne, Maria, depuis ses années d'université jusqu'à ses 30 ans bien sonnés. Maria n’est pas une héroïne très « glamour ». Indifférente à (presque) tout, solitaire et parfois revêche, rien dans la vie ne l’enthousiasme. Promise à un avenir assez brillant, parce qu'intelligente et douée pour les études, Maria va pourtant laisser filer sa vie. Et c’est ce lent naufrage, pas très spectaculaire, mais bien réel, qui va nous être raconté. Alors comme c’est Jonathan Coe qui est aux commandes, tout cela est enrobé de beaucoup d’humour. La galerie de personnages que la pauvre Maria côtoie tout au long de sa vie est déprimante de son point de vue, mais souvent amusante pour le lecteur : Ronny l'amoureux transi qui la demande en mariage tous les jours pendant une décennie, ses diverses et successives colocataires toutes plus frappées les unes que les autres, le mari qu'elle finira par épouser "par hasard" et qui se révèlera être le plus grand désastre de sa vie. Même la compagnie de la douce Sarah, sa seule vraie amie, déclenche chez Maria autant de bonheur que d’ennui. Il n'y a que Stephen, le possible amour de sa vie, qui aura su émouvoir notre héroïne. Et le chat Stefton (notez le "cousinage" des prénoms), compagnon de son enfance. Ceux qui aiment les chats se régaleront des quelques pages consacrées à ce personnage à quatre pattes, le seul confident digne de confiance pour Maria...
En fait c’est la lucidité implacable de Maria qui la paralyse, la rend passive et lui fait rater sa vie. Mais Maria a aussi les qualités de ses défauts : elle est intelligente, on l’a dit, mais aussi constante, franche et elle ne trahit jamais. Alors au fil des pages, cette femme « en creux » se hisse à cent coudées au dessus de ses contemporains, dont l’optimisme béat confine à l’inconscience et n’empêche nullement l’égoïsme. C’est cette confrontation qui fait toute la valeur du livre. Maria est égarée dans une société qui ne peut pas apprécier ses qualités et toujours la renvoie dans les cordes, parce qu’elle ne joue pas le jeu.
Certes moins abouti que ses romans suivants, cette œuvre de jeunesse de Jonathan Coe vaut d'être lue. Je ne vous cache pas une pointe de déception, j'en attendais beaucoup ! Mais n’oublions pas que c’est son premier roman...

Isabelle

26 mars 2007

"Vers l'âge d'homme" de J.M.COETZEE


Ce récit, que la critique bien informée dit largement autobiographique, fait suite à "Scènes de la vie d'un jeune garçon" (que je n'ai pas lu, mais les assidus du blog pourront peut être compléter). Primé au nobel de littérature, Coetze est un auteur accessible et un homme discret. A nous de lire entre les lignes et de retrouver l'écrivain derrière le personnage.
John, un jeune homme quitte son pays, l'Afrique du Sud, qui bouillonne et se révolte. Il rejoint Londres. Il aurait préféré Paris ou Vienne, capitales incontestées de la culture et de la vie intellectuelle dans l'imaginaire suranné de ce jeune étudiant en mathématiques. Mais ce sera Big Ben et sa grisaille, faute de mieux. Le livre raconte la fuite et les errances d'un homme à l'aube de sa vie d'adulte, le renoncement à toutes les racines, les mornes errances d'un homme qui, à trop penser sa destinée, enterre ses jours. John est certain de son avenir : il veut être un artiste, il aspire à une vie de bohême, un amour passionné. Il est prêt à tous les sacrifices : après tout un esprit torturé et malheureux ne cache-t-il pas nécessairement un grand talent? Il rêve, lit les grands noms de la littérature, tente quelques poésies. Mais pour manger, il devient informaticien chez IBM et ne rencontre que des femmes fades et qu'il n'aime pas.
Dans ce cruel décalage, John nous met mal à l'aise. Mais à bien relire la quatrième de couverture, on est pris d'une doute : mais si John c'est Coetzee, alors ce jeune homme pâlot et sans talent va devenir Nobel ? Comment est ce possible ? Ce livre si triste ne serait-il pas le plus beau livre d'espoir qu'il nous soit donné de lire ?
Amélie

