30 décembre 2011

Album vintage du mois : Who's next des WHO

Nouvelle rubrique dans Kesketalu, avec une plongée régulière dans des albums rock / pop cultes. Pour démarrer 2012 en tonitruante beauté, le ravageur Who's next, classé 28e au classement Rolling Stone des 500 meilleurs albums de tous les temps et parmi les premiers dans mon panthéon personnel.
Sorti en 71, deux ans après Tommy, il est l'album préféré de Roger Daltrey, le chanteur, mais Pete Townsend, qui avait d'abord pensé concevoir un opéra rock, ne se remit jamais de ce qu'il considérait comme un semi-échec créatif (sic).
Résolument rock, avec des hymnes définitifs comme "Wont get fooled again" (cri primal, riffs vengeurs, galopades de batterie, voix claire et surpuissante, message tout aussi clair et surpuissant : "on ne se fera plus avoir"), l'album innove en introduisant des synthétiseurs, ouvrant la voie, c'est reconnu par les spécialistes, à une lame de fond dans le rock, et désarçonnant certains fans de l'époque. J'ajouterai que le groupe fait même une utilisation avant-gardiste du synthé, créant quasiment le principe du sample, avec des mélodies composées de boucles aléatoires, qui bourdonnent à l'arrière-plan, affleurent à des moments-clé ou prennent carrément tout l'espace sonore (intro de "Baba O'Riley"et de "Wont get fooled again"...).
J'ai vu il y a quelques années un documentaire, dont je recherche désépérement les références, retraçant la genèse de l'album et l'enregistrement studio. Le travail créatif de Pete Townsend, fiévreux sur ses synthés, intellectualisant la structure (toujours très complexe) de ses morceaux,  est absolument fascinant à regarder. A mille lieues de l'imagerie rock de la répèt-dans-un-local, on y voit un musicien pétri de références, cérébral, visionnaire, introverti et exigeant. Le souffle rock de l'album, dans certains titres indépassable, vient de la guitare bien sûr, mais essentiellement de Roger Daltrey, voix unique, d'une puissance rare mais presque jamais à saturation, qui fait également merveille dans les quelques balades qui ponctuent l'album ("Behind blue eyes" ou "The song is over"). Quelques trouvailles musicales sont hallucinantes de beauté, comme la fin de "Baba O'Riley" et son solo de violon tsigane (joué par Dave Arbus).
Faisant voler en éclats, avec Pink Floyd, la structure efficace mais un peu trop carrée "couplet / refrain / pont" ("the bridge" !), les morceaux des Who s'attaquent comme une face Nord de montagne, avec des a-pics, des faux plats, des détours, et on arrive à la fin, tout en haut, le souffle coupé...
IsaH

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de VIGAN

Avant toute chose... Non, je n'ai pas lu le dernier Delphine De Vigan parce que c'est un des romans de la rentrée. J'ai lu tous les romans de ce talentueux auteur qui a un vrai style, reconnaissable aisément, une vraie profondeur. Chaque ouvrage de Delphine de Vigan est un vrai plaisir de lecture et laisse une trace...
J'ai passé mon dimanche avec Lucile. J'ai commencé le roman dans mon fauteuil de lecture pour ne le lâcher le soir qu'après avoir terminé la dernière page!!!

C'est un roman solaire. Je ne pensais pas utiliser cet adjectif car je l'avais commencé quelques jours avant mon mariage, j'avais dû le mettre de côté (et j'avais un peu peur de retrouver le sentiment douloureux qui accompagne mon souvenir de lecture du livre Mauvaise fille de Justine Lévy) car il me troublait trop mais là, j'ai savouré. Les faits sont cruels, difficiles, dramatiques, cette famille déchirée, abonnée au malheur, et pourtant... Elle arrive à rendre cette femme bipolaire, sa mère, attachante, à faire ressortir le meilleur du pire. Ce roman est construit presque comme un journal intime ou une enquête, on passe de moments de vie racontés aux incertitudes de l'auteur, aux difficultés rencontrées par l'auteur pour enfanter ce livre. On a vraiment le sentiment d'être à côté d'elle, de parfois la prendre par la main en lui demandant la suite; on l'écoute, on l'entend.

