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Articles

Affichage des articles du 2008

Rentrée littéraire, suite

Quelques mots de 3 livres dont la critique a beaucoup parlé. Polichinelle est le premier roman, encensé, de Pierrick Bailly. Si vous en avez assez des problèmes des jeunes de banlieue, voici ceux des jeunes ruraux, tout aussi désoeuvrés et sans repères, au fin fond du Jura. Le propos est intéressant, mais à quoi sert d’épouser le chaos des personnages par une écriture chaotique si au final l’exercice tourne au pensum pour le lecteur. C’est quasiment illisible, et c’est dommage, car je pense qu’il y a un bon bouquin en filigranes. Ian Mc Ewan livre avec La Plage de Chesil le court récit d’une nuit de noces qui tourne au cataclysme, dans les années 60. Le couple ne se remettra pas de ce fiasco, malgré l’amour qui les unissait. La grande habileté du livre, après avoir présenté les points de vue alternés de l’homme et de la femme tout au long de cette funeste nuit, est de faire défiler ensuite, en quelques pages, toute la vie d’un seul des deux personnages, éclairée par cet évènement in...

"Le crime est notre affaire" de Pascal THOMAS

Voilà un film français très drôle sans être vulgaire (si! si! c'est possible!) et qui nous éloigne enfin des biogra-films du moment qui commencent à devenir lassants. Que faire quand on s'ennuie à la retraite et qu'on veut échapper aux fêtes de Noêl et aux petits-enfants turbulents? Résoudre un crime pardi. Et voilà Catherine Frot en raquettes et André Dussolier en kilt aux prises avec une famille et un lieu dignes de la Famille Addams. Ce crime c'est Annie Cordy (oui oui la chanteuse...) ici entomologiste convaincue, qui en est le témoin et qui va lancer les Beresford sur la piste. Les gags sont nombreux et fins, les dialogues savoureux et les acteurs tous très bons: de Claude Rich en vieil avare à Melvin Poupaud toujours aussi jeune en passant par Chiara Mastroianni et Hyppolyte Girardot. Pascal Thomas nous régale avec son ton bien à lui qui nous plaît depuis les Zozos et ce film, à nouveau librement inspiré d'un roman d'Agatha Christie, mine de rien continue ...

"Parlez moi de la pluie" d'Agnès JAOUI

Un nouveau Bacrijaoui ! Chic chic... On s'y précipite, même si ce qu'on en a lu ou vu nous enthousiasme moins que d'habitude. Et à l'arrivée, on est un peu déçus. L'impression que le scénario est moins "béton" que d'habitude, que Jamel, que j'aime beaucoup ce n'est pas le problème, emmène le film ailleurs avec un personnage pas très bien dessiné, qu'Agnès Jaoui incarne de nouveau une femme-intelligente-et-indépendante-mais-seule. .. Le propos n'est pas clair. Jaouibacri prétendent traiter de l'humiliation. Certes, mais c'est le sujet de pratiquement tous leurs films et celui-ci n'apporte pas grand chose sur ce thème. Trois personnages (et acteurs)s'en sortent à mon avis : Bacri, comme toujours, épatant en loser moins acrimonieux que d'habitude, la soeur d'Agnès Jaoui (je ne me souviens plus des noms des personnages désolée) et la mère de Jamel, qui est la seule à incarner une nouvelle figure de l'humiliation ...

"L'Ultime question" de Juli ZEH

Moi qui suis une indécrottable littéraire, j'ai dévoré ce roman qui traite de... physique quantique (j'en vois déjà qui rigolent...). Mais si les précisions scientifiques abondent, c'est pour mieux enrichir un propos philosophique passionnant. Les personnages principaux sont Sebastian et Oskar, deux physiciens de renom. Ils sont liés par une amitié forte (et quelque peu ambiguë), née pendant leurs études. Sebastian s'est marié avec Maike et ils ont eu un petit garçon, Liam. Oskar, resté célibataire, vient dîner tous les vendredis soirs chez le couple. Et ce vendredi là, le repas tourne à l'affrontement. A l'occasion d'un faits divers où l'assassin prétend venir du futur, où ses victimes sont bien en vie, les deux amis défendent chacun leur position. Si Sebastian est séduit par la théorie des mondes multiples ou parallèles, Oskar, lui, est le tenant de la linéarité du temps et de l'unicité de l'univers. Oskar, pour clore le débat, propose à Sebast...