24 mars 2007

Maupassant et la télé


Vu quelques contes et nouvelles de Maupassant adaptés pour France 2. Encore un mardi et c'est fini. Dommage, on en verrait bien encore quelques uns, car c'est une belle réussite. Chaque soirée est composée d'une nouvelle "des champs" (50 minutes) et d'un conte "des villes" (30 minutes). J'avoue une nette préférence pour les premières, qui nous révèlent quelques comédiens étonnants. L'adaptation de "La Parure", par Claude Chabrol et avec Cécile de France, est assez décevante par rapport au "Père Amable" ou à "Une fille de ferme".
Les héroïnes de ces deux nouvelles, et leurs jeunes interprètes au minois inconnu, sont tellement émouvantes : engrossées à 16 ans, elles travaillent comme des hommes, subissent la honte et leur seul espoir est de "marier un fermier point trop violent et courageux". Elles ont la rage de celles qui veulent s'en sortir malgré tout, mais sont les esclaves de ce XIXème siècle rural, déjà rude pour les hommes, et qui broient ses enfants et ses femmes plus encore. Voir ces fraîches et belles jeunes filles devenir des femmes usées par l'acrimonie et le travail, endurcies par les deuils, n'ayant su préserver que la pureté de leur amour maternel, m'a vraiment serré le coeur.
Isabelle
Bravo aux comédiens du "Père Amable" qui ont attrapé avec une belle aisance l'accent cauchois. Toute normande que je suis, il m'aurait bien fallu des sous-titres les cinq premières minutes !!!

"L'Ogre" de Jacques CHESSEX



Jean Calmet, 40 ans, professeur de latin en lycée, assiste à l'incinération de son père, en Suisse. Tout de suite, le ton est donné, les personnages sont en place, la situation doit évoluer : la mort de l'un va-t-elle permettre la vie de l'autre ? Pourquoi en est-on là ? Que s'est-il passé ? Que se passe-t-il dans la tête -et dans le corps- de Jean Benjamin Calvet ?
Roman de paradoxes :
- années 70 / années intemporelles
- écriture (vocabulaire, syntaxe, construction) riche et précise / écriture simple, parfois simplifiée à l'extrême, sans fioriture, "scalpelisée" (cf "Le vampire de Ropraz)
- sentiments et situation décortiqués / sentiments et situation réduits à leur plus simple expression
- espoir pour Jean Calmet / désespoir pour Jean Benjamin Calmet
- abandonner ce fantoche à son sort / sympathiser avec ce fantôme qui tente de quitter l'ombre du père ?
- rejet/ identification
- indifférence / empathie, compassion
- oppression / libération ?
Peut-on gagner sa liberté ? Que reste-il après avoir été dévoré ? Bref, un prix Goncourt (1973) qui n'a pas vieilli, qui touche à tous les âges. Le cycle d'une vie "mal- menée". Chronique d'un destin ordinaire, chronique d'un destin particulier.
Entrez dans l'intimité de Jean Benjamin Calmet, homme qui ne cesse de répéter l'enfance, enfant qui ne cesse de chercher encore et toujours sa vie d'homme, une vie propre (dans tous les sens du terme) ...
Laurence V.

19 mars 2007

"La Femme de hasard" de Jonathan COE



Pour l'inconditionnelle de Jonathan Coe que je suis, la sortie (en poche) de son premier roman, jusqu'alors inédit en France, avait de quoi me réjouir. Je me suis jetée dessus... et suis restée un peu sur ma faim.
Le destin sinistre de Maria, depuis ses années d'université jusqu'à ses 30 ans bien sonnés, m'a laissée quelque peu froide. Sa personnalité, indifférente à tout, solitaire et parfois revêche, n'est pourtant pas sans intérêt. Elle est l'occasion de quelques pages bien senties sur l'optimisme béat de certains de nos congénères, et il faut reconnaître que la galerie de personnages que la pauvre Maria est obligée de se coltiner, est assez amusante, quoique déprimante : Ronny l'amoureux transi qui la demande en mariage tous les jours pendant une décennie, ses diverses colocataires toutes plus frappées les unes que les autres, le mari qu'elle finira par épouser "par hasard" et qui se révèlera... mais je n'en dis pas plus. Jusqu'à la douce Sarah, sa seule vraie amie, dont Maria dira combien le bonheur (réel) d'être avec elle, se double d'un ennui profond... Il n'y a que Stephen, dont le lecteur ne saura pas grand chose, qui aura su émouvoir notre héroïne, et son chat Stefton. Les amoureuses des chats, nombreuses à lire ce blog (!) se régaleront des quelques pages qui sont consacrées à ce confident à quatre pattes.
Beaucoup moins abouti que ses romans suivants, mais plein de cet humour vachard et de cette profondeur "l'air-de-rien"qu'on connaît à J.Coe, "La Femme de hasard" vaut d'être lu. Ma relative déception est due au fait que j'en attendais beaucoup. Accrochez vous en tout cas, la deuxième moitié est meilleure que la première.
Isa

