30 janvier 2012

Le Jour avant le bonheur d' Erri DE LUCA

Italie d’après guerre. On est projeté dans cette petite cour d’immeuble qui n’existe que dans ces pays où le soleil est là en permanence, avec des enfants qui jouent, des voisines qui se chamaillent, le concierge bienveillant régnant sur tout ce petit monde, les émois d’enfants, les blessures de la guerre.
On s’attache à ce petit garçon, orphelin qui évolue, grandit, essaie de trouver sa place, de comprendre le monde. On aime ce concierge un peu bourru, mais attentionné, rempli de tendresse et d’amour et de tellement de pudeur.
Et ce titre… Le jour avant le bonheur… Tout un programme !
Comment réagiriez-vous si vous saviez que vous étiez à la veille du jour le plus heureux de votre vie ? Comment s’y préparer ? Et si cette attente était vaine ? Et puis au fond, ça ressemble à quoi le jour le plus heureux d’une vie ?
Le style est rythmé, charpenté parfois ; l’histoire est dense, on virevolte d’un âge à un autre, d’un sentiment à l’autre, de la gravité à la légèreté.
Les descriptions sont justes, réalistes et efficaces, on a l’impression d’être à côté du héros, de le regarder vivre, de l'aider à grandir.
Ce roman est d’un autre temps, une atmosphère particulière, qui n’est habituellement pas ce que je préfère, mais là, c’est vraiment bien emmené.
A découvrir pour l'univers, l'atmosphère, se réchauffer un peu !
Charlotte

21 janvier 2012

Les Séparées de Kéthévane DAVRICHEWY

Les romans ado regorgent de ces histoires d’amitié-amour, de ces relations un peu ravageuses, on aime s’inventer une histoire aussi forte, des amitiés pour lesquelles on est prête à tout… Mais les romans adultes sont plus rares sur ce sujet, comme si l’amour était le seul grand sentiment. Et pourtant…
L’amitié est souvent réduite, à un sentiment un peu plus fade que l’amour, quelque chose de secondaire ; ce qui est une grave erreur… Car il y a des blessures d’amitié qui ne se referment jamais et qui font souffrir davantage qu’une rupture amoureuse. C’est exactement de cela que nous parle Kéthévane Davrichewy dans Les séparées. Alice et Cécile, Cécile et Alice… une relation d’amitié fusionnelle, filiale presque, malsaine parfois? Ce sentiment que sans l’autre, il nous manque quelque chose…Cet alter ego.
Le roman commence en 1981 au jour de la victoire de Mitterrand, mais on bascule vite dans le monde d’aujourd’hui avec des flash back sur cette relation hors normes. On suit l’évolution de cette amitié, le pourquoi du déchirement et l’absence douloureuse, jamais comblée.
Chaque mot trouve sa place, les silences sont justes et nécessaires. Parfois l'auteur effleure les sentiments et pourtant on les ressent si fort.
Les personnages ont tous leur place dans le récit, sont tellement humains dans leur faiblesse ou dans leur dureté mais ils existent, ils sont là, tellement vivants qu'on a l'impression d'y reconnaître des visages connus. L’atmosphère est dense, parfois lourde, on ne tombe jamais dans la facilité.

Ce roman a fait remonter pleins de souvenirs en moi, des bons ou des moins bons, des blessures parfois. Je les refermais en me disant que ce livre allait me poursuivre... doucement et de loin, mais il sera là pendant un petit moment...
Charlotte

16 janvier 2012

Contagion de Steven SODERBERGH

Phobiques du contact, évitez ce film... Un virus mortellement foudroyant se répand comme une traînée de poudre dans les grandes villes du monde : en quelques heures, le patient meurt de convulsions. A travers de nombreux personnages illustrant différents points de vue (victimes, entourage des victimes, gouvernement, OMS, activistes etc...), on assiste à la course contre la montre "hommes versus virus"...
Loin des canons du film catastrophe, dont le spectaculaire maintient finalement le spectateur à distance, Contagion joue la carte de l'hyperréalisme. Si ce n'est la présence de stars à l'écran, on jurerait presque être devant un documentaire. Et les stars, justement, Soderbergh ne les ménage pas et n'a pas son pareil pour les banaliser, les rendre ordinaires. Lorsqu'ils incarnent des victimes (Gwyneth Paltrow, Kate Winslet...) la maladie ne les épargne pas plus que les personnages anonymes. Tous sont d'une sobriété et d'une intensité remarquables.  Matt Damon prouve une fois de plus, en veuf inconsolable, génétiquement immunisé contre la maladie, qu'il est un des meilleurs acteurs de sa génération. Le récit est  rapide (mais pas brouillon comme certains critiques l'écrivent), le préambule, uniquement musical, qui décrit la progression inéluctable de la maladie à partir de la patiente zéro, est prodigieux de maîtrise.
IsaH