"Les monstres de Templeton" de Lauren GROFF

Premier roman d'une jeune américaine, Les Monstres de Templeton est la chronique sur 200 ans d'une petite ville de l'Etat de New York, Templeton. L'héroïne, Willie, revient dans sa ville natale en proie à un profond désarrroi : elle est enceinte de son directeur de thèse (elle est étudiante en archéologie) et vient chercher du réconfort auprès de sa mère, Vivienne. Celle-ci est une ancienne hippie fraîchement convertie à l'église baptiste. Elles sont les deux dernières descendantes du fondateur de la ville et ont de ce fait un statut un peu particulier à Templeton, tout le monde les connaît. Vivienne accueille sa fille avec une révélation coup de poing. Non Willie n'est pas née de ses amours libres lorsqu'elle vivait à San Francisco, en fait son père vit à Templeton. Vivienne ne révèle pas à Willie l'identité de son géniteur, elle lui donne juste un indice : comme elles deux, cet homme descend lui aussi du fondateur de la ville. Willie va se lancer dans...

Grand Corps Malade

A slamer pour un slameur Je voudrais faire un slam pour un Grand Corps Malade Qui depuis Midi Vingt nous emmène en balade Et son dernier album app'lé Enfant des villes Surprend une fois encore de sa belle voix virile. De l'amour à la mort en passant par les potes Il est toujours en quête des rimes, de la bonn'note Des jeux de mots déguisés sur les Pères et les Mères L'affection dévoilée au rythme de ses vers. Toujours à Saint Denis défilent les Quatr' saisons La musique est discrète, ce n'est pas un' chanson Dérision du succès, Underground il faut être Et la Nuit aide surtout à assembler les lettres. Si les rires sont présents avec l'Appartement Après J'ai pas les mots là on pleure carrément Pour moi les mots sont là et à chaque fois ils touchent Et le coeur et la tête..et le reste: il fait mouche. Anne

"Le baiser dans la nuque" de Hugo BORIS

Huis clos entre Fanny, sage femme s’enfonçant dans la surdité et Louis, pianiste. Rencontre de deux êtres meurtris par un handicap autour d’une naissance. Fanny accouche la belle soeur de Louis, le jour de l’enterrement du père de l’enfant et frère de Louis : première scène poignante de ce roman. Avant de devenir complètement sourde, Fanny a un voeu : apprendre à jouer du piano. C’est ainsi que tous les jeudis, ces deux personnages vont se retrouver face au piano, dans la maison mystérieuse de Louis. Ce roman est un murmure au creux de votre oreille, où tout n’est que suggéré... Ecriture subtile et tendre comme un baiser dans la nuque... On est suspendu à ces personnages, sur le fil... on guette la chute... Roman fort et délicieux... Un vrai moment de délicatesse et de tendresse. Charlotte

"Terre des oublis" de Thu Huong

Magnifique fresque vietnamienne... L’auteur nous transporte dans la vie d’un petit hameau au lendemain de la guerre du Vietnam... Bon revient de la guerre, après sept ans d’absence, et découvre qu’il a été déclaré mort. Sa femme Mien s’est remariée par amour à Hoan, un riche commerçant. Pressée par la tradition, les rumeurs des villageois et par l’hommage rendu à ce héros de guerre, Mien retourne vivre avec son premier mari, en quittant un mari aimant et aimé. Commence alors le récit de ses trois vies, meurtries, bouleversées : comment vivre sans la femme qu’on aime ? Comment réapprendre à aimer un homme que l’on a cru mort ? Comment vivre normalement après avoir connu la guerre ? Thu Huong nous transporte dans ce petit village où l’on ressent la vie, les odeurs, les paysages... et où l’on s’attache à ces trois personnages, chacun avec leur part d’ombre. Critique tout en finesse de la guerre et de ses ravages, de la société traditionnelle vietnamienne... Analyse des passions amoureuses...

