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"Le Cercle fermé" de Jonathan COE


Après l'Angleterre pré-thachérienne des années 70 ("Bienvenue au club"), Jonathan Coe s'attaque dans ce roman aux ambiguités du blairisme et semble renvoyer tout le monde dos à dos... C'est avec bonheur qu'on retrouve le petit groupe d'adolescents qu'on avait laissés à l'orée de leur vie d'adulte dans le premier opus : Benjamin l'idéaliste et son frère Paul, si différent, Claire et sa soeur Miriam, Doug, Philip et la solaire Cicely, point d'ancrage de toute l'histoire du groupe. A plus de 40 ans, que sont-ils devenus ? Benjamin travaille depuis toutes ces années à écrire ce fameux livre-concept dont il avait conçu l'idée dans "Bienvenue au club". Il est comptable, marié à Emily, et vit toujours dans le fantasme de Cicely, son grand amour de jeunesse, qui l'a quitté après une nuit d'amour inoubliable. Lorsque le roman débute, il vient de rencontrer la toute jeune Malvina, pour qui il ressent de troubles élans. Il lui fait connaître son frère Paul, devenu un député travailliste en vue, plutôt cynique : Malvina devient sa conseillère médiatique, mais tout se complique quand ils tombent amoureux l'un de l'autre. Claire est devenue une jeune femme pragmatique, bien que blessée par la vie. Elle non plus n'arrive pas à surmonter un traumatisme de jeunesse : la disparition de sa soeur Miriam, dont on est sans nouvelles depuis plus de vingt ans. Comme toujours J.Coe va tisser des liens entre tous ces destins, avec habileté (quoiqu'un peu moins qu'habituellement ?). Son roman vaut aussi pour la formidable description de l'Angleterre de Tony Blair à travers les soubresauts de l'histoire des 5 dernières années : la fermeture de Rover, la guerre en Irak. Un livre engagé, par un "déçu du blairisme" : les idéaux passent, au plan collectif, comme au plan individuel. C'est ce que semblent incarner tous ces personnages, qui se débattent entre leurs renoncements et leur attachement au passé. Les personnages de Benjamin et de Claire sont les plus aboutis, les plus attachants. Eux n'ont pas entièrement renoncé, et d'ailleurs Claire a toujours été amoureuse de Benjamin. Ils seraient sans doute heureux ensemble, mais Benjamin ne vit que dans le fantasme romantique et Claire n'aura pas la force de l'emmener dans le monde réel. Cette histoire possible, qui n'est qu'un des éléments du puzzle qui lie les personnages, est une des réussites du roman.
Jonathan Coe a prévu un résumé (inopportunément placé à la fin de l'ouvrage) de "Bienvenue au club" pour ceux qui ne l'ont pas lu (lecture que je ne saurais trop vous conseiller bien sûr. Lire les deux romans d'affilée est une chance que je n'aurai pas eue !).
Isa

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