17 décembre 2011

Les souvenirs de David FOENKINOS

Il y a des livres qui vous bouleversent, d'autres qui vous énervent, certains vous émeuvent alors que vous voudriez en chasser d'autres de votre mémoire et puis il y a des livres qui vous touchent, qui vous font du bien , où vous vous dites que cela a été écrit juste pour vous (quelle prétention!), ces livres que vous voulez garder près de vous pour en relire certains passages, pour vous en inspirer... C'est une espèce rare!
C'est dans ce petit cercle fermé que vient s'inscrire Les souvenirs de David Foenkinos.
Les souvenirs, c'est la vie sans artifices, sans super héros, sans paysages sublimes... C'est le quotidien magnifié par les mots de David Foenkinos. C'est une jolie réflexion sur la vieillesse, sur l'écriture, sur le mal être de nos sociétés, sur le but d'une vie, sur la facilité dans laquelle on peut parfois se glisser par peur de faire quelque chose d'extraordinaire (au sens propre : qui sort de l'ordinaire).
Ce roman est plein de tendresse, de bienveillance... Il réchauffe, il est comme un baume que l'on voudrait pouvoir appliquer de temps en temps.
Charlotte
 
Après avoir refermé Les souvenirs, j'ai couru acheter La délicatesse (horreur, il n'y avait plus que l'édition qui vient de sortir avec la photo du film sur la couverture... Les adaptations de livres, ce n'est pas ma tasse de thé... et surtout Audrey Tautou n'est vraiment pas mon actrice préférée!)... j'ai donc lu le livre en sachant quels acteurs avaient été choisis pour les personnages, du coup cela a tronqué ma vision du livre, je n'ai pas été embarquée comme j'aurais pu l'être sans cela... et puis cette description de la troublante Nathalie ne colle pas, selon moi, avec l'image d'Audrey Tautou... Un peu déçue donc par La Délicatesse....surtout après Les souvenirs...

CharlElie, les statuts de sa liberté

CharlElie Couture à New York.... programme alléchant ! Et sujet d'un documentaire réussi de Sylvain Pierrel diffusé l'autre soir sur France 3. De la Lorraine (sa région natale) à New York (où il vit maintenant), de la musique (il continue d’en faire) à la peinture (son premier moyen d’expression), on suit le portrait pointilliste et subjectif de cet artiste attachant et multicartes. Complété par des interviews de son frère Tom Novembre ou du réalisateur Patrice Leconte, le parcours atypique de CharlElie est bien restitué, avec une bande-son forcément sympa (Ah, réentendre sa voix si particulière, dotée d'un accent non identifié qu’il n’a qu’en chantant…). Dans la foulée, j’ai réécouté les albums Pochette surprise et Crocodile, qui n’ont pas pris une ride, ni musicale ni poétique. Il continue de tourner (Fort rêveur Tour), consacre sa vie à créer, librement... A mon prochain passage à NY, je file voir son atelier sur la 33è rue...

Extrait du documentaire disponible sur le site de France 3 Lorraine :
http://lorraine.france3.fr/evenements/documentaires/index-fr.php?documentaire=d6b1714f68a9bdd7f6f5dc61b70d3fbf

IsaH

La belle amour humaine de Lyonel TROUILLOT

Anse-à-Fôleur. Un lieu hors du temps où les lois sont faites au gré des envies et changent en fonction des humeurs, où l'essentiel est de profiter de son passage sur terre, où tout semble léger comme bercé par un doux champ exotique.

Pourtant, on est à Haiti, après le séisme, dans un chaos assourdissant et un dénuement absolu (la page sur la folie de cet endroit est poignante, elle a la force de nous transporter là bas). Le rythme de ce petit village côtier, loin de la fureur de la ville, semble irréel, comme arrêté.
Anaise, jeune occidentale, vient chercher la vérité, retrouver ses racines, comprendre pourquoi son grand père a disparu dans ce petit paradis sur terre.

Lyonel Trouillot est un poète.

12 décembre 2011

Shameless, série "white trash"

Les séries white trash mettent en scène des familles blanches pauvres. A l'origine anglaise, Shameless dans sa version américaine se passe dans la banlieue de Chicago. Franck Gallagher (William H Macy, inoubliable héros de Fargo des frères Coen, inénarrable ici) est père de 6 enfants, sa femme s'est enfuie, sans doute lassée de son alcoolisme. Toute la famille vit d'expédients divers, joyeuse tribu menée d'une main de fer par l'aînée, Fiona. Certains épisodes ne sont pas à mettre devant tous les yeux, mais qu'est-ce que c'est drôle !  Chacun des frères et soeurs est typé, depuis le surdoué et craquant Lip, jusqu'à la géniale Debbie, 12 ans, sensible et fûtée, en passant par Ian, qui couche avec le patron de l'épicerie où il bosse.
Fiona arrivera-t-telle à vivre son histoire d'amour avec le mystérieux Steve ? Lip ira-t-il à l'université ? Franck, le père, continuera-t-il à toucher des allocations pour ses migraines handicapantes mais imaginaires ? Que va faire la femme de l'épicier quand elle surprendra son mari et Ian en fâcheuse posture ?Et Veronica, la mère des enfants, va-t-elle venir reprendre sa place ?
Une foule de personnages secondaires complètent et entourent la famille, c'est décapant, amoral, très très trash, sans tabou. Ca ne m'étonne pas que la série soit anglaise à l'origine, on retrouve un peu l'esprit de Skins.
Mention spéciale au générique et à la géniale chanson : The luck you got du groupe The High Strung
IsaH