10 mars 2007

"Le Vampire de Ropraz" de Jacques CHESSEX


Avec ce texte court et percutant, l'auteur suisse romand Jacques Chessex brouille les frontières entre réel et fiction. Il retrace un fait divers authentique, survenu au début du XXème siècle à Ropraz dans le canton de Vaud (village où il habite par ailleurs).
La jeune Rosa Gillieron, fille d’un notable local, meurt d’une méningite. Le lendemain de son enterrement, qui a rassemblé tout le canton, on retrouve sa tombe profanée. Pire encore, le corps même de la jeune fille a été violé et atrocement mutilé. Chessex détaille avec économie mais précision les sévices subis par la dépouille, pour mieux nous faire comprendre le traumatisme qui se répand dans les environs. D’autant que l’abomination se répète trois fois...
Dans ces campagnes reculées, les hantises et vieilles superstitions du Moyen Age sont toujours vivantes, et les moeurs sont salies mais cachées par ce que Chessex appelle la « crasse primitive ». La peur fait circuler les rumeurs, et la barbarie fait écho aux pulsions les plus obscures des habitants de ces villages. Tour à tour des suspects sont arrêtés et toujours relâchés. Le Vampire de Ropraz, ainsi que titrent les Gazettes, court toujours.

Jusqu’au jour où l’on arrête un garçon de ferme, qui semble être le coupable idéal... Dès lors on suit le destin de Favez, jusqu’au dénouement final, inouï et renversant.

C’est un texte à la langue coupante comme les instruments qui déchirent la peau des victimes. Chessex ne nous épargne aucun détail mais bien évidemment on n’est pas dans le registre du gore. Ce court texte a fait écho pour moi au long et ample texte de Philippe Claudel, "Les âmes grises". Les thèmes sont les mêmes : la barbarie infligée à l’innocence des jeunes filles, les pulsions refoulées dans une campagne "primitive".

Isa

"La fugue" et "Loin, chez personne" de Valérie SIGWARD

Valérie Sigward explore dans ces deux romans ses thèmes de prédilection : la frontière séparant le monde de l’enfance de celui des adultes, l’absence de ceux qu’on aime et la souffrance qu’elle suscite, le voyage, au dénouement toujours incertain.
Le voyage, dans "La fugue", est donc ...une fugue. Celle de Théo, un lycéen dont le frère s’est suicidé un an plus tôt. Théo cherche à fuir ses parents dévastés, pour qui il n’a plus l’impression d’exister. Il n’ira pas bien loin en termes de distance, mais avec d’autres jeunes de son entourage, dont celle qui fut la petite amie de son frère, et son inénarrable meilleur copain Zeb, il fera un grand trajet intérieur dans l’acceptation de la mort de son frère.
"Loin, chez personne", raconte également un voyage, puisque c’est un road movie, avec là encore un grand absent. Deux soeurs d’une trentaine d’années partent voir leur père, pour lui "demander des comptes". L’aînée, Julia, emmène dans ce périple ses deux enfants, Riri, 7 ans et Jeffrey, adolescent autiste. On comprend tout de suite que pour Julia et sa soeur (la narratrice, jamais nommée), ce père a été plutôt absent et qu’elle en ont toujours souffert. Un jour il est parti et il a cessé de s’intéresser à elles, d’un coup, comme ça. Même lorsque sa fille Julia a perdu son mari, le père de Riri et Jeffrey. Même lorsque l’autisme de son petit fils s’est déclaré, il ne s’est pas manifesté. ? Julia se cogne dans la vie. tout se passe mal pour elle. Mais elle vit, elle tente des choses. La narratrice, elle, est passive, elle avance armée de son sarcasme comme bouclier. Et on comprend qu’elle n’a rien fait de sa vie.
La route vers le père est semée de péripéties souvent cocasses. La tribu se chamaille. Entre la narratrice et le vif et insolent petit Riri, son neveu, il y a des étincelles. Julia dit à sa sœur, après une dispute entre les deux : « Un jour il faudra que tu me dises si tu détestes vraiment mes gosses, ou si tu fais semblant pour te donner un genre ». C’est un roman, comme "La Fugue", d’ailleurs, où on rit beaucoup.
Le règlement de comptes, les retrouvailles avec le père, vont prendre un tour pour le moins inattendu, rien ne se passe comme on aurait pu l’imaginer. C'est un peu gros, mais ça passe. Car le talent de Valérie Sigward fait le reste, et l’émotion finale submerge telle une lame de fond toute l’incongruité des circonstances de la rencontre entre le père et les deux soeurs.
L’écriture dans ces deux romans est pleine d’humour, avec l’apparente simplicité de l’oralité, qui cache en fait un gros travail sur la langue. Les dialogues sont particulièrement réussis, dans la Fugue, le copain Zeb est à mourir de rire. Et comme chez Joël Egloff, on n’a qu’une envie, et du coup qu’une frustration, en refermant le livre, c’est de connaître ces personnages pleins de vie, d’ironie et de douleur.
Isa

