[Lecture en cours] Adam Rapp, dramaturge et romancier reconnu aux Etats-Unis, fait l'objet d'une première traduction en français avec cette "table des loups" intrigante. Le premier chapitre se passe en 1951 dans une petite ville de l'Etat de New York, et présente la famille de la jeune Myra. Cette dernière évolue dans un environnement très catholique, et en tant qu'aînée de nombreux frères et soeurs, elle seconde sa mère à la maison. Sa seule échappée consiste à se rendre dans un diner après la messe, où la serveuse lui passe sous le manteau un roman qu'elle dévore, et qui raconte la fugue vers New York d'un adolescent prénommé Holden (on reconnaitra "L'Attrape-coeurs" de Salinger). Un jeune homme l'aborde et la reconduit chez elle, puis un évènement dramatique survient... Le deuxième chapitre, dix ans plus tard, suit cette fois un des frères, Alec, gamin voleur et turbulent, devenu adulte. Comme Myra dans le premier chapitre, il cro...
Los Angeles, début des années 70. Dans une villa de Hollywood, Sharon Tate et son groupe d'amis sont assassinés sauvagement par un commando de jeunes gens embrigadés par le gourou Charles Manson. Ce fait divers a marqué l'histoire à plus d'un titre : l'atrocité du massacre, perpétré en partie par des jeunes filles, le fait que Sharon Tate était la compagne de Roman Polanski et surtout qu'elle était enceinte. Simon Liberati reconstitue les heures et les journées qui ont précédé et suivi le massacre, et détaille longuement ce qu'il imagine de celui-ci. Les points de vue adoptés sont tour à tour ceux des victimes et surtout ceux des tueurs, aux profils divers, mais tous sous l'emprise totale de leur gourou. On a beaucoup dit que ce massacre avait signé la fin de l'ère hippie. Mais dans cette "secte", l'idéologie, sinon le mode de vie, n'a pas à grand-chose à voir avec le flower power : haine des "nègres", qui causeraient la perte de l'Amérique, haine des riches et des puissants, délire de fin du monde… Tuer pour être parmi les privilégiés qui seront sauvés, c'est ce que vend Charles Manson à ses ouailles, des jeunes en perdition sociale et familiale. La réalité de ses motivations est toute autre : se venger d'un milieu (la scène artistique de LA) qui n'a pas fait de place au musicien de génie qu'il pense être. Car, cruelle ironie rendant définitivement ce massacre hors norme, les personnes tuées n'étaient pas les personnes visées… Simon Liberati nous plonge dans le quotidien de cette communauté, décrivant avec précision une Amérique déclassée où des cow boys d'opérette cohabitent avec les hippies dans des fermes transformées en parcs d’attraction pour touristes, au milieu du désert brûlant de Californie. A cet évènement devenu iconique, et donc forcément un peu désincarné, Simon Liberati réinjecte de l’humain, sans complaisance pour la violence qu'il décrit précisément, à l'exacte croisée des chemins entre l'empathie envers les victimes (Sharon en tête) et la tentative d'analyse, sinon de compréhension, des motivations des tueurs. Un exercice d'équilibriste réussi.
IsaH
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