06 décembre 2011

Haute Fidélité... au rock

L'autre soir, sur Arte, j'ai (re)regardé Haute Fidélité de Stephen Frears, tiré du roman de Nick Hornby. Le film est bien, le livre enthousiasmant.
La passion de Rob, le héros quadra, c'est le rock. Il n'est pas musicien, oh non ! Son rêve serait d'être critique musical, à la place il tient un magasin de vinyles avec deux potes bien allumés, mais ça sufffit déjà à son bonheur. Ils s'amusent bien tous les trois : clients victimes d'humiliations publiques et de marchandage cruel d'albums collectors, refus de vente ("quoi, vous voulez acheter I just want to say I love you de Stevie Wonder ? C'est une dauble, dehors !"),  débats de spécialistes (faut-il jeter tout Stevie Wonder, ou tenir compte de son génie passé ?) etc. Car nos amis  l'affirment haut et fort : ce qui te définit, c'est ce que tu écoutes ! Bref tout serait parfait, sauf que rayon femmes, il a du mal, Rob...Va-t-il se ranger ? Et arrêter des faire des listes de ses 10 albums préférés (ça change tout le temps), ou des compils pleines de messages subliminaux pour ses conquêtes d'un soir ?

Qu'est ce qui fonde l'amitié, l'amour ? Les goûts communs, la fidélité à ce qui nous faisait vibrer quand on était jeunes ? Rob et ses amis sont des jusqu'au boutistes de cet axiome, sont-ils  pathétiques pour autant ? Non, quoiqu'en pense leur entourage. On est un certain nombre de quadras / quinquas à pouvoir se reconnaître dans ce livre(film), même si socialement on n'est pas dans la relative marginalité des héros.  Quand le rock a accompagné les moments intenses de sa jeunesse, on ne peut pas ne plus l'écouter. Il fait partie de notre vie, même souterrainement. J'en connais qui font collection de basses, d'autres qui redécouvrent Marc Bolan et T Rex, groupe de glam rock éclipsé par David Bowie dans les années 70, ou qui écoutent en boucle sur leur mp3 le mythique "Who's next", à la grande surprise d'une collègue de 25 ans qui l'écoute elle aussi (comme quoi le bon rock défie le temps)...
On peut avancer dans la vie arrimé à cette nostalgie. Le rock est un état d'esprit. Rien ne me fait plus de peine, et le mot n'est pas trop fort, que de voir des ados écouter de la daube formatée au kilomètre par les robinets musicaux des majors. La musique de Lady Gaga et consorts ne laissera aucune trace dans l'esprit et le coeur de ceux qui l'écoutent et l'adulent aujourd'hui, j'en fais le pari, quitte à faire "vieux con"... Je me sens finalement plus proche des adulescents fans de jeux vidéo, même si ce n'est pas mon univers. On nous objectera qu'on n'assume pas de vieillir ? Bah non, je confirme !! Le rock, c'est notre botox !
Rob, le héros de Haute Fidélité, va enfin se poser avec Laura, dont il aura écouté les attentes. Et va lui concocter, à l'infini, des compils pleines de messages subliminaux...
IsaH
Ce texte est une "spéciale dédicace", ceux à qui elle s'adresse se reconnaîtront !

Le Système Victoria d'Eric REINHARDT

Il est des livres dont faire la critique est difficile, les résumer ne leur rend pas hommage, trouver les bons mots pour en parler est un exercice périlleux...
"Le Système Victoria" est un de ceux là!
J'ai refait le brouillon de cette critique des dizaines de fois, ne sachant comment l'aborder...
Mais il fallait que je vous en parle!

Amour, travail, pouvoir, violence, sexe, politique, argent, ambition, réussite, déchéance...
Tout y est!! Et il n'y a rien de trop.
Ce livre est intelligent : il parvient à dénoncer la société actuelle, sa démesure, le système capitaliste, le pouvoir et l'ambition comme dogmes de vie sans jamais tomber dans la facilité. L'histoire est portée par deux personnages travaillés, complexes, multiples, torturés.
Ce livre vous happe et ne vous lâche pas, vous le refermez un peu sonné, un peu KO en vous demandant comment vous allez sortir de ce tourbillon... Vous y repensez souvent...
On sait que la fin sera dramatique, et ce dès les premières pages... et c'est là que le talent d'Eric Reinhart réside : il vous tient en haleine, ménage le suspens, vous fait engloutir des pages et des pages sans jamais vous lasser.
Parfois, vous détournez le regard ou vous lisez très vite tellement l'écriture est crue, violente parfois... Vous passez d'une émotion à une autre, loin du cliché des méchants contre les gentils... Tout bascule en un instant, vous perdez l'équilibre parfois...
Ce livre est pour moi un petit ovni, je crois que je n'avais jamais lu quelque chose de semblable...
Provocant, dérangeant!!
Sans conteste, un des livres les plus marquants de cette rentrée littéraire pour moi !!!
Charlotte