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"Soif" d'Amélie Nothomb



Jésus Christ est un personnage fascinant : qu’il ait existé ou pas, qu’on croie ou pas qu’il est le Fils de Dieu, il y a quelque chose d’irréductible dans son message, comme un nombre premier ou un atome, qui fait qu’il résiste au temps, aux folies de l’Église et ne souffre pas trop la discussion.
Dans le dernier Amélie Nothomb Jésus raconte à la première personne son procès, sa dernière nuit, sa crucifixion et sa résurrection. En faisant toujours un peu la maligne, l’auteur livre mine de rien un roman très personnel et plus profond que ses derniers opus, qu’on a lu d’une traite en les oubliant aussitôt. Celui-là n’aura pas le même sort, pour moi en tout cas. Il reste en tête, et déploie moult réflexions concentriques. Car l’épreuve de Jésus est celle qui attend tout humain : faire face à la douleur et à la mort, garder l’image de ceux qu’on aime, éliminer toute l’hostilité ambiante pour se concentrer sur sa conscience, vivre pleinement son rapport au corps. L’humour et la lucidité l’aident à rester digne, il observe, un peu estomaqué mais sans colère, la mesquinerie et la cruauté qui l’entourent.
Bien sûr Amélie Nothomb joue le décalage avec ce Jésus anachronique, très XXIè siècle dans son expression, dans son rapport au monde et aux femmes. Mais finalement, la foule le regardant passer avec délectation, portant sa croix, est-on bien sûr de n’avoir pas inventé l’équivalent de nos jours ? L’ingratitude de ceux qui ont bénéficié de ses miracles et qui viennent témoigner contre lui dans les premières pages consacrées au procès (très drôles d’ailleurs), ne l'observe-t-on pas dans notre société, qui a vite fait de brûler ce qu'elle a adoré ?
Il y a enfin quelques pages poignantes, quand Simon et Véronique allègent, dans tous les sens du terme, le chemin de croix de Jésus. Episodes bien connus, à qui A.B. apporte une incarnation simple et émouvante.

IsaH

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