11 février 2007

"Samedi" de Ian Mc EWAN


Ce samedi, c’est une journée dans la vie Henry Perowne, neurochirurgien renommé, à Londres. On est en février 2003. Tony Blair s’apprête à suivre George Bush et à participer à l’invasion de l’Irak, contre l’opinion publique de tout son pays. Une manifestation pacifiste d’envergure inégalée se prépare pour ce samedi.
Henry Perowne se réveille à 3 heures du matin, inexplicablement attiré par la fenêtre, d’où il aperçoit un avion en flammes qui va s’écraser. Accident, attentat ? Conditionné par le 11 septembre, il pense inévitablement à un attentat. Toute la journée, les thèses les plus contradictoires envahiront les médias sur cet évènement. Pour Henry Perowne, c’est le point de départ d’une folle journée, au cours de laquelle tous ses repères vont, non pas voler en éclats, mais bouger subtilement, se décaler.
Londres est bloqué par la manifestation pacifiste, et les déplacements en voiture d’Henry se trouvent perturbés. Hormis sa visite hebdomadaire à sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, rien ne va se passer comme d’habitude. Sa traditionnelle partie de squash avec son anesthésiste tourne au combat sans merci, il est à cran, car sur le chemin, il a été agressé par les occupants d’une voiture avec lequel il a eu un banal accrochage. Son sentiment d’insécurité, créé par l’incident de l’avion, croît dangereusement. Même ce qui s’annonçait comme une perspective heureuse (l’arrivée pour le dîner de sa fille de 23 ans qu’il n’a pas vue de puis 6 mois) prend un tour pour le moins inattendu et angoissant...
Je ne fais qu’ébaucher la trame de la journée d’Henry Perowne, que Ian Mc Ewan décrit dans le détail : opérations chirurgicales, match de squash, discussions politiques (pour ou contre la guerre en Irak), préparation du dîner... Aucune des pensées du personnage ne nous échappe. Ce scientifique étudie et opère le cerveau. Il préfère qu’on lui explique le monde plutôt qu’on lui raconte. Sa fille est poétesse et son fils musicien, et leur mode de fonctionnement lui échappe un peu. Ils sont contre la guerre. Lui également, mais il pense qu’elle est inévitable pour se débarrasser de Saddam Hussein. La menace terroriste plane sur leur monde. Mais finalement, c’est une violence d’un tout autre ordre qui va perturber son samedi et sa vie.
C’est un roman brillant, dans lequel on plonge un peu comme dans un thriller politique. Il met en lumière le prisme que les médias impriment à notre perception du monde, le caractère profondément anxiogène de notre société. Il nous livre mieux qu’un article de presse l’état de l’opinion anglaise sur la question de la guerre en Irak et plus généralement encore, se demande (débat à la mode en ce moment) ce qui forge cette fameuse opinion publique.
Ian McEwan est un auteur anglais majeur. Vous pouvez tout lire de lui, il n’y a rien à jeter. J’avais particulièrement aimé « L’Enfant volé », que je vous recommande également.
Isabelle

