John Irving définit
son dernier roman comme une œuvre militante, ce qui est à la fois
la force et la limite d’A moi seul…. Irving entend en
effet faire le tour de toutes les différenciations sexuelles à
travers une galerie de personnages, qu’on va suivre des années 60
aux années 2000. La toile de fond passe donc d’une société
verrouillée sur ces questions, jusqu’à la (relative) ouverture
actuelle, en passant par la terrible irruption du SIDA... Le
narrateur, Bill Abott, est un adolescent sensible et indécis
sexuellement. Dans sa petite ville du Vermont, il rêve d’être
écrivain, encouragé dans cette voie par une bibliothécaire, Miss
Frost. Ambivalente et fascinante, elle sera également décisive dans
l’orientation sexuelle du jeune homme (il aimera les garçons ET les filles) … Malgré quelques longueurs, Irving excelle à nous
rendre tous ces personnages vivants et attachants. Son art consommé
du dialogue, son sens si américain des situations (parfois crues,
souvent drôles), la force des émotions (le long tunnel de deuils
des années SIDA) nous mettent en état de totale empathie. Un hymne
à la tolérance par un maître des lettres américaines, qui, avec
Bill, nous offre une fois de plus un personnage masculin dont lui
seul a le secret.
IsaH
Toute ma vie de lectrice, j’étais passée à côté de Salman Rushdie, son œuvre m’était comme masquée par le « bruit » de l’ignoble fatwa, et la dimension magique de la plupart de ses récits (ce n’est pas ma tasse de thé) ne m’encourageait pas à le lire. J’en suis venue à l’aborder quand, installé aux Etats-Unis, il a situé ses romans dans ce pays. Intriguée par le résumé de la Maison Golden qui, fidèle à la réputation de Rushdie, semblait foisonnant et plein de références, mais dont les enjeux narratifs étaient clairs et qui a la grande qualité de se dérouler à New York, je l’ai lu avec passion. Et logiquement, j’ai regardé de près la quatrième de couverture de Quichotte, paru à l'automne 2020 : la promesse d’un road trip à travers les USA, un vieil indien (d’Inde bien sûr) amoureux d’une star de la téléréalité... Bref, j’ai plongé dans ce mastodonte (private joke pour ceux qui l’ont lu) de 430 pages. Et mon esprit cartésien n’a pas résisté à la fantaisie pleine de sens du récit...
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