14 janvier 2012

Album vintage : Feline des Stranglers

Sorti en 1982, c'est le premier CD que j'ai acheté, quelques années plus tard (je vous parle d'un temps etc...). "Féline" dénote dans la filmographie des Stranglers, ce groupe de new wave né dans la mouvance du punk. La voix hautaine de Hugh Cornwell, so british, délivre des textes plus sereins et plus intéreurs. On retrouve bien sûr, à leur apogée sans doute, les lignes de basse renversantes de Jean-Jacques Burnel (un français...) qui structurent les morceaux, plus sûrement encore que les synthés, pourtant omniprésents. La batterie, métronomique, contraste avec les "nappes" et les envolées de synthé, clôturant soudainement un "pont" éthéré en ramenant tout le monde à l'essentiel de la ligne rythmique, ou mettant un point d'arrêt d'un coup de caisse claire à l'intro "cloudy" de Midnight summer dreams, premier titre de l'album. D'une grande cohérence musicale, la production de Tony Visconti est exemplaire. C'est un album qui ne me semble pas avoir vieilli, mais peut-être est-ce aussi dû à la force des souvenirs qui lui sont attachés.
IsaH

08 janvier 2012

Intouchables d'Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE

Trop de promo peut tuer un film... "Intouchables" est un succès public énorme, mais les cinéphiles tordent le nez, sans même l'avoir vu. Pourtant, "Intouchables" n'est pas si mal.  Et sa tonalité générale est bien loin des quelques extraits dont on nous abreuve à longueur d'émission (pas de bras pas de chocolat etc...). On ne rit pas tant que ça, le quotidien des deux héros n'est pas rose. Il y a quelques facilités, c'est sûr, comme par exemple les passages sur l'art contemporain, tellement caricaturaux et n'apportant rien à l'intrigue ni à l'évolution des personnages. En revanche j'ai trouvé malin de ne pas faire d'Eléonore un personnage. Et mon coup de coeur va à Anne Le Ny, la gouvernante dévouée.
En fait ce qui est déraisonnable, c'est le discours autour du film : "cela va changer le regard des gens sur les handicapés, plus rien ne sera comme avant" etc... Pourquoi le parer de ces vertus, qu'aucun film n'aura jamais d'ailleurs ? C'est juste un énième film pas mal fichu et bien joué sur une amitié masculine mal assortie au départ. N'en faisons pas des tonnes, cela le dessert auprès d'un certain public qui croit qu'on lui refait le coup des Ch'tis ou des Petits mouchoirs. Comment peut-il y avoir un film de la décennie tous les ans ....???
IsaH

Limonov d'Emmanuel CARRERE

Je ne sais pas...

Cela pourrait être le résumé de ma critique.
On parle de ce livre ENORMEMENT... Pour les Inrocks, il fait partie du tiercé de tête 2011 et ils déplorent le Goncourt raté... Indéniablement, un des romans du moment...et pourtant je ne suis pas complètement conquise...

C'est du Carrère, c'est certain! On y retrouve la patte de l'auteur de l'adversaire et du remarquable "D'autres vies que la mienne"... Ce dernier est un de mes romans fétiches alors j'en attendais sans doute trop!
On ne sait pas sur quel pied danser, on voudrait pouvoir mettre ce Limonov dans une case : gentil ou méchant ? Tout noir ou tout blanc ? (ah bon le gris existe??)... Ce que l'on n'arrive pas à analyser, c'est le parti pris de l'auteur... A certain moment, on a l'impression qu'Emmanuel Carrère utilise le prétexte de la vie de Limonov pour parler de lui , de son besoin de reconnaissance, de célébrité, de cette personnalité un peu ambivalente qu'on a pu lui reprocher à une certaine période.

C'est un roman très documenté, dense, riche et complet sur l'histoire de la Russie (parfois un tout petit fastidieux... car retracer l'histoire de la Russie depuis la seconde guerre mondiale en un roman, ce n'est pas chose aisée!)
Agréable à lire, intéressant, enrichissant, on a envie de suivre les aventures de ce héros pas tout à fait ordinaire...mais...
Je suis perplexe... Je n'arrive pas prendre position mais il fallait que je vous en parle...

Et vous? Vous l'avez lu?
 
Charlotte

02 janvier 2012

Le Havre d'Aki Kaurismäki

Ma ville natale attire de plus en plus les cinéastes. Sa lumière, son architecture graphique, l'ambiance, au choix portuaire ou balnéaire, en font un décor de choix. Aki Maurismaki y a rajouté les havrais, avec accent, trogne et gouaille quasi parigote... Ils entourent avec poésie les héros de cette histoire en forme de conte, qui allie la lenteur aride des films scandinaves et le "feel good movie". J'entendais Cedric Kahn expliquer qu'il avait choisi exprès des héros jeunes, beaux et connus pour son film social sur le surendettement (Une vie meilleure) afin d' accentuer l'effet d'identification... Aki le finlandais fait tout le contraire, il met en scène des cabossés de la vie et leurs visages souvent filmés en gros plan révèlent toute leur dignité. André Wilms et sa partenaire finlandaise vivent une histoire d'amour qui nous étreint, le gamin clandestin dans son opacité même est bouleversant, et les seconds rôles, Darroussin en tête, font des merveilles. C'est souvent drôle, grâce à André Wilms, lunaire, et au phrasé très châtié de tous ces "gens de peu". Les éléments de décor (voitures, vêtements,...) mélangent les époques, créant une confusion visuelle très poétique. On a envie de croire à cette histoire de solidarité entre gens qui n'ont rien, aidés par un commissaire a priori intransigeant, mais que désarmera toujours le regard d'un innocent, surtout si c'est un enfant.
IsaH