"Eldorado" de Laurent GAUDE


Laurent Gaudé aborde dans ce roman le thème de l’immigration clandestine. Il s’est intéressé non pas aux destins des clandestins une fois arrivés en Europe, mais à ce qui se passe avant. Pourquoi et comment ils décident de tout quitter, et comment la "citadelle Europe" se défend contre eux. Ces deux côtés de la barrière, de la frontière, sont incarnés par deux personnages, que l’on va découvrir en chapitres alternés.
Piracci est commandant d’une frégate qui patrouille au large de la Sicile pour intercepter les bateaux de clandestins. A 40 ans, et suite à la rencontre d’une ex-clandestine qu’il avait quelques années auparavant sauvée du naufrage, sa vie et sa mission lui semblent soudain insupportables. Il va fuir sa vie, tout abandonner pour partir en Libye, à contre courant du flux migratoire....
Soleiman est un jeune soudanais qui aspire à vivre en Europe. On va suivre son périple à travers tout le Maghreb pour rejoindre Ceuta, une enclave espagnole au Maroc, porte d’entrée vers une nouvelle vie. Il vaincra de multiples obstacles, perdra beaucoup de son innocence dans ce dur combat d’où toutefois toute solidarité n’est pas absente.
A un moment de leurs parcours respectifs, ces deux personnages vont se croiser, dans un habile chassé-croisé temporel.
Il y a des romans qui sont la vie, tout semble vrai, exister sous nos yeux. Ils sont un miroir de nos vies, dans ses péripéties ou ses interrogations quotidiennes. Et d'autres qui sont l'illustration d'un message, avec des personnages qui incarnent celui-ci. Et l'absence de vraisemblance des dialogues, des caractères n'a pas d'importance, quand c'est réussi. Eldorado fait partie de ces romans là, à la fois cérébral dans son sujet (il pousse à réfléchir à la condition d'exilés clandestins) et émouvant dans les destins présentés, archétypaux : Soleiman incarne tout clandestin, son destin individuel recouvre tous les autres.
Piracci incarne la conscience de tout occidental qui ressent de l'empathie pour ces clandestins. Lui va laisser cette mauvaise conscience l'envahir et détruire tout ce qui faisait sa vie.
Des scènes choc tout au long des très courts chapitres (la tempête, l'assaut), une écriture simple et belle (presque maladroite dans le premier chapitre, c'est beaucoup mieux après), une émotion qui n'est pas "sollicitée", galvaudée. Bref, un très bon roman.
Isabelle

05 février 2007

Petites sorties parisiennes...


Petites sorties parisiennes que je voulais vous faire partager…Petites suggestions pour un petit week end culturel…
Trois rendez vous :
"Les trésors engloutis d’Egypte" au Grand Palais. On entend beaucoup parler de cette exposition…ces trésors sortis des eaux d’Alexandrie, de la baie d’Aboukir… Mais déception en arrivant sur les lieux ; beaucoup de monde donc on n’a pas le temps de contempler les œuvres… beaucoup de petits objets que l’on a déjà vus… Cependant, face aux trois colosses, on est pris par l’émotion : on est tout petit et les œuvres sont remarquables… Sentiment mitigé sur cette exposition
« Imagine toi » de Julien Cottereau. Si vous passez par Paris, ne manquez pas ce spectacle !! Clown-mime-bruiteur, cet homme est un véritable artiste, un génie. Spectacle original rempli de tendresse, d’humour, de finesse, de poésie… EXCEPTIONNEL !!! Il mérite d’être connu !! Très bon moment dont on ne peut sortir qu’avec un très grand sourire.
« Cyrano De Bergerac » à la Comédie Française. Classique me direz vous ! et bien non !!Voici un Cyrano splendide : Michel Vuillermoz nous offre une performance de comédien fabuleuse et hors du commun ! Mise en scène moderne remplie d’originalité par Denis Podalydès. 3 h de spectacle émouvant, exaltant… on entre dans le monde de Cyrano et de sa belle Roxane. A voir !!!
Charlotte

27 janvier 2007

"On n'empêche pas un petit coeur d'aimer" de Claire CASTILLON

On connaît Claire Castillon pour son livre Insecte… On la retrouve bien dans ce recueil de nouvelles…
23 nouvelles sur l’amour mais quel amour !! Un amour noir : inceste, infidélité, intolérance, maladie, égoïsme, maltraitance… Les sujets sont lourds mais quelle écriture !! C.Castillon arrive en quelques pages à mener une intrigue, à faire tenir un suspens, à créer une chute inattendue à chaque fois… Magnifique ! Chaque nouvelle est un petit bijou, souvent choquant, auquel on ne peut rester insensible… Petit coup de cœur pour les nouvelles : araignée au plafond, arrache cœur,on n’empêche pas un petit cœur d’aimer, Petite femme.
Un livre violent, bouleversant… à découvrir absolument !!! (Âmes trop sensibles, attention !) J'attends vos commentaires!
Charlotte

Se faire peur...


