15 avril 2014

Hasard et coïncidences... ou Marie Darrieussecq et moi

Dans les aéroports, on croise souvent des gens connus. A Roissy, j'ai déjà vu Marie Drucker, Lambert Wilson et Eric Judor (du duo Eric et Ramzy). Bon... 
 La semaine dernière, m'envolant pour New York, je vois derrière moi, dans la file du dépose-bagages, l'écrivain Marie Darrieussecq. Quasi caricaturale, elle tient un livre ouvert à la main et paraît totalement ailleurs... Personne ne semble la reconnaître (à part moi, je veux y croire). Je la suis depuis Truismes, je l'aime bien, donc je suis contente, davantage que si j'avais vu, mettons, ... bon je n'ai pas de nom d'écrivain honni qui me vient...

BREF... Quelques jours se passent, nous nous retrouvons à flâner du côté de Washington Square, et nous découvrons que c'est le quartier du département Littérature de l'université de NY. Dans une petite rue (enfin selon les standards new yorkais), notre regard est attiré par une sorte de passage, très parisien, lui,  où se font face  la Maison Allemande et la Maison Française. Voulant en savoir plus sur cet organisme, nous nous approchons. Je vois un programme de conférences, et un nom et un visage me sautent aux yeux : Marie Darrieussecq... Le coeur battant (yes I probably overreact), je consulte la date, m'emmêle les pinceaux (thursday c'est mercredi ou jeudi ???) et finalement me rends compte que la séance se tient le soir même !  La coïncidence est si belle, la probabilité si faible de tomber sur cette information : on est OBLIGES de venir... Et puis l'intitulé, "Le trajet d'une phrase", me fait déjà envie.

A 19H nous voilà, tels des expats, au milieu du gratin universitaire franco-new-yorkais, écoutant en catimini, mais avec délices, cette notable culturelle assise derrière nous, expliquer à sa voisine que "pour rien au monde elle n'irait vivre à D.C. "(comprenez Washington) quand bien même son frère, interprète à la Maison Blanche, "la tanne pour qu'elle vienne s'installer", et bien que la "vie y soit moins chère" (sic)... So chic !
Marie arrive enfin, et sa conférence fut passionnante. Brillante est le mot exact. M.D. semble rompue à ce genre d'exercice, elle ménage ses effets et ne manque pas d'humour. Ca, c'est pour la forme. Sur le fond, elle nous a raconté le trajet de cette phrase : "Seuls les gens sans vision s'échappent dans le réel", phrase tirée d'un livre de l'écrivain allemand Arno Schmidt, qui lui est revenue à plusieurs reprises dans sa vie, par de curieux téléscopages. Difficile à expliquer mais c'était lumineux, voir sa chronique assez brève sur cette trame parue dans Libé.
Sans jamais perdre le fil, elle évoqué sa passion pour Duras * (une autre M.D.), pour l'exigence de son écriture, exigence qu'elle revendique tout autant : traiter d' une chose qui peut être banale mais l'écrire sous une forme nouvelle, unique. Elle cite Duras : "La Seine, c'est le Mékong", expliquant que la phrase est bien plus riche et ouverte que si elle avait écrit "La Seine, c'est comme le Mékong"... Anecdote amusante, lors des questions, une américaine lui a demandé s'il s'agissait bien du fleuve... La seule fois où Marie D. s'est montrée un peu désarçonnée !
Elle a longuement parlé du réel qui ne s'oppose pas toujours à l'imagination, du pangolin africain et des galaxies, de ses origines basques, et a même cité Le Havre, ma ville natale, dans son développement sur la Seine (voir plus haut). 
Son intervention traitait des coïncidences, mais je n'ai pas osé aller lui parler de celle qui nous avait conduits jusqu'ici. Je me suis promis que si je la revoyais à JFK au vol retour, là, j'irai la voir. Mais bien sûr, ce n'est pas arrivé...

IsaH

* Autant lire Duras m'ennuie un peu, j'ose l'avouer, autant je suis toujours intéressée d'entendre les passionnés érudits en parler, c'est curieux.

PS : Obama vient une journée à New York, à 3 rues de notre lieu de résidence, et son convoi est passé juste devant nous alors qu'on se baladait, encore un hasard heureux à l'actif de ce séjour une fois de plus "so great" !