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Vote de crise ? Films de crise...

 Parler des difficultés sociales, professionnelles des gens, le cinéma le fait depuis toujours ou presque. A l'anglaise (Ken Loach, Mike Leigh...), à l'italienne (Ettore Scola, Nanni Moretti...) et à la française : comme Cédric Kahn (Une vie meilleure) et Robert Guédiguian (Les Neiges du Kilimandjaro). Le premier est quasiment un documentaire, surtout dans sa première partie, très elliptique, mais qui montre bien l'engrenage qui va plonger Guillaume Canet et Leila Bekhti dans le surendettement. Ces deux jeunes gens en veulent, achètent un restaurant à retaper mais s'y prennent très mal, et personne ne les aide. La jeune femme finira par partir au Canada chercher des jours meilleurs, laissant son fils Slimane à Guillaume Canet. Dès lors, le film, tout en continuant à montrer la spirale de l'échec social du héros, va zoomer sur le jeune garçon de 9 ans et demi, et sur sa relation chaotique avec son beau-père. L'ensemble du récit est très vraisemblable, chaque scène est un moment clé de cette année et demie de descente aux enfers, le montage est saisissant et signifiant, avec des fondus au noir qui suggère le temps qui passe. Bien mieux que je ne le pensais, ce film m'a beaucoup plu, les acteurs sont parfaits et les dialogues sonnent juste, c'est fluide, ça avance, la tension monte au fur et à mesure du film, surtout lorsque nos deux héros partent à la recherche de celle qui est partie et ne donne plus de nouvelles. Les obstacles s'accumulent et on se surprend à murmurer "allez allez ça va passer !". Le jeune Slimane est très touchant, pas du tout cabotin, et sa résignation devant la difficulté du monde est une misère à voir....
C'est aussi dans la tension du récit que Guédiguian excelle, après que Darroussin et Ascaride se soient fait agresser à leur domicile et voler une importante somme d'argent, cadeau collectif de la famille et des amis pour un voyage en Afrique du Sud. L'un et l'autre tentent de surmonter comme ils peuvent cette épreuve et finalement par des chemins parallèles, aboutissent à une même solution, complètement irréaliste d'ailleurs mais là n'est pas le propos de Guédiguian. La fin ne m'a pas gênée, elle est généreuse, à l'image des personnages et donc a sa logique interne dans le fil du récit. Et le dilemme de ces ouvriers devant porter plainte contre plus pauvre qu'eux est assez bien mené. En revanche j'ai eu les pires craintes dans les longues scènes d'exposition avant l'agression. La première scène ...
est très réussie :  Darroussin, délégué syndical, tire au sort ceux qui vont être licenciés de l'entreprise et tire son propre nom (qu'il aurait pu ne pas mettre). Les scènes suivantes sont nettement moins convaincantes. Guédiguian rêve la classe ouvrière plus qu'il ne la décrit, c'est son droit et c'est respectable. Mais Darroussin citant Jaurès en vidant son casier au moment de quitter l'entreprise, j'ai trouvé ça "too much"... Ariane Ascaride virevolte comme femme de ménage chez les personnes âgées, rentre dans leur adorable petite maison marseillaise qui domine la mer, où Darroussin l'attend en préparant la ratatouille... Chromo ou clichés ?? Et puis il y a  la scène de l'anniversaire de mariage (certes très importante pour l'avancement de l'histoire, puisque c'est là, en présence de la famille des amis et des anciens collègues que le couple se voit remettre la fameuse enveloppe pleine d'argent). Lacrymale à souhait, sur-sollicitant l'émotion (on avait très bien saisi déjà que ce couple s'aimait profondément). Et croyez moi je n'ai pas spécialement un coeur de pierre ! Bref, vous l'aurez compris, je suis mitigée, même si l'humanité de Darroussin finit par tout emporter.
IsaH

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