Accro à la saison 5 de 24H (que je me délecte à voir chaque semaine sur Canal + et SURTOUT PAS à regarder d'un coup), je viens de finir avec plaisir le dernier Stephen King (Cellulaire) et j'ai adoré l'adaptation que Spielberg a fait de La Guerre des mondes, le centenaire roman d'H.G.Wells. En quelques semaines, mon taux d'adrénaline en a pris un coup...

Bon, on dit que c'est un reste de l'enfance, d'aimer les histoires qui font peur. Mais moi enfant, j'étais vraiment terrifiée ! Les ogres, ça m'empêchait de dormir !! Alors que là, curieusement, ce qui devrait être anxiogène (ça c'est pour MO, elle se reconnaîtra), est presque rassurant. Ces trois oeuvres nous parlent de notre monde, avec un léger décalage, une "anticipation" subtile qui fait qu'il n'est "ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre". Le falot président des USA est-il l'ennemi de Jack Bauer, et du coup devient-il notre ennemi ? Les téléphones portables, transmettront-ils un jour, comme le raconte Stephen King, des ondes qui transformeront en bêtes sauvages tous ceux qui sont en ligne ? Y-a-t-il des machines enfouies sous terre depuis des millions d'années, et qui n'attendent qu'un signal extra-terrestre pour détruire la civilisation humaine ? En lisant, en regardant ces histoires, on joue avec l'idée que "ça pourrait être pire"...
Bientôt viendra la nouvelle saison de "The Shield", et là, plus de décalage, plus d'anticipation, rien qu'un réalisme cru et vraisemblable sur le monde de la police et des gangs américains, admirablement joué et filmé. Se faire peur... avec le présent.
Isa

"La Fabrication d'un mensonge" d'Audrey DIWAN


Raphaëlle est lasse de sa vie : elle multiplie les années de fac, ne sait pas de quoi sera fait son avenir, n’a qu’une amie triste, a des parents distants et froids… Il faut bien passer le temps, elle se décide à trouver un petit travail : elle devient vendeuse à Mariages 2000. Boutique triste mais habitée par des personnages extravagants : Gérard, le gérant bourru et joueur de dés, Cindy la jeune vendeuse mais surtout Lola, vendeuse atypique au fort caractère… Raphaëlle découvre un monde rempli de mensonges, de tristesse, de mariages sans amour, de trahison…Elle qui ne croit pas à l’amour découvre le commerce de l’amour, cynique et hypocrite… Cependant sa vie va se transformer au contact de l’énigmatique Lola.
Premier roman très bien écrit, histoire bien menée, personnages attachants, intéressants et originaux. L’amour, toile de fond de ce roman, est noir, sombre et ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir et à la légèreté.
Un premier roman prometteur…
Charlotte

21 janvier 2007

La vie d'une autre de Frédérique DEGHELT


1988. Marie s’endort, après une folle nuit d’amour, dans les bras d’un bel inconnu, Pablo. Au réveil, elle est mariée à cet homme, a des enfant avec lui et nous sommes en 2000.
Comment a-t-elle pu perdre la mémoire de douze années de sa vie ? Comprendre, se souvenir, reconstituer son passé… C’est la quête de l’héroïne dans ce fabuleux roman. Le sujet du roman peut paraître simpliste mais F. Deghelt nous offre un petit bijou. Marie apprend à "re" découvrir les personnes qui font sa vie : ses parents,ses enfants, ses amis mais surtout elle essaie de revivre son histoire d’amour…
Roman plein de poésie sur le quotidien du couple, sur l’amour à réinventer, sur la vertu de l’oubli, sur ce qu’on peut oser faire par amour…
Histoire très émouvante, on ne peut que s’attacher à Marie, vacillant sur le fil du rasoir…
Larmes aux yeux, serrement de cœur, impossibilité de fermer le livre avant la fin : voilà les symptômes qui vous attendent en lisant ce livre.
Vrai coup de cœur…
Charlotte