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"Le manuscrit perdu de Jonah Boyd" de David LEAVITT


Nous sommes à l’université de Wellspring, aux Etats-Unis, en 1969.
Dans leur belle maison sur le campus, Ernest Wright, professeur de psychanalyse, et sa femme Nancy, mettent la dernière main à leur traditionnel dîner de Thanksgiving. Comme d’habitude, il y aura quelques étudiants qui ne rentrent pas chez eux, et comme d’habitude, Denny, la secrétaire d’Ernest, est là aussi, et c'est elle qui raconte l'histoire. Elle fait un peu partie de la famille, Denny : partenaire au piano de Nancy, qui l’a prise sous son aile protectrice (c’est une forte femme, Nancy, mais Denny est plus fine mouche qu’il n’y paraît), secrétaire d'Ernest donc, mais aussi sa maîtresse , même si cela, évidemment, c’est un secret.
Pourtant ce n’est pas un Thanksgiving comme les autres. Nancy est dans tous ses états, sa vieille amie Anne vient dîner avec son nouveau mari, l’écrivain Jonah Boyd. Ils arrivent en retard, car Jonah Boyd a une fâcheuse manie, qui horripile sa femme, celle d’oublier un peu partout son manuscrit en cours (là, c'était dans l'avion). Le dîner se déroule bien, Jonah Boyd lit à haute voix le premier chapitre de son manuscrit et le petit dernier de la famille, Ben, « inflige » à tous la lecture de ses poèmes d’adolescent. Mais le lendemain, c’est la catastrophe, Jonah Boyd a encore égaré ses précieux carnets, et cette fois-ci, malgré l’énergie déployée par tous, il ne les retrouve pas. Et comme il ne fait aucune copie du manuscrit (il donne une dimension mystique à ces carnets, fabriqués spécialement en Italie), tout son travail est perdu. Un bel acte manqué, dira Ernest.
Cet incident va bouleverser considérablement le destin de tous les personnages, dans une suite de rebondissements pleins d’ironie. Satire du milieu universitaire, réflexion sur l’écriture, mais aussi sur la prédestination, la famille, l’attachement démesuré aux lieux et aux choses, il y a énormément de thèmes dans ce roman drôle et brillant. David Leavitt, auteur découvert dans les années 80 grâce à un remarquable recueil de nouvelles, fait ici un retour réussi et jubilatoire.
Paru chez Denoël en septembre 2005 (à lire également, "Le langage perdu des grues" et "Quelques pas de danse en famille")
Isa

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