04 février 2012

Désolations de David VANN

L’Alaska, de nos jours. Irene et Gary, un couple d'enseignants fraîchement en retraite. Après trente ans de vie commune, Gary veut réaliser à tout prix son rêve de construire une cabane sur une ile, Caribou Island (titre original du roman), une île déserte. Il entraîne Irène, malgré-elle, dans cette folle aventure, sans préparation. La nature est hostile, Gary veut terminer la cabane avant le plein hiver, mais la rudesse de la météto les plonge dans des conditions apocalyptiques. Dès le début, Irène est torturée par des migraines inexplicables. Inexplicables médicalement, mais pas psychologiquement. Car le corps parle, le couple est sur le point de se séparer après 20 ans de leurre. Chacun d'entre eux pense qu'il aurait mérité un meilleur conjoint, la cabane et les aléas de sa construction deviennent le symbole de leur échec.
En parallèle, nous suivons également le quotidien de leurs enfants Mark et Rhoda. Cette dernière, vétérinaire, est une jeune fille qui rêve de se marier un jour avec Jim, un dentiste qui lui offre des conditions de vie matérielles confortables mais lui porte peu d’attention et finit par la tromper avec une créature de passage, Monique. Mark, le fils, est plus en retrait de la famille. Il est pêcheur, intégré dans la société locale, vit avec Karen, une serveuse que ses parents méprisent. Le climat familial est pesant. Plusieurs couples, des relations compliquées, et un drame final... 
Ce livre m'a donné froid et mal à la tête, littéralement. La force de l’écriture est telle qu'elle transmet les sensations extrêmes comme rarement. Loin des canons idéalistes du "nature writing" américain, David Vann, outre l'illusion conjugale, dénonce également le leurre du retour à la nature. Celle-ci est hostile, et les vrais habitants de l’Alaska cherchent à la contourner ou à l’exploiter (par la pêche comme Mark) mais ne la magnifie pas, comme Gary, un intellectuel qui a entraîné sa famille dans un pays qui ne leur convient pas. De l'hostilité de la nature à l'hostilité du couple, Désolations est aussi un livre sur l'irruption de la lucidité (Irène, Gary, et dans une moindre mesure Rhoda), mais qui ne sert à rien car elle arrive trop tard. En cela, le roman est construit comme une tragédie grecque, l'enchaînement des faits est inéluctable à partir du moment où les protagonistes sont prisonniers de leurs erreurs et dominés par leur destin. La répétition du drame vécu par Irène, enfant, qu'elle ne peut s'empêcher de reproduire, est poignante...
IsaH

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai eu ce roman en main hier mais finalement je suis repartie sans car rien qu'en lisant la première page et la quatrième de couverture, j'ai eu froid!!

Je viens de finir un petit bijou chaud sur les terres du Maroc: Rouge argile... Un vrai coup de coeur.. beaucoup plus chaud!!!!

Ann a dit…

Un beau livre . Mieux que le premier même si on a l'impression d'une redite:le froid, la vie sauvage etc.

Chacun des personnages cherche à fuir qui son passé, qui sa famille, qui sa vie....Mais tout est un peu vain et manque d'optimisme quand même.

Anne