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"Fracas" de Pascale KRAMER


La villa californienne des parents de la narratrice, Valérie, vient de subir de graves intempéries, comme toute la région avoisinante. Un énorme rocher a fini sa course en surplomb de la terrasse et menace directement la baie vitrée du salon. Valérie arrive en week end pour donner un coup de main à ses parents. Le matin qui suit son arrivée, la famille apprend que la nounou des enfants du frère de Valérie a été renversée par une voiture et qu’elle est dans un état grave à l’hôpital. Du coup Cyril, bien que brouillé avec sa mère, débarque avec sa femme et les trois enfants. Entre le rocher qui menace, les nouvelles alarmantes de Cindy, l’étrange attitude du père et de la mère, les provocations du frère, la journée ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
De tous les dangers qui menacent cette famille, le rocher n’est pas le plus grave, des séismes plus intimes empoisonnent leurs relations. Tous ces non dits planent au dessus de leur tête, plus sûrement que le rocher. Et si chacun y va de son scénario pour se débarrasser de celui-ci (le faire exploser, l’étayer), ils sont moins enclins à résoudre leurs problèmes relationnels. Le père, agréable et lisse, que rien ne semble atteindre, la mère, maniaque du ménage et maîtresse femme de la maison, tous deux sont incapables de réelle tendresse entre eux et envers les autres. Cyril est également opaque, que cache réellement son cynisme ?
Pascale Kramer réussit à faire peser un climat de danger, de menace, dans le récit de cette journée particulière. un peu comme Patricia Highsmith. Jusqu’à un final en deux temps, que j’ai trouvé plutôt réussi.
C’est un livre que j’ai bien aimé, même si je n’accroche pas avec l’écriture de Pascale Kramer. Il n’y a par exemple aucun dialogue, tout est retranscrit en style indirect, ce qui donne une certaine lourdeur à l’ensemble. Et il y a ça et là des facilités de roman de gare (je pense aux descriptions physiques du personnage de Lucie, la fille aînée de Cyril, une lolita fort attachante par ailleurs parce qu’elle prend de plein fouet les histoires des adultes).
Pour autant on se plonge avec plaisir dans "Fracas". Bien que bref, le récit a de l’épaisseur, comme les personnages. On l’imagine très bien en film, réalisé peut-être par François Ozon.
Isabelle

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