"La princesse des glaces" de Camilla LACKBERG

Pas sûr qu'Actes Sud réitère l'exploit de la trilogie "Millenium" avec Camilla Lackberg, présentée comme la nouvelle révélation du polar suédois. "La princesse des glaces" est certes un roman prenant, présentant les mêmes ressorts (secrets de famille, froid scandinave, scène de crime bien flippante etc) que "Millenium", mais les personnages sont loin d'être aussi attachants. Plus lisses, l'héroïne Erica et le policier chargé de résoudre le meurtre de leur ancienne camarade de lycée, la belle Alexandra, vont même vivre une histoire d'amour gnan gnan et très prévisible... On est loin de Mickael et Lisbeth. Malgré tout, ce roman se lit avec plaisir. Une bonne lecture estivale ! Isa

La muette de Chahdortt DJAVANN

S’il ne fallait en garder qu’un... Récit vif, court, bouleversant... Tous les superlatifs ne seraient pas assez forts et les mots ne pèsent pas grand chose face à ce petit bijou !! Vous ressortez KO de cette lecture, face à tant de bêtise humaine où l’amour est un crime ! Un immense cri de douleur et de révolte , et pourtant un cri bien trop silencieux ! Il faut le lire, c’est une nécessité ! Charlotte

"Mère disparue" de Joyce Carol OATES

Gwen Eaton est une mère à l'image de toutes les mères: irritante parfois, attachante toujours, débordante cependant, altruiste mais tellement irremplaçable. Ses 2 filles seront littéralement « déchirées » par sa disparition brutale et chacune vivra ce « saignement intérieur » à sa façon. Nikki, la plus jeune, moderne et libérée, nous raconte cette année qui suivit le drame. Sa révolte mais aussi sa quête d'une meilleure connaissance de « celle qui va tant lui manquer ». Ses rapports avec sa soeur plus âgée et plus rangée, avec les hommes, avec la maison de sa mère et le calendrier d'habitudes de celle-ci. Faut-il tout rejeter ou au contraire comprendre (enfin!) cette femme qui l'a tant aimée? Joyce Carol Oates revisite un thème récurrent chez les écrivains, les rapports mère-fille avec une tendresse éclatante et un regard neuf. Elle met son talent littéraire au service d'une relation qui n'a pas fini de nous dévoiler ses charmes et ses mystères. Elle sait trouve...

"Il y a longtemps que je t'aime" de Philippe CLAUDEL

Que penser du premier film de Philippe Claudel ? J'en suis sortie assez perplexe. - C'est long mais je ne me suis pas ennuyée (de temps en temps je m'occupais à chercher les endroits de Nancy où les scènes étaient tournées). - Le face à face entre les deux soeurs fonctionne, K Scott Thomas (Juliette) est géniale, et Elsa Zylberstein (Léa), pour une fois, pas si mal. Mais la fin est décevante, je n'osais me le formuler, mais en lisant certaines critiques, j'ai compris que c'était cela qui m'avait finalement vraiment gênée. On retombe dans l'"émotionnellement correct". Eh non, Juliette ne pouvait pas être cette criminelle intrigante et attachante en recherche de cette rédemption qu'on était tous prêts à lui accorder, tant que ses motivations à commettre le pire meurtre qu'on puisse imaginer nous était inconnues. A la marge, quelques motifs d'agacement, pas bien graves mais quand même, dans la description de l'entourage de Léa, pro...

La Môme et le Ch'ti

J'ai vu coup sur coup deux grands succès populaires, dont je me méfiais comme la peste a priori. Non pas parce qu'ils ont du succès, mais parce que les biopics m'ennuient souvent et que les comédies françaises récentes sont à la ramasse (en plus j'aime pas Dany Boon...). Au bout de vingt minutes, je regardais ma montre au lieu de l'écran : "Bienvenue chez les Ch'tis " est un navet de taille. Dès que Kad Merad arrive dans le Nord, l'affaire est pliée : tout devient lourd, long, le scénario tient sur une ligne, et encore pas bien droit, chacun ânnone avec plus ou moins d'aisance (pauvre Line Renaud, on souffre pour elle) ce salmigondis ch'ti comme si c'était une langue étrangère. En 2008, oser proposer un film reposant sur un seul effet comique, de plus usé jusqu'à la corde, l'accent et les malentendus qu'il génère... Ca fait peur ! Ceux qui ont vu uniquement la bande annonce ont vu le meilleur, concentré au début : Galabru, ...

