Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du mars, 2007

"Vers l'âge d'homme" de J.M.COETZEE

Ce récit, que la critique bien informée dit largement autobiographique, fait suite à "Scènes de la vie d'un jeune garçon" (que je n'ai pas lu, mais les assidus du blog pourront peut être compléter). Primé au nobel de littérature, Coetze est un auteur accessible et un homme discret. A nous de lire entre les lignes et de retrouver l'écrivain derrière le personnage. John, un jeune homme quitte son pays, l'Afrique du Sud, qui bouillonne et se révolte. Il rejoint Londres. Il aurait préféré Paris ou Vienne, capitales incontestées de la culture et de la vie intellectuelle dans l'imaginaire suranné de ce jeune étudiant en mathématiques. Mais ce sera Big Ben et sa grisaille, faute de mieux. Le livre raconte la fuite et les errances d'un homme à l'aube de sa vie d'adulte, le renoncement à toutes les racines, les mornes errances d'un homme qui, à trop penser sa destinée, enterre ses jours. John est certain de son avenir : il veut être un artiste, il a...

Maupassant et la télé

Vu quelques contes et nouvelles de Maupassant adaptés pour France 2. Encore un mardi et c'est fini. Dommage, on en verrait bien encore quelques uns, car c'est une belle réussite. Chaque soirée est composée d'une nouvelle "des champs" (50 minutes) et d'un conte "des villes" (30 minutes). J'avoue une nette préférence pour les premières, qui nous révèlent quelques comédiens étonnants. L'adaptation de "La Parure", par Claude Chabrol et avec Cécile de France, est assez décevante par rapport au "Père Amable" ou à "Une fille de ferme". Les héroïnes de ces deux nouvelles, et leurs jeunes interprètes au minois inconnu, sont tellement émouvantes : engrossées à 16 ans, elles travaillent comme des hommes, subissent la honte et leur seul espoir est de "marier un fermier point trop violent et courageux". Elles ont la rage de celles qui veulent s'en sortir malgré tout, mais sont les esclaves de ce XIXème siècle r...

"L'Ogre" de Jacques CHESSEX

Jean Calmet, 40 ans, professeur de latin en lycée, assiste à l'incinération de son père, en Suisse. Tout de suite, le ton est donné, les personnages sont en place, la situation doit évoluer : la mort de l'un va-t-elle permettre la vie de l'autre ? Pourquoi en est-on là ? Que s'est-il passé ? Que se passe-t-il dans la tête -et dans le corps- de Jean Benjamin Calvet ? Roman de paradoxes : - années 70 / années intemporelles - écriture (vocabulaire, syntaxe, construction) riche et précise / écriture simple, parfois simplifiée à l'extrême, sans fioriture, "scalpelisée" (cf "Le vampire de Ropraz) - sentiments et situation décortiqués / sentiments et situation réduits à leur plus simple expression - espoir pour Jean Calmet / désespoir pour Jean Benjamin Calmet - abandonner ce fantoche à son sort / sympathiser avec ce fantôme qui tente de quitter l'ombre du père ? - rejet/ identification - indifférence / empathie, compassion - oppression / libération ? Pe...

"La Femme de hasard" de Jonathan COE

Pour l'inconditionnelle de Jonathan Coe que je suis, la sortie (en poche) de son premier roman, jusqu'alors inédit en France, avait de quoi me réjouir. Je me suis jetée dessus... et suis restée un peu sur ma faim. Le destin sinistre de Maria, depuis ses années d'université jusqu'à ses 30 ans bien sonnés, m'a laissée quelque peu froide. Sa personnalité, indifférente à tout, solitaire et parfois revêche, n'est pourtant pas sans intérêt. Elle est l'occasion de quelques pages bien senties sur l'optimisme béat de certains de nos congénères, et il faut reconnaître que la galerie de personnages que la pauvre Maria est obligée de se coltiner, est assez amusante, quoique déprimante : Ronny l'amoureux transi qui la demande en mariage tous les jours pendant une décennie, ses diverses colocataires toutes plus frappées les unes que les autres, le mari qu'elle finira par épouser "par hasard" et qui se révèlera... mais je n'en dis pas plus. Jusqu...

"Le Vampire de Ropraz" de Jacques CHESSEX

Avec ce texte court et percutant, l'auteur suisse romand Jacques Chessex brouille les frontières entre réel et fiction. Il retrace un fait divers authentique, survenu au début du XXème siècle à Ropraz dans le canton de Vaud (village où il habite par ailleurs). La jeune Rosa Gillieron, fille d’un notable local, meurt d’une méningite. Le lendemain de son enterrement, qui a rassemblé tout le canton, on retrouve sa tombe profanée. Pire encore, le corps même de la jeune fille a été violé et atrocement mutilé. Chessex détaille avec économie mais précision les sévices subis par la dépouille, pour mieux nous faire comprendre le traumatisme qui se répand dans les environs. D’autant que l’abomination se répète trois fois... Dans ces campagnes reculées, les hantises et vieilles superstitions du Moyen Age sont toujours vivantes, et les moeurs sont salies mais cachées par ce que Chessex appelle la « crasse primitive ». La peur fait circuler les rumeurs, et la barbarie fait écho aux pulsions les...

"La fugue" et "Loin, chez personne" de Valérie SIGWARD

Valérie Sigward explore dans ces deux romans ses thèmes de prédilection : la frontière séparant le monde de l’enfance de celui des adultes, l’absence de ceux qu’on aime et la souffrance qu’elle suscite, le voyage, au dénouement toujours incertain. Le voyage, dans "La fugue", est donc ...une fugue. Celle de Théo, un lycéen dont le frère s’est suicidé un an plus tôt. Théo cherche à fuir ses parents dévastés, pour qui il n’a plus l’impression d’exister. Il n’ira pas bien loin en termes de distance, mais avec d’autres jeunes de son entourage, dont celle qui fut la petite amie de son frère, et son inénarrable meilleur copain Zeb, il fera un grand trajet intérieur dans l’acceptation de la mort de son frère. "Loin, chez personne", raconte également un voyage, puisque c’est un road movie, avec là encore un grand absent. Deux soeurs d’une trentaine d’années partent voir leur père, pour lui "demander des comptes". L’aînée, Julia, emmène dans ce périple ses deux enf...