"Margherita Dolcevita" de Stefano BENNI

Voilà un joli petit livre, entre conte et fable, qui met en scène Margherita, jeune adolescente italienne un peu boulotte mais très fûtée, et sa famille plutôt bohème : son papa, réparateur de vélos, sa mère, rêveuse et fan de la série télé "Eternal Love", ses deux frères, l'un plutôt lourdaud et l'autre petit génie des mathématiques. Lorsque la famille Del Bene s'installe sur le terrain voisin, après avoir fait construire en une journée un cube noir et brillant, truffé de technologie, en guise de maison, elle se méfie. Ces gens-là en savent beaucoup trop sur la famille Dolcevita, sur qui ils vont vite prendre un ascendant fâcheux : la mère de Margherita achète un gigantesque écran plasma et plonge carrément au coeur d'Eternal love, son père ne supporte plus sa calvitie, son frère aîné tombe raide dingue de la fille Del Bene, lolita de pacotille, et son jeune frère s'abîme dans les derniers jeux vidéos importés par Mr Del Bene. Celui-ci a des activités bie...

"La route" de Cormac Mc CARTHY

Attendu comme l'évènement de la rentrée littéraire de janvier 2008, le dernier roman du géant des lettres américaines, Cormac McCarthy, tient toutes ses promesses. La route, c'est celle que prennent, à pied, un père et son jeune fils, pour rejoindre le sud, dans une Amérique du Nord post-apocalyptique. Ils recherchent la chaleur, au moins la chaleur, dans l'univers de désolation qu'est devenu leur monde. Que s'est-il passé, on ne le saura pas. Mais les Etats-Unis ne sont plus que cendres et vestiges de civilisation fantômatiques, où errent de pauvres gens comme nos héros. Tous redoutent de croiser les "méchants", comme dit le petit garçon. Ceux qui dépècent (et dévorent) leurs semblables. Quelque part entre références bibliques et Mad Max (pour les décors), Cormac McCarthy nous livre un roman à la fois très littéraire, et très visuel. Les premières pages, situant peu les personnages et le contexte, m'ont fait craindre que l'auteur ne tienne pas la ...

"Palermo solo" de Philippe Fusaro

Personnage central - roman centré sur lui - , le baron vit au "Grand Hôtel des Palmes" à Palerme, depuis 50 ans. Confiné dans ce lieu par la mafia sicilienne, entre légende et vérité, - presque une existence virtuelle -, approché par peu, solitaire à jamais ?, vivant la peur, puis l'ennui, puis l'acceptation, teintée de révolte, il va y parcourir sa vie. A petites touches suggestives, légères, toutes en demi teinte, Philippe Fusaro écrit un mélancolique roman d'amour, empli de chaleur et d'ombre, de silence(s), rythmé par les seuls battements du coeur de cet homme définitivement condamné à la solitude. Où seuls le bruissement des palmes et l'incandescence du soleil semblent réels ... [D'origine italienne, Philippe Fusaro est libraire à Strasbourg. "Le Matricule des Anges" (n. 56, sept. 2004,) lui a consacré un article élogieux et sympa]. Laurence

"Ce qui a dévoré nos coeurs" de Louise ERDRICH

Fayes Travers - la narratrice - , expert en biens mobiliers, vit avec sa mère dans le New-Hampshire. Discrète, et honnête (ceci a son importance), vie au ralenti, sans grand relief, entrecoupée de visites au cimetière et de visites à son voisin, amant occasionnel. Lors d'une succession dont elle réalise l'estimation, elle découvre un tambour ojibva, qu'elle s'approprie... Geste inconsidéré, et considérable . Si là se trouve le prétexte du roman, le fil conducteur en est l'histoire même du tambour - d'ailleurs, le titre original est "The painted drum" - , la trame tissée de façon complexe : un écheveau de destins, tous les personnages étant intimement liés les uns aux autres, les situations intrinséquement nouées : chaque acte a ou aura un impact, son impact, a ou a eu une raison d'être. En quelque sorte, une psychogénéalogie indienne, terrible et émouvante, proche, à mon sens, du roman initiatique, même si la forme en diffère quelque peu. Remarquab...